La joie et la guerre vues par Pippo Delbono.
Est-il possible de danser dans la guerre ? C’est à partir de cette question que Pippo Delbono a mis en scène son nouveau spectacle à Padoue, Dopo la battaglia (Après la bataille), qui sera présenté au théâtre du Rond Point à Paris en janvier 2012. Frappé par les nouvelles dramatiques de la guerre en Libye et du tsunami au Japon, Delbono se demande s’il est possible de monter un spectacle heureux tout en ouvrant une réflexion sur l’actualité. Et ainsi Dopo la battaglia arrive à mêler ses moments gais aux références à la douleur dans les hôpitaux psychiatriques ou bien aux vexations du pouvoir.
Les sujets traités sont si nombreux qu’on s’y perdrait presque, il y est aussi question des célébrations du 150ème anniversaire de l’unité italienne, des financements des spectacles qui ne cessent de baisser, des politiciens qui ne savent pas faire leur métier… Mais pour Delbono ce qui compte est plutôt une structure émotionnelle, musicale. Formé à l’école de Pina Bausch, il propose une danse continue, où les mots ne comptent pas tant pour leur sens mais plutôt pour leurs sons. C’est pour ça qu’il crie, qu’il se lance en courant sur le plateau, qu’il monte constamment le volume de la musique.
Il a choisi de travailler avec des artistes très connus, comme le violoniste Alexander Bălănescu ou Marie-Agnès Gillot, étoile de l’Opéra de Paris, qui se sont parfaitement intégrés aux membres historiques de sa compagnie, comme Bobò, l’acteur sourd-muet qui a passé cinquante ans de sa vie à l’hôpital psychiatrique d’Aversa, proche de Naples, Gianluca, affecté par le syndrome de Down, ou Nelson, qui vivait sans demeure fixe avant de rejoindre la compagnie.
Delbono crée de parfaits tableaux, des séquences très touchantes et très esthétiques. On n’oubliera pas le moment où Bobò joue le maître de danse, assis dans une chaise avec sa canne, alors que Marie-Agnès Gillot travaille à la barre. La tension est très forte, les mouvements très lents, nous assistons presque à la leçon d’un grand maître de Butō japonais en train de diriger sa jeune élève. Pour ce spectacle, Delbono joue aussi avec des projections animées qui créent des scènes drôles et originales : on voit donc Nelson s’amusant à jouer avec sa propre image, projetée sur le fond, qui fait les mêmes gestes que lui.
Pendant les deux heures du spectacle, il est impossible de se distraire ou de s’ennuyer. Le rythme est soutenu, les scènes riches, les costumes superbes. Quelqu’un est sorti de la salle pendant la représentation, peut-être n’était-il pas d’accord avec les propos de Pippo. C’est possible. On peut même rester déçu parce qu’il est impossible de comprendre tous les mots ou de saisir une structure dramatique claire. Mais on ne peut sûrement pas rester indifférent au spectacle. C’est un théâtre qui frappe, qui touche, qui provoque et qui porte encore des utopies.
ENTRETIEN AVEC PIPPO DELBONO
Qu’est-ce qui t’a poussé à créer ce nouveau spectacle ? Quel a été ton point de départ?
Les points de départ sont toujours nombreux. Un nouveau spectacle naît pour trouver une synthèse de moments vécus : individuels et collectifs. Mes spectacles se rapportent au contemporain, même si j’essaie d’aller au-delà, de voir plus loin. Dans mon théâtre, je ne cherche pas à raconter, j’essaie d’aller dans les profondeurs de ce que je ressens. C’est difficile, car il faut se libérer des peurs, des pensées, des idées : aller au-delà. Dans mon spectacle précédent, La Menzogna, il y avait beaucoup de dureté, on ressentait une douleur sous-jacente. Et il y avait le thème du racisme, qui est devenu encore plus actuel aujourd’hui. Bref, tu cherches à comprendre où nous sommes, à photographier notre temps. Et pour cela, tu dois être libre : chercher, chercher, chercher dans les improvisations des acteurs, dans les expériences que tu as faites, dans la musique, la peinture. Au début, tout est possible : tu ne dis jamais « ceci on ne peut pas le faire ». Ce titre Dopo la battaglia contient déjà l’idée qu’il y a des autres choses dont il faut parler. On a assisté à une explosion d’événements, mais ces choses-là sont déjà évidentes. Il y a d’autres choses sous-jacentes qui n’émergent pas et qui touchent au thème de la culture, de l’art, du mensonge, d’un système kafkaïen et malade.
