Voilà, c’est fini. Depuis que Jean Marie Le Pen avait annoncé son retrait du Front National – parti qu’il avait créé au début des années 1970 –, on sentait la fin proche. Usé, fatigué le leader frontiste avait semblé lâcher prise ces derniers mois. Et plus récemment, à mesure que l’inactivité grandissait pour le politicien à la retraite, le visage sans équivoque de la faucheuse se faisait plus net. Amateur de batailles politiques sanglantes, comme un dernier pied de nez à ce monde politico-mediatique qu’il entendait bousculer, Le Pen avait pris grand soin… de ne pas assurer sa succession ! Pendant ce temps, au FN, alors que Le Pen père prenait du recul, les cadets carnassiers – Gollnisch/Marine – trop pressés d’arriver aux affaires, se battaient pour la place vacante de numéro un du Front. La guerre de succession pouvait commencer. Qui prendra la place ? Qui aura la lourde tâche de continuer à rassembler les forces hétérogènes de l’Extrême-Droite française ? À Saint-Cloud, le doyen désormais lointain observait joutes et autres manœuvres politiciennes en se frottant les mains. Le vieil homme avait une idée derrière la tête. Celle d’infliger à sa favorite, Marine, l’ultime expérience d’une guerre interne dans laquelle, comme c’est la règle au FN, le plus fort en gueule l’emporte toujours. Sans surprise, c’est bien la fille du leader national populiste qui succéda à son père. Désormais rassuré quant à sa succession, Jean Marie Le Pen pouvait maintenant envisager une sortie « en beauté ». Celui qui avait tant ciblé les juifs au début de sa carrière politique la terminera sur une ignominie façon années 30. Dieu comme le nez des juifs a fait cauchemarder l’ancien d’Algérie.

Ravagé par les difficultés financières de son parti (on avait dû vendre le Paquebot) et le coup de grâce sarkozyste – manœuvre à peine voilée destinée à capter les voix de la Droite Extrême –, le dirigeant du FN s’était résolu à passer la main ; depuis quelques jours, quelques semaines, il coulait des jours paisibles dans la propriété familiale. Saint-Cloud, berceau de cinglants tourments et de trop rares victoires, Saint Cloud que l’on voit mis en scène sur le mode famille modèle (père au travail, mère aux fourneaux et tendres bambins blondinets) dans un film sépia, Saint-Cloud qui vit donc le déclin irrémédiable (et longtemps attendu) du leader frontiste.

S’en est donc aujourd’hui fini de Jean-Marie Le Pen et ses supporters le pleurent. Incontestablement, une page de la vie politique se tourne tant il ne fait aucun doute que le Pen a marqué le paysage politique français de l’Après-Guerre. Son personnage anti establishment, ses candidatures synthétisant mythe de la France éternelle et adresse aux perdants du système et surtout son credo, « Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas », avaient durablement infiltré les esprits français. A l’heure du bilan comptable, Le Pen c’est donc cinquante-six ans d’une carrière politique commencée sous la Quatrième République, des mandats de conseiller municipal, de conseiller régional, de député, de député européen, et un second tour des présidentielles vécu comme un choc, une véritable déflagration, le 21 avril 2002. Pour atteindre cette longévité, il y avait bien une recette Le Pen, parfaitement résumée par Michel Winock dans son livre, La Droite : « […] avoir su rallier et rassembler dans son parti les diverses familles du nationalisme fermé : nostalgiques du régime de Vichy, vaincus de la décolonisation, restes de l’Action française, groupuscules fascistes, adeptes de la Nouvelle Droite – antiaméricaine, antieuropéenne et antichrétienne –, aussi bien que catholiques intégristes. Il gagne à lui non seulement le noyau dur des racistes et des antisémites, mais bien plus largement un électorat populaire angoissé par la crise économique, le chômage et la délinquance. »

