Mahmoud Ahmadinejad est un habitué des déclarations fracassantes.  Israël, l’Holocauste, le 11 septembre, et même récemment Paul le Poulpe, rien ni personne n’échappe à son impressionnant tableau de chasse. Si bien qu’aujourd’hui, ces violentes diatribes n’étonnent plus. Mais Mahmoud Ahmadinejad fait aussi dans l’humour. Un an après sa réélection à la présidence confirmée dans le sang de jeunes manifestants simplement en quête de liberté, il a décidé de changer de ton, se montrant dorénavant plus proche de son peuple qui l’a officiellement massivement plébiscité. En fustigeant les brigades des mœurs qu’il avait pourtant lui-même créées, ou en se déclarant favorable au port ou non de la barbe pour les fonctionnaires sur leur lieu de travail, déclenchant l’ire des Ayatollahs les plus conservateurs. Et cela n’a pas empêché le président iranien, qui on le sait désormais n’a plus peur de personne, y compris de ceux qui l’ont installé au pouvoir, de faire une nouvelle fois polémique. C’était la semaine dernière, devant une assemblée d’Iraniens expatriés invités par ses soins, devant lesquels il a prononcé un discours pour le moins « proche du peuple »… En voici la traduction exclusive… Au menu provocations, violentes diatribes, mais aussi grosse dose d’humour tout comme de vulgarité…

« Aujourd’hui, moi j’annonce qu’il est est prévu inshala qu’à la fin du mois de Shahrivar (vers le 20 septembre), nous nous rendions à l’Assemblée générale (de l’ONU à New York). Et sous sommes prêts à nous asseoir avec M. Obama, en face à face, d’homme à homme, mais librement et devant les médias, et que l’on pose sur la table les problèmes du monde et que nous voyons qui a la meilleure solution.

La querelle vient-elle du fait que l’on suppose que l’Iran veut construire une bombe atomique? Vous avez vu, ils se sont construits des histoires, des scénarios, ils ont échangé quelques espions, ils ont volé quelques uns de nos compatriotes de l’autre côté du globe, ils les ont amené dans centres de torture, ils les ont forcé à dire certaines choses. Ils ont fabriqué une série de documents, comme cette histoire de rapport sur la guerre en Afghanistan. Bon, tout cela ils le savaient, hormis les mensonges à propos de l’Iran que vous vouliez introduire. La querelle vient-elle vraiment du fait que l’Iran veut construire une bombe atomique? Que dans ce scénario médiatique, ils amènent des gens derrière les tribunes, avec des schémas compliqués expliquant que l’Iran veut fabriquer une bombe atomique. Telle personne annonce que tel professeur iranien l’a contactée l’autre jour pour le rencontrer, lui a dit ceci et cela, et qu’il lui a donné une carte, une feuille. La querelle vient-elle vraiment de là? L’Iran veut construire une bombe?

Émettons maintenant l’hypothèse impossible que l’Iran construise une bombe. Vous, combien de bombes avez-vous? Une? Cent? Mille? Combien de milliers? Le gouvernement américain a lui-même récemment annoncé qu’il en possédait 5100 et des poussières.  Mais personne n’a compté, personne n’a pu voir. Ce sont eux-mêmes qui l’affirment. L’ensemble de ceux qui nous manquent de respect détient plus de 20 000 bombes atomiques. Vous qui possédez plus de 20 000 bombes, vous craignez vraiment une seule bombe? (C’est la première fois que le président iranien évoque, même en hypothèse, le fait que l’Iran puisse avoir une bombe). Alors, soit vous mentez, soit vous avez très peur, soit vous êtes des personnes aussi bien menteuses que peureuses. La querelle tient à votre façon de gouverner. Eux veulent se saisir du Moyen Orient, et avoir à travers cette région, l’emprise sur le monde entier. Il est évident que les peuples d’Iran et de la région n’autoriseront jamais le Moyen-Orient à se faire coloniser sous une nouvelle forme et à se faire emparer notre richesse, notre culture et notre prestige.

Voilà le tableau mes chéris (proximité à l’Iranienne). Ils sont arrivés à des impasses à tous les niveaux. Au niveau théorique, sur leur façon de gouverner, au niveau économique et politique. Vous voyez qu’ils ne sont pas capables de trouver une solution à leurs problèmes. Je discutais avec l’un des chefs du gouvernement d’Asie de l’Est et, pendant une heure et demie, il me répétait que de toute façon l’Amérique était très dangereuse, que ceci, que cela, et que je ne comprenais pas. Il parlait bien évidemment des membres du gouvernement et me demandait donc de reculer un peu sur mes positions. Une heure et demie plus tard, il a vraiment cru que ses arguments étaient très forts et qu’il était parvenu à me convaincre. Il m’a alors demandé: « Maintenant êtes-vous prêt à reculer un petit peu? » Moi je lui ai répondu:  » noch » ( « non » en argot)(applaudissement général). Stupéfait, il m’a alors demandé pourquoi? J’ai soudain aperçu plusieurs membres de son entourage, dont le ministre des Affaires étrangères, tout à coup sauter de joie et applaudir. Il était évident qu’ils avaient parié entre eux, certains pensant que je n’accepterais rien tandis que d’autres étaient certains que leur Chef parviendrait à me convaincre.

