Quelle est la stratégie gagnante pour la gauche en 2012 ? Le grand danger qui la guette aujourd’hui, c’est l’immobilisme. La tentation d’attendre le retour du balancier est grande, en effet. La déchéance du sarkozysme est telle, à un an à peine du rendez-vous présidentiel, que le vote de rejet devrait amplement suffire à propulser les socialistes et la gauche de gouvernement au pouvoir. La stratégie à suivre serait donc de ne rien faire qui puisse gêner le report des déçus du sarkozysme. En bref, mener une non-campagne, se montrer le plus tard possible, en dire le moins possible… Avantage supplémentaire, une telle approche permettrait de ne pas faire trop de promesses électorales devant les Français, par définition inconsidérées dans cette période de disette budgétaire, et donc de garder les coudées franches pour gouverner.

Une telle stratégie peut mener à un accident démocratique majeur. Le choix politique n’est plus simplement binaire, droite ou gauche. Il y en a désormais un troisième : l’option populiste.  À travers toute l’Europe, la crise provoque des fièvres populistes. Les symptômes sont les mêmes : le repli identitaire, le ressentiment social et plus largement la recherche de solutions alternatives face à l’échec des partis de gouvernement – de droite comme de gauche.

La France n’échappe pas à ce scénario, avec l’émergence d’un Front national « new look » comme force centrale de notre paysage politique. Sous l’ère de Jean-Marie Le Pen,  le FN s’était cantonné à un ghetto protestataire. Marine Le Pen l’en fait sortir aujourd’hui, en le débarrassant de ses oripeaux infréquentables, antisémites, nostalgiques de Vichy, aux relents néo-nazis. Le néo-FN, qui ne dérape plus, mue rapidement en un parti de droite nationale, républicanisé, qui aspire à gouverner, sur le modèle de l’Alliance nationale de Gianfranco Fini en Italie – « donnez-nous les manettes », clame désormais Marine Le Pen.

Le néo-FN fait par ailleurs une conversion à 180 degrés sur les questions économiques et sociales. Jean-Marie Le Pen était un néo-libéral, anti-fonctionnaires, anti-Etat, anti-impôts, pétri du culte de la petite entreprise privée, des artisans et commerçants. Marine Le Pen propose à l’inverse un programme proche de celui de Jean-Luc Mélenchon : la protection économique et sociale des travailleurs par un Etat fort, contre la mondialisation, les délocalisations, l’Europe libérale…

Lorsqu’il aura purgé les rémanences du FN historique, le néo-FN, « national » et « social », se positionnera comme le parti des classes populaires. Et il sera très difficile à contrer. Car, pour la première fois depuis le parti communiste des années 70, un parti entre en résonnance avec toutes leurs aspirations : les valeurs culturelles – l’ordre, les valeurs familiales traditionnelles, la préservation de l’identité nationale historique contre la menace de l’islam, la lutte contre l’immigration – et les valeurs sociales – la protection de l’Etat, la sécurité sociale, le travail.

La France, certes, devrait pouvait échapper, à court terme, à l’arrivée des populistes au pouvoir. La politique française, fondée sur la légitimité présidentielle et le fait majoritaire, rend peu probable la nécessité d’une alliance droite-extrême droite pour gouverner, et inimaginable la prise de pouvoir majoritaire par l’extrême droite.

Je dis « à court terme » car les mutations de la droite de gouvernement sont inquiétantes pour l’avenir. La sarkozysme a en effet radicalisé son positionnement. La rupture anti-humaniste qu’il lui a imposée a légitimé les idées populistes. Elle se caractérise par la recherche systématique de coupables, de boucs émissaires à désigner à la vindicte populaire. Il y a toujours les bons citoyens à protéger et les mauvais à bannir hors de la communauté nationale – les immigrés, les musulmans, la racaille de banlieue, les délinquants, les assistés, les fonctionnaires privilégiés…

Cet anti-humanisme se déploie dans le débat sur l’identité nationale. Il défend une vision régressive de la nation, figée sur l’identité fantasmée du passé, à tentation ethnique (blanche), à coup sûr culturaliste (religieuse, les racines chrétiennes). Une identité fermée, qui exclut les générations de Français d’immigration récente, considérés comme des étrangers sur leur propre sol.