Dans le spectacle, il y a beaucoup de références aux hôpitaux psychiatriques. Au début, sont projetées des images tournées dans l’un d’eux, on entend souvent la voix de Alda Merini qui parle de son expérience de réclusion et puis, bien sûr, il y a Bobò, ton acteur qui a vécu pendant 50 ans à l’hôpital psychiatrique d’Aversa. Est-ce que ceci est un thème dont tu avais particulièrement envie de parler ?
Non, moi je parle de la folie, ça ne m’intéresse pas de faire un spectacle sur les hôpitaux psychiatriques. Je crée un contre-chant entre les deux thèmes : quand Alda Merini dit : « je me suis rendue compte que les déments sont dehors », c’est un contrepoint à propos de la démence collective. Pénétrer dans ces lieux où il y a constamment ces hurlements est intéressant… pour confronter cette expérience aux hôpitaux psychiatriques des « normaux ». C’est un thème qui était déjà présent dans l’Henry IV de Pirandello : « Les fous, c’est vous », mais ça vaut la peine d’y revenir.
Un autre thème : l’unité de l’Italie, dont on célèbre cette année le 150ème anniversaire. Il revient souvent et on assiste à une scène très forte sur la musique de Va pensiero de Verdi, un des symboles du Risorgimento italien. Mais plutôt qu’une célébration, il semble que ce soit une réflexion amère sur l’unité.
Je ressens à la fois beaucoup d’amour pour l’Italie et de tristesse, de nostalgie pour une Italie qui n’est plus là. Hier je suis allé voir les fresques de Giotto et je me suis demandé : comment est-il possible que la patrie de ces grands artistes en soit arrivée là ? Dans le spectacle, un acteur chante « Meno male che Mimmo c’è » (« Heureusement que Mimmo est là »), une référence précise à l’hymne du parti de Berlusconi : « Meno male che Silvio c’è » (« Heureusement que Silvio est là »). Ce spectacle est très actuel, très centré sur notre présent. Il y a une certaine folie : on célèbre l’unité italienne, mais quelle unité ? Moi je préfère célébrer l’unité du monde, je n’aime pas toutes ces formes de cohésion nationale. J’aime penser que je suis un citoyen d’un monde qui comprend qu’on ne peut grandir qu’à travers les autres, qu’on peut faire un parcours de croissance ensemble. Mais, il est vrai que chaque chose est double : si l’unité italienne ne t’intéresse pas, tu deviens tout de suite « leghista » (du parti de la Lega Nord, d’extrême droite, qui se bat contre l’unité nationale). C’est une situation kafkaïenne, et c’est justement pour cela qu’une scène du spectacle est dédiée au Procès de Kafka. À un moment de la pièce, tu te sens encerclé et tu as besoin de revenir à la joie, à la danse, de casser les règles. La chose la plus révolutionnaire de ce spectacle est que les gens applaudissent en rythme pendant toute une scène : quand tu as réussi à les amener dans des zones sombres, eux cherchent, en même temps, la fête.
Tu parles de l’unité du monde. Dans ta compagnie, il y a plusieurs nationalités qui se mêlent, tes tournées ont lieu souvent sur plusieurs continents…
Dans la compagnie, il y a plusieurs histoires, plusieurs cultures : c’est très beau et très important de les faire se rencontrer. Bergman disait que le théâtre est un point de rencontre parmi des êtres humains : on pourrait ajouter « divers ». Pina Bausch, un jour, m’a dit : « Pippo arrive à faire rencontrer des personnes si différentes tout en créant une harmonie ». Pour moi, c’est ça le sens profond du théâtre. Dans notre compagnie, on a ce catalyseur extraordinaire qui est Bobò : un sauvage, un homme absolument libre qui a un grand professionnalisme, mais en dehors de toute règle. On dépend vraiment de lui : on peut jouer si Marie-Agnès Gillot (étoile à l’Opéra de Paris) n’est pas là, mais il serait vraiment impossible de jouer sans Bobò. Je crois que c’est très révolutionnaire et très important du point de vue social.