Moi j’ai posé ma main sur son pied et lui ai demandé: « Mais pourquoi avez-vous autant peur d’eux? » Je leur ai dit: « Ceux-là ne sont rien. En Asie de l’Est, ils ne sont même pas parvenus à résoudre un conflit long de 60 ans ».

Eux, ils sont en train d’arriver, avec leur jeu de charlatants, avec leurs diableries, mais malgré tout cela, ils ne parviennent pas à changer la donne. Cela est comparable à une immense rivière d’eau translucide de milliers de kilomètres de large et de milliers de mètres de profondeur, dont eux souhaiteraient arrêter le cours en déversant le contenu de deux bennes à ordure. C’est impossible.

Vous adoptez  des résolutions? Adoptez-en! Combien en avez-vous adopté jusqu’ici ? Quatre ? Eh bien, adoptez autant de résolutions pour arriver à quatre mille! (applaudissements)Comment cela se fait-il que vous ne pussiez gérer le monde? (Accrochez-vous, c’est parti pour la traditionnelle diatribe anti-israélienne). Comment cela se fait-il, qu’ à 700-1000 Kilomètres de nous, vous avez amené un groupe, vous avez dominé un peuple par la force, puis vous l’avez délogé. Vous l’avez armé de centaines d’armes atomiques, vous le soutenez, mais lorsqu’il est possible que l’Iran soit armé dans le futur, il faut dès maintenant l’en empêcher. C’est vous-mêmes qui êtes en train de vous discréditer dans le monde entier.

Après ils disent qu’ils veulent maintenant dialoguer, parfait. Nous, avons affirmé dès le début que l’on souhaitait dialoguer. Venez discuter. Mais avec raison et logique. Nous avons toujours voulu dialoguer. Quand les Iraniens ont-ils souhaité la guerre? Chaque fois que le nom de l’Iran a été cité dans le monde, cela a été pour sa logique et la culture de son humanité. Nulle part dans le monde l’Iran n’a attaqué épée à la main (peut-être une des seules vérités du discours). Il est toujours allé de l’avant avec logique.

Mais si vous vous prenez un bâton au dessus de nos têtes, et que pour vous, le dialogue c’est que nous acceptions tout ce que vous nous dites, sachez que cela n’arrivera jamais.

Une autre fois, je parlais avec un journaliste au sujet de ce même problème.  Il m’a demandé : « Monsieur vous n’êtes pas inquiets qu’ils puissent vous attaquer? ». Je lui ai répondu: « Non, mais à ton avis, qui veut nous attaquer? Il m’a répondu: « Je ne sais pas… » J’ai repris:  » il n’y a pas de « je ne sais pas ». Qui? Qui? » Il a alors marmonné: « le Régime sioniste ». « Qui? ». « Le Régime sioniste », a-t-il répété.

J’ai alors répondu qu’il ne figurait même pas dans nos calculs. J’ai dit que lui ne représente rien pour nous, même chose pour plus grand que lui. Regardez où ils en sont arrivés. Ils publient des documents censés prouver que la raison de leur échec, en Irak et en Afghanistan, ce sont les Iraniens. Ils ne comprennent pas qu’avec de tels propos, ils élèvent le rang de l’Iran. Moi, il faut que j’explique avec un proverbe iranien comment la situation a désormais changé.

Monsieur le Docteur Haddad (Gholam Ali Haddad-Adel, président conservateur du Parlement iranien) m’a demandé de ne pas le dire ainsi, mais d’une autre manière. Alors je vais le dire des deux façons. Nous avons un proverbe chez les Iraniens, qui dit que le Grand méchant loup a enlevé… le sein (de Maman) ! (fou rire général dans la salle). M. Haddad est tout de même professeur de langue farsi. Il m’a demandé de dire « La cruche s’est brisée et son contenu s’est déversé » ». Ces deux expressions signifient « être révolu », c’est à dire, au sujet des tumultueuses relations diplomatiques que cultivent la République islamique et les États-Unis, que les propositions iraniennes, qui étaient jusqu’ici sur la table de négociation, ne sont plus d’actualité. Mais la première expression employée par le président iranien est très argotique et était à l’origine dirigée aux enfants qui avaient épuisé le sein maternel. Mahmoud reprend, pour le meilleur et pour le pire:

« Laissez-moi prononcez cette phrase maintenant ! Quelle est la chose qui les brûle ? (nouveau fou rire de la salle). (Mahmoud Ahmadinejad désigne implicitement une partie très intime à l’arrière du corps humain). Parlons un peu entre nous Iraniens tout de même (en argo) Ai-je la permission?  J’ai un autre proverbe iranien qui dit: « Cher ami, verse l’eau exactement là où ça brûle… pourquoi verses-tu l’eau autre part? (Applaudissements). (Avez-vous compris de ce dont il s’agissait?). Pourquoi cela brûle, parce qu’ils se rendent compte que l’âme iranienne collective, civilisée et créatrice de culture s’est réveillée« .

Des propos inattendus, drôles, parfois enfantins, mais aussi profondément inquiétants dans la bouche d’un président.