Une telle rupture se retrouve aussi dans la politique d’immigration, de plus en plus brutale. « Rafles » policières de sans-papiers, jusqu’aux enfants dans les écoles ; délit de solidarité ; expulsions de réfugiés politiques vers l’Afghanistan ; climat de soupçon dans les préfectures ; chasse aux Roms… L’exemple du Calaisis, qui concerne les demandeurs d’asile en transit vers l’Angleterre, est édifiant : fermeture du centre d’hébergement d’urgence de Sangatte, démantèlement des campements de fortune de la « jungle », jusqu’à la condamnation à l’errance. Une chute de Charybde en Scylla.

La politique pénale subit le même processus de radicalisation. Le champ des « criminels », des « monstres » s’élargit toujours plus. La répression s’intensifie. La politique de « castration chimique » pour les pédophiles est emblématique. Jusqu’à l’évocation inouïe par Michèle Alliot-Marie de la castration physique – une mutilation d’Etat, une vision de la France digne d’Orange Mécanique. Même la peine de mort n’est plus taboue.

Les dérapages verbaux, autrefois apanage du Front national, se multiplient au sein de la majorité. Des « Auvergnats » (« Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ») jusqu’à « la France n’est plus la France », en passant par les musulmans qui doivent se montrer « discrets » ou «remettons-les dans les bateaux », la frontière entre l’UMP et l’extrême droite devient floue. Au point que l’hebdomadaire Newsweek, en octobre dernier, choisit Nicolas Sarkozy pour illustrer sa « une » sur la montée de l’extrême droite en Europe.

La radicalisation de l’UMP obéissait à un pari stratégique : la volonté de siphonner l’électorat du FN. Ce pari est couronné de succès en 2007 mais ne s’avère pas pérenne. Le sarkozysme n’est pas parvenu à fidéliser les voix du FN. C’est que le rapport de forces s’est inversé : Nicolas Sarkozy, au zénith de sa popularité en 2007, n’est plus crédible aujourd’hui ; le FN, affaibli à l’époque par un vieux leader en fin de carrière, est dynamisé par une Marine Le Pen moderne et charismatique.

Le risque est donc, à terme, la constitution d’un bloc populiste, entre une UMP radicalisée et un FN dédiabolisé. Cette jonction n’est pas pour tout de suite, encore qu’on en voie de nombreux signes annonciateurs, dont le rejet du front républicain au profit du « ni-ni » lors des dernières élections cantonales. Mais le « big bang » politique est lancé.

A court terme, pour 2012, le risque n’est pas l’accession du FN au pouvoir mais sa qualification probable au second tour. Le retour de balancier de la droite vers la gauche est donc loin d’être garanti : le risque qu’il n’y ait pas de candidat de gauche au second tour est réel, un « nouveau 21 avril » est un péril imminent.

Face à la montée du FN, il est peu probable in fine que Nicolas Sarkozy ait un candidat de droite contre lui. Toute candidature dissidente entraînerait à coup sur la disparition de la droite dès le premier tour. La mort de la droite républicaine, le « 21 avril à l’envers » : ce serait un poids très lourd à assumer pour ce dissident, et il obèrerait son avenir politique. Dans ces conditions, un Nicolas Sarkozy, même réduit aux acquêts, devrait se qualifier pour le second tour s’il est le candidat unique de la droite.

A l’inverse, la fragmentation du camp progressiste rend très délicat le franchissement du premier tour. La barre de qualification se situera très haut, autour de 23%, voire peut-être plus. Pour l’heure, parmi les candidats socialistes, seul Dominique Strauss-Kahn semble immunisé du risque de dévisser au premier tour. Encore les sondages donnent-ils les candidats progressistes alternatifs à des étiages relativement bas : ni François Bayrou, ni Nicolas Hulot, ni Jean-Luc Mélenchon ne dépassent les 10% dans les intentions de vote. Mais tous trois ont un potentiel électoral élevé : si l’un d’entre eux venait à décoller pendant la campagne présidentielle, les chances de survie de la gauche deviendraient ténues.