J’imagine que la rencontre avec Bobò a beaucoup changé ta façon de faire du théâtre…
Avant il y avait plus de danse, moi-même je dansais davantage. Je n’ai jamais fait de ballet, mais j’ai toujours eu un rapport avec la danse. Je cherche une chorégraphie qui raconte des choses.
Ce spectacle, tout comme Questo buio feroce, se termine avec toi qui danse sur la scène. C’est une danse très gaie, libératoire, qui conclut un parcours très douloureux.
C’est vrai qu’il y a une certaine ressemblance. Buio partait de la mort physique alors que ce nouveau spectacle part d’une mort sociale. Au début je dis : « Pina danse, autrement on est perdus », parce que dans la danse il y a quelque chose qui dépasse ta classe sociale, ta culture, ton histoire. Si tu regardes un gitan qui danse, tu ne vois pas sa situation discriminée mais tout simplement un danseur. Si tu vas dans une tribu africaine et tu vois les gens qui dansent, tu ne vois pas des esclaves, mais des danseurs. La danse a un sens politique très fort. Quand Marie-Agnès rencontre Bobò, ils créent une harmonie, une peinture. La danse m’intéresse comme possibilité de rencontre, pour mélanger des histoires, des cultures et des expériences diverses.
Dans tes spectacles tu hurles souvent au microphone, c’est un acte provocateur, mordant. Pourquoi ?
Mes hurlements ne sont jamais psychologiques, mais toujours liés à la musique. C’est du rock, ce sont des notes musicales, une façon d’utiliser la voix, ce n’est pas de la rage. Je pense qu’on a vraiment besoin, surtout au théâtre, de hurler, tout comme de murmurer. Je n’aime pas le théâtre interprétatif, il m’ennuie, je le trouve trop bourgeois, vieux. Un texte c’est des sons, de la musique. J’écoute toujours le son des mots que je dis. J’aime les changements de volume, d’intensité : dans les hurlements, il y a de la révolte : dans le théâtre aussi.
Tu dédies ce spectacle à Bobò, mais aussi à des gens qui ne sont plus là et qui ont eu une certaine importance dans ta vie et dans ton travail. Pina Bausch, le grand critique théâtral italien Franco Quadri…
Il me semble important d’appeler les gens qui ne sont plus là ; au théâtre, il y a des gens vivants et des gens morts. Pina a été quelqu’un qui a changé ma vie. Franco est une pensée vivante sur le théâtre, quelqu’un à qui j’étais très lié, je m’en suis rendu compte quand il est mort. Il a toujours suivi mon travail, il a vu tous mes spectacles, je crois qu’il aurait bien aimé celui-ci. Une fois, il est même parti en tournée avec nous en Palestine et en Israël : il avait une pensée intelligente, aujourd’hui c’est très rare. On aurait besoin d’une vraie culture, ouverte et non pas reliée dans un seul secteur.
Au début du spectacle, on entend le bruit de gens qui parlent au théâtre. Il y a une relation étroite entre le théâtre et le pouvoir : le soir de la première il y avait toute la famille de Ghedini en salle (Niccolò Ghedini : avocat pénal de Berlusconi et député de Forza Italia). Dans les lieux culturels, il y a quelque chose de vieillot que je ne supporte pas. Toutes les choses se mêlent : la politique, la spiritualité… Comme le disait Artaud, l’homme est malade, mais à travers le spectacle j’exprime le désir de trouver des fleurs. À la fin de sa vie Pina Bausch faisait des spectacles très joyeux. Dans ce spectacle, il y a de la joie, on peut parler de la joie mais il ne faut pas oublier la douleur. Moi je dis : « Tu dois danser dans la guerre», mais il ne faut pas faire semblant que la guerre n’est pas là.
Tu viens de terminer un nouveau film : Amore e Carne (Amour et Chair)…
C’est encore un film tourné avec un téléphone portable et une petite caméra, de pauvres moyens. Il y a Marie-Agnès Gillot, Sophie Calle, Irène Jacob, Alexander Bălănescu et ma mère également. J’ai travaillé avec le monteur de Godard et la cinémathèque de Lausanne. C’est un travail qui essaie de réfléchir sur le cinéma et ses langages. En général, plus on dépense de sous pour un film, mieux il est distribué. Pour moi, au contraire, le cinéma est un hobby, je ne pourrais jamais vivre seulement de ça, sonder la possibilité de faire un cinéma de qualité avec des moyens simples m’intéresse. Aujourd’hui, c’est possible. Il ne s’agit pas seulement de ce que tu dis mais aussi de comment tu le dis. Il y a des choses que tu peux dire par la musique, d’autres par la danse, d’autres par les mots. On a besoin d’histoires, de se perdre dans une histoire. On a besoin d’un regard libre.
