« L’Europe est en péril, elle est en proie aux manœuvres de moins en moins dissimulées du maître du Kremlin, l’Europe comme idée, volonté, représentation, est en train de se défaire sous nos yeux.
Les soussignés sont de ceux qui ne se résolvent pas à cette catastrophe annoncée.
Ils sont de ces patriotes européens, plus nombreux qu’on ne l’imagine, mais trop souvent résignés et silencieux, qui savent que se joue là, trois quarts de siècle après la défaite des fascismes et trente ans après la chute du mur de Berlin, une nouvelle bataille pour la civilisation. Car tel est bien l’enjeu : derrière cette étrange défaite de l’Europe qui se profile aujourd’hui, derrière cette nouvelle crise de la conscience européenne acharnée à déconstruire tout ce qui fit la grandeur, l’honneur et la prospérité de nos sociétés, la remise en cause – sans précédent depuis les années 30 – de la démocratie libérale et de ses valeurs, est à l’œuvre.
 »

Ce texte est un extrait du Manifeste « Il y a le feu à la Maison Europe » à l’initiative de Bernard-Henri Lévy et co-signé par trente écrivains et patriotes européens, dont Roberto Saviano, Salman Rushdie, Svetlana Alexievitch, Milan Kundera, Claudio Magris. Il fut publié il y a cinq ans dans Libération puis dans le reste de la Presse européenne.

Les signataires imploraient l’Europe de ne pas se montrer complaisante face à la montée des populismes.

Cet appel aux armes citoyennes fut suivi d’une tournée théâtrale de trois mois de Lévy. Il joua sa pièce Looking for Europe dans vingt villes européennes, Paris, Prague, Athènes, Gdansk, Berlin, Copenhague, Madrid, Lisbonne. Bernard-Henry Lévy rappelait à ses milliers de spectateurs qu’ils étaient la majorité, serait-elle silencieuse, que l’heure était venue de se mobiliser, de voter et de proclamer haut et fort notre fidélité aux valeurs de liberté. C’était maintenant ou jamais.

En Italie, il tourna Berlusconi et Salvini en ridicule, en Hongrie, il exhorta le public à se dresser contre Orban, l’illibéral dans la main de Poutine, à Kiev, oui à Kiev, parce que l’Ukraine était devenue le coeur battant de l’Europe, il rendit hommage aux Ukrainiens d’être les sentinelles de l’Europe, veillant sur les barricades de l’Europe contre l’une des pires dictatures d’aujourd’hui.

Nous sommes cinq ans plus tard, et les mots de ce Manifeste en faveur de l’Europe, les mots de Looking for Europe sont plus que jamais de saison. Les élections au Parlement européen sont pour demain, les enjeux n’ont pas changé, se sont même élargis. Tenir en respect les forces d’extrême droite comme d’extrême gauche, contenir le populisme en Europe, déjouer les interventions du Kremlin et les manipulations occultes de la Russie dans la politique européenne : telle est, pour l’heure, la tâche.

Le Washington Post a récemment rendu compte des moyens qu’utilise le Kremlin pour interférer et mettre à mal le système politique français, via ses fermes de trolls, les comptes des medias sociaux qu’il abonde, les messages qui martèlent que les sanctions occidentales affaiblissent l’économie française, que le soutien militaire à l’Ukraine a réduit les capacités de défense de la France. Politico a récemment rapporté que les groupes de désinformation pro-russes ont littéralement entortillé des légistes européens, les ont exposés en ligne dans le but de polluer leur image et d’entraîner pour eux de sérieux dommages. Puis ce fut le très vil, très méprisable propagandiste américain qu’est Tucker Carlson, qui alla à Moscou interviewer Poutine. Ce sont là trois exemples parmi d’autres des manipulations que les Russes mettent en oeuvre plus la date des élections approche.

Plus que jamais, les patriotes européens, à l’instar des trente écrivains du Manifeste de 2019, doivent se rassembler. Et il faut relire Looking for Europe, réentendre son message. 

L’heure est revenue de se mobiliser pour les valeurs de l’Europe, la démocratie, la liberté.