La perspective d’un tel accident démocratique, qui remettrait au pouvoir un président rejeté par l’immense majorité des Français, serait une catastrophe délétère pour notre République. Outre la remise en cause du système de vote présidentiel (comment accepter que la personnalité qui recueille l’assentiment majoritaire des Français puisse être éliminée au premier tour par le jeu de la fragmentation des candidatures ?), elle déclencherait inévitablement des troubles aux conséquences imprévisibles.

Si la gauche veut conjurer ce scénario du pire, elle doit rejeter toute stratégie attentiste et opter pour une politique de mouvement.

Elle doit d’abord se choisir un leader légitime. La procédure de choix est cruciale. A l’issue des travaux préparatoires de Terra Nova[1], le PS a adopté une procédure novatrice pour choisir son candidat à la présidentielle : la primaire ouverte, c’est-à-dire le vote des citoyens sympathisants. Le dépôt des candidatures a lieu fin juin, le vote les 9 et 16 octobre. La primaire ouverte est avant tout une remarquable avancée de la démocratie représentative. En 2007, les électeurs ont pu désigner leur président de la République et faire leur choix entre, notamment, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Mais les citoyens de gauche n’ont pas pu choisir Ségolène Royal : le parti socialiste – ses militants en l’occurrence – l’a désignée. Avec la primaire, les citoyens de gauche vont pouvoir voter non seulement pour choisir leur président, mais aussi pour choisir qui les représentera à l’élection présidentielle, et quel sera sa ligne politique. Ce dispositif constitue une véritable révolution institutionnelle pour le PS : il bascule d’une logique d’avant-garde, où une élite militante éclairée décide ce qui est bon pour le pays, quelles politiques publiques doivent être menées et quel personnel politique est le plus apte à gouverner, à une logique démocratique, où les citoyens s’emparent de ces choix.

Au-delà de ce progrès démocratique, la primaire ouverte est un élément décisif de la stratégie de mouvement nécessaire à la gauche pour gagner en 2012. Elle doit en effet fournir une valeur ajoutée au candidat socialiste à la présidentielle. Il ne s’agit certes pas d’une recette miracle pour gagner l’élection que la gauche s’acharne à perdre depuis 24 ans, et pour laquelle elle n’a donné qu’un seul président à la France, contre cinq pour la droite. Mais la primaire ouverte, qui réconcilie enfin la gauche avec la logique présidentielle de la Vème République, a vocation à fournir une dynamique à son vainqueur. Une dynamique électorale : la légitimité d’un candidat investi par plusieurs millions de citoyens est incomparable à celle conférée par cent mille militants, sans parler de quelques dirigeants réunis dans un conclave solférinesque. Une dynamique militante, aussi : parmi les millions d’électeurs, quelques centaines de milliers ne s’arrêteront pas au vote et viendront rejoindre les militants pour faire campagne sur le terrain. La primaire est dès lors susceptible de transformer ponctuellement, le temps d’une campagne, le parti socialiste en ce qu’il a toujours rêvé d’être – un parti de masse, capable de mener une campagne de proximité à l’échelle de tout le pays, sur le modèle de Barack Obama aux Etats-Unis en 2008.

Cette plus-value de la primaire, tous les candidats socialistes potentiels en ont besoin. C’est tout particulièrement vrai de Dominique Strauss-Kahn. Sa candidature est contestée par une partie de la gauche, notamment Jean-Luc Mélenchon, qui instruit contre lui un procès en illégitimité : « tu es à la tête d’une institution libérale internationale, tu ne peux donc pas représenter le peuple de gauche français ». La primaire permettra à DSK de lever cette hypothèque dès octobre, évitant qu’elle ne pollue sa campagne présidentielle : il sera en effet très difficile de maintenir une telle attaque alors qu’il devra son investiture aux millions d’électeurs du peuple de gauche, surtout quand son auteur devra lui-même son investiture à une décision à quelques-uns dans le secret d’une alcôve la place du colonel Fabien…  La raisonnement vaut également pour Martine Aubry. Elle est aujourd’hui la première secrétaire des militants socialistes, qui plus est désignée à l’issue d’un congrès contesté. Avec la primaire, elle deviendra la candidate légitime du peuple de gauche.