ENTRETIEN AVEC MARIE-AGNÈS GILLOT
Marie-Agnès Gillot, comment est née ta collaboration avec Pippo Delbono ?
Un jour, Pippo avait passé l’après-midi avec Sophie Calle, avec qui je suis très liée et qui est devenue ma mère adoptive, et à un moment donné, ils sont partis tous les deux en disant : « je dois aller au théâtre», une demi-heure plus tard ils se sont retrouvés tous les deux assis à l’Opéra pour me voir danser. On est devenus amis, on s’est vus souvent et il me disait « j’aimerais que tu danses avec Bobò ». Je devais déjà participer à La Menzogna avec Sophie : elle devait faire un strip-tease et je devais danser, mais finalement ça n’a pas été possible. Et puis, comme je ne pouvais jamais rejoindre la compagnie, il est venu me voir à Paris, il a porté un cd avec la musique de ce spectacle et on s’est enfermés dans un studio à l’Opéra. On a bien rigolé, on a essayé des costumes, il a tout filmé : tout ce matériel n’a pas été utilisé pour la pièce mais il est dans le film Amore e Carne.
Comment avez-vous travaillé à la création des chorégraphies ?
Pippo voulait que je fasse une barre au début du spectacle, moi j’ai proposé de jouer aussi Clarabelle à la fin. En général, j’ai un thème dans ma tête mais je donne libre cours à l’imagination. Et puis le travail évolue sans cesse, il me dit « un peu plus de ça», «un peu moins de ça », c’est de l’improvisation.
En janvier, la compagnie jouera au Rond Point et tu n’auras peut-être pas le droit de participer au spectacle. Peux-tu expliquer pourquoi ?
C’est une ancienne règle qu’il y avait à Paris : les comédiens de la Comédie-Française et les danseurs de l’Opéra sont considérés patrimoine national, donc on n’a pas le droit de jouer ailleurs que dans les théâtres nationaux. Mais peut-être qu’il y aurait une excuse parce que j’ai un projet avec des vrais cygnes que je vais présenter à Chaillot en mai 2012, donc si je joue à Chaillot je pourrais aussi jouer au Rond-Point. J’ai six cygnes, ils sont au Jardin des Plantes : je suis leur maman, ils n’ont vu que moi. Je vais régulièrement les voir, ils sont comme des bébés. Je vais commencer cet été à créer la chorégraphie.
Tu as récemment signé ta première chorographie : Rares Différences avec deux danseurs de hip-hop et une danseuse contemporaine. Comment ça s’est passé ?
J’allais à la piscine aux Halles et il y avait toujours ce groupe qui s’entraînait dans la rue. J’adore le hip-hop, et comme j’avais envie de créer quelque chose sur Rodin, Claudel et Debussy j’ai créé cette pièce pour le festival de hip-hop de Surenne. Elle a tourné pendant quatre ans, elle a été invitée au Japon et a été achetée aussi par l’Opéra de Paris. Récemment, l’Opéra m’a demandé une nouvelle pièce que je présenterai en 2012.
Tu voudrais te dédier à la chorégraphie dans l’avenir ?
J’aime bien ça, mais je suis encore plus attirée par la mise en scène. À l’Opéra j’ai eu des grands maîtres qui m’ont tous fait parler en scène : Pina Bausch, William Forsythe, Carolyn Carlson, Angelin Prejlocaj, Mats Ek. Maintenant, si je n’utilise pas ma voix avec mon corps cela me paraît bizarre, c’est quelque chose qu’ils m’ont inculqué.
Y a-t il des metteurs en scène que tu aimes particulièrement?
Christophe Marthaler, mais aussi Joël Pommerat : sa dernière pièce, Ma Chambre froide était vraiment géniale, ça m’a beaucoup marquée. J’aime aussi les acteurs de la Comédie-Française : on est bien reliés avec l’Opéra, on est toujours en échange les uns avec les autres. Dès que je sors de l’Opéra, j’entre dans un autre théâtre, par contre je ne vais pas souvent au cinéma.