Aujourd’hui, Le Pen n’est plus. Entre peur de l’avenir et foi en la bouillie théorique intemporelle résumée plus haut, les militants pleurent leur ancien leader charismatique. « Il avait du panache » dit une vieille femme éplorée. Aux veillées nocturnes organisées un peu partout en France et surtout dans les fiefs frontistes (Henin-Beaumont, Oranges, Vitrolles), on se perd en conjectures. Marine a t-elle le « feu sacré » ? Les supporters de Marine en sont persuadés. Rejoints in extremis par la rhétorique royaliste, ils embrayent immédiatement sur cette succession filiale non écrite mais prétendument ancestrale, le mythe de l’arbre généalogique des leaders du Front… Tout s’emmêle. Très vite, les Gollnischiens (non, il ne s’agit pas d’un peuple issu d’une galaxie starwarsienne !) s’offusquent ! « Gollnisch est le FN, il aurait dû gagner » nous assure t-on avant de nous brosser le portrait de ce bon père de famille, professeur de faculté, héritier de cette extrême-droite. Quelque soit le canasson sur lequel on misait hier pour succéder au père fondateur, une chose est sure, l’extrême-droite va devoir changer si elle veut séduire avec son projet de société. Une certitude tout de même : sans Jean Marie le Pen, le racisme sortira gagnant et les antiracistes pleureront Jean-Marie.

Oui, Jean-Marie Le Pen va nous manquer ! Non par ses excès de langages, son « Durafour crématoire », son mot sur les chambres à gaz « détail de l’Histoire », la torture en Algérie, le sida et les « sidaïques », sa haine de l’immigré, la polémique qui l’opposa à Lionel Stoleru, son penchant machiste assumé, son homophobie affligeante, mais plutôt par son côté « statue du commandeur » du racisme français, personnage bien utile à ceux qui le combattaient. Oui, durant toutes ces années, Jean-Marie Le Pen nous était bien utile car l’antiracisme a besoin de cibles. Le Pen en était une, incontestable. Il cristallisait, dans l’inconscient collectif cet agressif aux idées rétrogrades. Le mal absolu. L’infréquentable. Des films, des sketchs ou des groupes comme le Bérurier Noir, mythe de la scène punk française ont d’ailleurs largement contribué à « manichéaniser » la figure du leader national-populiste (autrement appelé au détour de quelques chansons « l’enculé de gros Le Pen » !). Jusqu’à maintenant, si l’on pouvait parfois s’entendre avec l’extrême-gauche, inviter à cœur joie Mélenchon et Bensancenot sur les plateaux télé (Drucker compris), côtoyer une fois, de près ou de loin, le leader historique du Front National était inconcevable et suffisait à vous disqualifier. Un seul exemple pour vérifier l’idée : Dieudonné, lorsqu’il a voulu se suicider médiatiquement à la suite de son escalade antisémite, n’a t-il couru vers Le Pen pour en faire le parrain de sa progéniture ? C’est un fait, le dirigeant fondateur du F.N clivait ; pour 80% des Français, voter le Pen revenait à se salir les mains et c’était bien pratique. Le Pen disparu voilà qu’il va – ô surprise – nous manquer. Malgré son talent rhétorique et son aisance orale, il était en effet un adversaire relativement facile à disqualifier. On se rappelle à ce titre l’épique débat télévisé qui opposa le leader d’Extrême-Droite au Tapie naissant à la politique. Manquant de lui coller une mandale, le fou qui bluffa Mitterrand opposa au populisme de Droite son « sympathique » populisme à lui, un populisme de Gauche… La preuve était faite qu’on pouvait gagner contre Le Pen, le prendre à son propre jeu de surenchère. Les idées lepénistes étaient évidemment puissantes mais avec le temps, on apprit à les contrer. Au bout de quelques années, hommes politiques, associatifs et journalistes avaient trouvé le moyen de mettre le dirigeant face aux limites de sa pensée. Rappelons encore de quelle manière il se fit moucher par Servan Schreiber ou Christine Ockrent à des époques différentes. Voyons également de quelle façon Nicolas Sarkozy candidat a récemment réussi à calmer la verve du dirigeant frontiste en parlant à ses électeurs, les ramenant vers le « droit chemin »… Quant à l’idéologie Le Pen, celle-ci est clairement délimitée. Elle se nourrit de lectures somme toute classiques pour tout extrémiste de droite qui se respecte : Barres, Maurras, Drumont. Partant de cette base, Le Pen préparait sa tambouille : la triade se voyait appliquer les méthodes populistes de mentors que le jeune dirigeant côtoya à l’aube de sa carrière politique : Pierre Poujade en premier lieu, Jean-Louis Tixier-Vignancourt ensuite. Des références qui firent jadis recette mais apparaissent aujourd’hui bien défraîchies.