La primaire avait également vocation à combattre la fragmentation du camp progressiste. Elle a été conçue comme une primaire de gauche, et non interne au parti socialiste. Dans l’idéal, elle aurait réuni les socialistes, les radicaux et les écologistes, donnant ainsi une surface politique au vainqueur suffisante pour dépasser les 30% au premier tour de la présidentielle et garantissant ainsi sa qualification pour le second. La conjoncture politique en a décidé autrement et on s’oriente vers une primaire socialo-socialiste. La primaire, à défaut de réunir les partis progressistes, attirera une partie de leur électorat. La « prime » ainsi acquise pourrait s’avérer décisive pour éviter l’élimination au premier tour.

Au-delà du candidat, la gauche doit également proposer un projet pour la France, une vision capable de redonner l’espoir aux Français et de susciter un vote d’adhésion. A sa décharge, cela n’est pas chose facile. Nous sommes à un moment critique de rupture idéologique : les grands modèles qui ont structuré les politiques publiques au XXème siècle en Occident ont vécu, et singulièrement, en Europe, le modèle de référence de la gauche de gouvernement – le modèle social-démocrate autour de l’économie sociale de marché et de l’Etat-providence, qui a accompagné les Trente Glorieuses. Il ne s’agit donc pas seulement de bâtir un dispositif programmatique pour une mandature mais bien de proposer une refondation de la matrice intellectuelle de la social-démocratie, d’inventer un nouveau modèle de développement adapté aux conditions historiques du XXIème siècle.

Cette refondation est en cours. L’écosystème intellectuel de la gauche, qui s’était paupérisé au tournant du siècle, s’est reconstitué. Il n’a même sans doute jamais été aussi riche. En amont, on trouve le monde universitaire, qui fournit le diagnostic intellectuel sur l’état de la France et du monde. Une nouvelle génération a émergé, qui compte des talents exceptionnels : Eric Maurin, Marc-Olivier Padis, Bruno Palier, Thierry Pech, Esther Duflo, Thomas Piketty, Philippe Askenazy, Bruno Tertrais, Pauline Peretz… Les grandes figures tutélaires, les Pierre Rosanvallon, Daniel Cohen, Marcel Gauchet, Olivier Mongin, sont revenus à la réflexion politique. Leurs travaux se sont structurés au sein de nouveaux lieux de production influents : la République des Idées, l’Ecole d’économie de Paris, les cercles sociaux de la Revue Esprit, le cercle de réflexion En temps réel. En aval, la sphère politique s’est elle aussi structurée pour se nourrir des idées neuves. Tel est le cas par exemple au sein du parti socialiste, avec la création par Martine Aubry du Laboratoire des idées, ou encore chez les écologistes avec la création de leur fondation politique. Dans l’entre-deux, chaînon manquant de la réflexion politique, a émergé l’univers des think tanks politiques : des institutions dédiées, professionnelles, dont l’objet social est de convertir le diagnostic intellectuel issu du monde universitaire en propositions de politiques publiques à l’attention de la sphère politique. C’est dans cet espace que l’on trouve Terra Nova, ainsi que la Fondation Jean Jaurès.

Dans quelles directions pointent les travaux en cours ? Pour le styliser en quelques phrases, la France décline aujourd’hui parce qu’elle a cessé d’investir dans son avenir. Face à la montée de la crise, nous avons englouti toutes nos marges de manœuvre pour préserver le présent, soutenir le niveau de vie des générations actuelles, en sacrifiant l’avenir. Le redressement du pays passe par une stratégie de réinvestissement dans l’avenir.