À présent tu travailles avec Wayne McGregor sur L’Anatomie de la sensation pour Francis Bacon. Peux-tu nous dire quelque chose de ce spectacle ?
On commence les répétitions la semaine prochaine, on ne sait pas encore ce qu’on va faire. La dernière pièce que j’ai faite avec McGregor était L’Évolution de Darwin. Il travaille beaucoup sur la recherche animale, avec lui j’ai appris des circulations différentes du corps. J’ai toujours envie d’évoluer, de faire des rencontres. Quand on est artiste c’est très important de se lancer des défis avec des choses nouvelles et ne pas rester dans ce qu’on sait faire.
Tu as récemment joué dans la vidéo de REM, Walk It Back, tournée pas Sophie Calle. Comment ça s’est passé?
C’est toujours très simple de travailler avec de grands artistes. Sophie m’a proposé d’utiliser une scène qui a vraiment eu lieu dans ma vie, une blague, en fait. J’étais avec elle dans un parking, tout à coup la musique d’un grand ballet classique arrive et je commence à danser pour rigoler et elle me dit « recommence ! ». C’était juste pour s’amuser et ensuite elle m’a dit : « il faut qu’on l’utilise, c’est trop bien ».
Tu as participé aussi au clip La Superbe, de Benjamin Biolay.
C’est une séquence de sept minutes non stop, techniquement c’est très dur, on avait le meilleur steady-camer qui travaille à Hollywood. Ça c’est fait très simplement et ça été un grand succès.
Tu es très liée avec Sophie Calle, qui est même devenue ta mère adoptive. Comment est née cette relation?
On s’est rencontrée quand elle a préparé l’exposition Prenez soin de vous : elle demandait à des artistes d’interpréter la lettre écrite par son copain pour la quitter. Après on est restées très amies et elle m’a dit : «j’aimerais bien t’adopter », avec la chanteuse Camille aussi. Elle ne voulait pas avoir des enfants et elle voulait choisir ses propres enfants.
L’année prochaine tu feras une grande tournée aux États Unis…
Je vais jouer Giselle, Orphée et Eurydice de Pina Bausch et Boléro de Béjart. Avant de partir, Béjart n’a laissé qu’à moi et à Nicolas Le Riche le droit de danser le Boléro et je suis hyper gâtée. C’est un spectacle très beau : je suis toute seule sur une table et il y a quarante hommes autour de moi.
Tu joues très souvent au Japon. Est-il devenu ton deuxième pays ? Comment as-tu vécu le tsunami ?
J’y vais depuis l’âge de douze ans. J’ai mes habitudes, mes amis et aussi une autre maman adoptive qui me suit partout. Quand je ne peux pas aller au Japon elle vient me voir à Paris. J’adore les personnes de là-bas. Après le tsunami, on avait toutes les informations à l’avance parce que les autorités japonaises cachaient les nouvelles pour éviter des émeutes. Donc, j’appelais ma mère japonaise pour dire : « Ferme tout ! Ne sors pas ! ». Elle ne savait pas ce qui ce passait.
Tu as eu la chance de travailler avec de grands maîtres : qu’est-ce qu’ils t’ont laissé ?
Ce sont des personnes qui m’ont beaucoup gâtée alors qu’elles sont normalement très élitistes, très sévères. Ma carrière a été difficile quand j’étais enfant : j’étais toute seule à Paris, sans mes parents, en pension. Aujourd’hui, j’aime bien Paris, même si je préfère les petites villes : dans la capitale, c’est difficile d’avoir des contacts avec les autres personnes.
Vue de l’extérieur, la compagnie de Pippo Delbono ressemble à une grande famille. Comment as-tu vécu cette expérience avec eux ?
Oui, j’ai vraiment l’impression d’être en famille : c’est la première fois que je travaille avec eux et je n’ai pas la sensation d’être à part. À l’inverse, à l’Opéra la vie est très solitaire : il y a beaucoup de compétitions et de jalousies, c’est très dur.
Propos recueillis par Gherardo Vitali Rosati
site de Gherardo Vitali Rosati : www.gherardovitalirosati.it
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