Le Pen disparu, il faudra à la nouvelle dirigeante frontiste bien du toucher pour réaliser l’amalgame entre héritage lepéniste et « nouveauté ». En tout cas, avec Marine Le Pen une certitude : Le Front National ne sera plus le centre d’impulsion xénophobe qu’il était autre fois. Il restera dangereux, il faudra le surveiller, le combattre mais, de fait, le parti à la flamme s’institutionnalisera. Le racisme, lui, perdura. La bête immonde, comme elle l’a toujours fait, s’adaptera au contexte nouveau ; elle mutera. Le racisme n’aura plus un visage bien défini mais une multitude de caches-nez (tiens, encore leurs histoires de nez) plus ou moins discrets. Il sera intégriste religieux, anti-colonialiste primaire, antisioniste, nationaliste, partisan anti-Europe, négationniste, adhèrera aux thèses complotistes sur le 11 Septembre… Au début il nous dupera et peut-être même qu’il nous submergera (voir la propagation éclair des nationalismes à travers l’Europe). Il faudra trouver de nouvelles parades pour le circonscrire et l’anéantir. Finalement, loin de constituer un motif de satisfaction la disparition de Jean-Marie Le Pen pourrait au contraire se révéler être un traquenard dont nous, progressistes, pourrions avoir le plus grand mal à nous tirer.

13 Commentaires

  1. « S’en est donc aujourd’hui fini de Jean-Marie Le Pen  »
    Non
    « C’en est donc… »

  2. « Il sera intégriste religieux, anti-colonialiste primaire, antisioniste, nationaliste, partisan anti-Europe, négationniste »
    bizarre, bizarre,…
    moi, quand on me parle de « racisme » je pense « nègre », éventuellement « arabe ». Là, pas de noirs, pas de reubeu..
    Tout le discours se concentre sur le judaïsme ou ses corrolaires (religieux, antisioniste, négationniste, anti-colonialiste (primaire, est-il bon d’ajouter car Israël ne « colonise » pas le territoire palestinien, il l' »occupe »))

  3. J’ai commencé l’article par les commentaires! j’adore, pas besoin du reste, le résultat est là (et las).
    Le miroir de l’idiotie a désormais un nom!!!

  4. N’importe quoi cet article on parle de Jean Marie comme si il était mort ! Laurent David Samama ne lui arrive pas à la cheville, Jean Marie Le Pen avait déjà tout compris de ce monde politique pendant que lui était encore dans sa pisse ! Que de blabla pour ne rien dire d’interessant.
    Jean Marie reste un grand homme et il n’est pas près de mourir même si cela dérange les petits cerveaux.

  5. Laurent David Samama ou la caricature à l’extrême! Rien que le titre est vomitif à souhait… Tout y passe, « raciste, fasciste, antisémite, le détail, xénophobie, négationnisme la bête immonde! On en oublierait presque d’où viennent les principaux collabos :

    http://www.youtube.com/watch?v=QcGH0ojr-xg

    Next!

  6. On se disait que sans doute, mieux vaut être nécrologisé qu’une nécrose.
    Il est compréhensible que ce ne soit pas l’avis de la nécrose ; c’est la difficulté du travail contre la suppuration.

  7. On se disait que sans doute, mieux vaut être nécrologisé qu’une nécrose.
    Il est compréhensible que ce ne soit pas l’avis de la nécrose ; c’est la difficulté du travail contre la suppuration.

  8. il est totalement GAUCHO et CINGLé ce…samamama.A CAUSE ou grace à ses calomnies , je voterai dorenavant…FN !!!

  9. Écrire « nostalgiques du régime de Vichy » en parlant de nationalisme, c’est vraiment n’importe quoi. On voit difficilement en quoi les nationalistes, quels qu’ils soient, pourraient regretter la France occupée. Il ne faut pas tout confondre.

  10. Très juste.
    Ce qui se profile est, en effet, pire que ce que nous connaissions. Marine est plus partout mais ses idées sont tout aussi dangereuses que celles de son père.