Investir dans le capital économique, tout d’abord. La montée en puissance des contraintes de finances publiques a entraîné l’asphyxie progressive des investissements publics : le budget de l’Etat, pourtant financé pour moitié à crédit, contient moins de 5% de dépenses d’investissement. Du fait d’une profitabilité très basse, les entreprises françaises sous-investissent également. Résultat : la France supporte un retard cumulé d’investissement de l’ordre de 400 milliards d’euros, selon les économistes Charles Wyplosz et Jacques Delpla. La commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt a permis de dégager 30 milliards d’euros pour les investissements d’avenir en 2010. Cette commission est une des vraies initiatives positives de la mandature Sarkozy mais elle a été conçue comme un fusil à un coup ; c’est au contraire un « grand emprunt » par an qu’il faut dégager si la France veut recoller avec le peloton de tête des économies les plus avancées. Les entreprises, aussi, doivent revenir au centre du projet progressiste. Elles sont la clé des investissements d’avenir. Une mesure importante retenue par le PS en témoigne : la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis par les entreprises.

Investir dans le capital humain, ensuite. La France suit une pente décliniste : l’effort éducatif global de la Nation baisse, il est passé de 7.5% de la richesse nationale en 2000 à 6.5% aujourd’hui, une baisse de 20 milliards d’euros. Nous n’avons échoué à démocratisé notre enseignement supérieur : moins de 40% d’une classe d’âge est diplômée du supérieur en France, contre plus de 60% dans les pays les plus avancés. L’éducation doit être la priorité absolue des progressistes, de la petite enfance à la formation continue. Nous continuons à former les contremaîtres d’usine de l’économie industrielle qui disparaît, nous ne formons pas les ingénieurs, les cadres, les techniciens de la société de la connaissance de demain. Mais aussi les qualifications de services : ce n’est pas la même chose de faire garder son enfant par une nounou sans formation que de le faire éduquer par une puéricultrice avec trois années de formation.

Investir dans le capital écologique, enfin. Le modèle de croissance quantitative, qui a été celui des économies occidentales au XXème siècle, touche à sa fin. Il a constitué à « bruler » les actifs de bilan de nos sociétés pour produire de la richesse au compte de résultat (la croissance mesurée par le PIB). Or ces actifs sont finis et nous approchons désormais de leur déplétion – pour les ressources fossiles, les terres arables, la biosphère. Nous ne pouvons plus continuer à détruire l’avenir pour satisfaire le présent. L’urgence est désormais dans la restauration de notre capital écologique. Les pistes sont désormais connues : l’investissement dans les technologies vertes, la limitation de nos gaspillages et singulièrement de notre consommation énergétique, une politique internationale de sauvegarde de la biodiversité.

C’est donc bien un changement de matrice intellectuelle qu’est en train d’opérer la gauche.  Elle passe de l’Etat-providence à l’Etat-investisseur, de la réparation du présent à la construction de l’avenir, de la protection à l’émancipation, de l’égalité des positions d’arrivée à l’égalité des positions de départ (l’égalité réelle des chances), de la social-démocratie à la social-écologie, d’une politique économique de la demande (kéynésienne) à une politique de l’offre centrée sur la compétitivité-qualité.

Face à une droite radicalisée et la perspective d’un bloc populiste, la gauche aura avant tout à mener une bataille culturelle. Contre une vision excluante de la société, réduite à son cœur historique d’insiders qui, pour préserver ses acquis menacés, rejette tous les outsiders – les Français d’immigration récente, les jeunes, les femmes – , la gauche doit imposer sa vision inclusive et faciliter l’éclosion de la France de demain. Jusqu’ici, la gauche a toujours évité de mener cette bataille culturelle, qu’elle jugeait perdue face à la réaction populiste. Les débats récents sur l’identité nationale puis sur la laïcité, qui ont tourné à la déconfiture pour la droite, montre que cette bataille peut être gagnée.

Face à la droite contaminée par le virus populiste, la gauche n’est pas condamnée à se taire, ou à elle-même se droitiser. Pour gagner, elle doit, au contraire, faire triompher ses valeurs progressistes.  La droite française se radicalise, certes, mais le camp progressiste est désormais majoritaire.


[1] Cf. Pour une primaire à la française (Olivier Duhamel et Olivier Ferrand, Terra Nova, aout 2008) et pour une version politique Primaire : comment sauver la gauche (Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, Seuil, août 2009)