Une kyrielle de personnalités, parmi lesquelles d’anciens présidents latino-américains, estiment dans un rapport publié jeudi que le combat mondial contre la drogue a « échoué » et que le seul recours est désormais la dépénalisation du cannabis.
Au cours d’une conférence de presse à New York, plusieurs de ces personnalités, dont les anciens présidents brésilien Fernando Henrique Cardoso et colombien César Gaviria, ont présenté ce rapport, publié par la Commission mondiale sur la politique des drogues (Global Commission on Drug Policy), et qui fait déjà du bruit à travers le monde.
« La lutte mondiale contre les drogues a échoué, avec des conséquences dévastatrices pour les individus et les sociétés du monde entier », indique ce document.
« Cinquante ans après la signature de la Convention de l’ONU sur les drogues et quarante ans après que le président (américain Richard) Nixon a décrété la guerre contre la drogue, il est urgent de réformer les politiques nationales et mondiales de contrôle des drogues », ajoute le rapport.
L’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan et l’ancien président du Mexique Ernesto Zedillo font aussi partie de la Commission, tout comme les écrivains mexicain Carlos Fuentes et péruvien Mario Vargas Llosa.
Le rapport préconise de « mettre fin à la criminalisation, la marginalisation et la stigmatisation des personnes consommant des drogues qui ne causent aucun dommage aux autres », en donnant la priorité à une approche « plus humaine ». Dans cette optique, les personnes dépendantes sont considérées comme des patients et non comme des criminels.
« Les initiatives de décriminalisation n’aboutissent pas à une augmentation significative de la consommation de drogues », rappelle le rapport, citant les exemples du Portugal ou des Pays-Bas.
Réagissant dès jeudi, le président colombien Juan Manuel Santos s’est dit ouvert à l’étude d’une « nouvelle orientation » de la lutte contre la drogue.
« Par avance, nous souhaitons la bienvenue à une nouvelle orientation et estimons avoir l’autorité morale, comme aucun autre pays, pour prendre part à cette discussion », a-t-il déclaré.
A Londres, une lettre signée notamment par Richard Branson, fondateur de la marque Virgin, l’actrice Judi Dench et le chanteur Sting a été adressée au Premier ministre britannique David Cameron, appelant plus généralement à la dépénalisation des drogues, sans préciser lesquelles, contrairement au rapport présenté à New York qui parle du cannabis.
La lettre, également signée par trois anciens chefs de la police, demande au Premier ministre de réexaminer l’efficacité des lois actuelles dans la lutte contre les abus et la dépendance.
Les signataires conseillent notamment d’infliger des amendes aux possesseurs de substances illégales et de faire admettre les personnes dépendantes dans des centres de désintoxication sans ouverture de casier judiciaire.
« Il est clair que l’actuel système de criminalisation de l’usage personnel et de la possession de drogues a échoué (…) A l’inverse, les dégâts causés par cette approche ont été importants », affirment-ils.
Pour eux, « criminaliser les gens qui se droguent les conduit à une exclusion sociale encore plus grande, rend plus difficile de trouver un emploi et de jouer un rôle productif dans la société. »
De son côté, le rapport de la Commission préconise également « d’encourager l’expérimentation des gouvernements avec des modèles de régulation légale des drogues (en particulier le cannabis) afin de réduire le pouvoir de la criminalité organisée et protéger la santé et la sécurité de leurs citoyens ».
Selon des données de l’ONU, la consommation d’opiacés a augmenté de 35,5% entre 1998 et 2008, celle de cocaïne de 27% et celle de cannabis de 8,5%.