“…pour un football moderne. Anarchiste. Libre. Sans entraîneur. Sans fédération. Sans assis…”

 

La France est le pays de la Révolution. De la Commune. De la révolte  de Knysna. Du foot d’avant-garde.

Les entraîneurs et  les « assis » (voir Rimbaud) des fédérations sont des inutiles. Ils devraient communiquer en burqa.

Les footballeurs joueraient  infiniment mieux sans entraîneur. A l’époque de la Révolution française Philidor, compositeur [et par ailleurs champion d’échecs] a dit : “le roi (c’est-à-dire l’entraîneur de football) , quelle importance ? Le pion (le joueur)  est l’âme du jeu…”.  Il faut supprimer cette excroissance que sont les entraîneurs. Ce sont des fanatiques. Des caporaux. Qu’est-ce que ça signifie être  entraîneur? C’est le guignol d’une farce.  ça ne devrait pas exister. Il y a une loi du foot : « quand on change d’entraîneur, on gagne dans la semaine ».  Obviously. Le type,  à peine arrivé, ne s’est pas encore lavé les dents, n’a jamais parlé avec les joueurs… et son équipe  gagne le match.  Bien sûr : en réalité, on n’a aucun besoin de ce fantôme. Je rêve, oui,  d’un football moderne. Anarchiste. Donc, sans entraîneur.

L’’entraîneur est une création d’un homme très intelligent et érudit. Staline. Un monstre…  mais très cultivé. C’est lui qui a créé cela. Il aimait le football. Il ne pouvait laisser un club de foot entre les mains des propriétaires : des capitalistes. Ni  entre les mains des footballeurs, trop poètes ; trop merveilleusement fous. Il fallait un homme du parti ; à poigne. Un apparatchik fidèle aux ordres et au goulag.  Et il a créé l’entraîneur. Quel besoin? Disons la vérité: les entraîneurs et fédérations  sont des gardes-chiourme. Des flics. Des inquisiteurs. J’ai appris que l’un d’eux  a interdit à un joueur d’aimer une femme. C’est délirant! De quoi se mêle-t-il? C’est un ayatollah.

On a une preuve encore  comique de leur inutilité. Un entraîneur hollandais  a pris l’équipe de Corée. Il voyait « ses » joueurs une fois par trimestre. Il ne parlait pas un mot de coréen. Conséquence :  l’équipe a fait un parcours sensationnel.  Du coup, il a été nommé entraîneur de Russie. Avec des traducteurs et beaucoup de présence, cette fois-ci. Résultat : une équipe truffée de grands joueurs s’est fait éliminer par… la Slovénie.

Pour quelle raison vire-t-on un entraîneur? Pour quelles raisons le prend-on ? C’est une triste comédie de boulevard. Dans la tauromachie, il y a le cabestro. C’est l’animal châtré qui empêche le taureau d’être un taureau. Eh bien l’entraîneur, c’est un cabestro.

 

Il faut virer les types qui sont à la tête de tous les clubs et fédérations. Les équipes doivent être la propriété des joueurs. Les dirigeants de fédérations  sont des crétins chanceux. Ils se rendent, donc, bien compte qu’ils sont « assis » par un coup du hasard. Alors ils veulent maintenir les règles de ce hasard qui leur donne le pouvoir sans aucun mérite. Par superstition. C’est leur acte de soumission, de contrition. Et comme ils ont la trouille que les règles du hasard se retournent contre eux ils n’osent pas faire la révolution. Moi, je suis pour. A mort. Permanente. Systématique. Je suis pour le Bakounine du foot.

Raymond Domenech est un cabestro, comme les autres. En 98, le cabestro d’alors a connu le  plus grand bonheur pour un homme  de son espèce:  la presse l’avait condamné, totalement. A juste titre. Le résultat fut génial pour l’équipe de France. La presse l’avait mis tellement en boîte qu’il  n’osait plus rien dire. Rien foutre. Formidable:  il n’y avait  ni idées, ni  plan, ni stratégie, ni directives…. Résultat : la France championne du monde. Normal. A la fin il a balancé, au bord des larmes, un truc comme : “la presse était tellement méchante avec moi”. Alors que c’est justement la presse qui a fait gagner l’équipe: elle avait réussi à éliminer toute autorité d’un tel cabestro. Les joueurs étaient libres. Poètes paniques! Créateurs pataphysiques ! Ils n’avaient à en référer à personne.

L’Espagne a trouvé la parade: ils ont mis un vieillard, là, complètement irresponsable, qui s’appelle Del Bosque. Encore plus nul qu’Aragonès. (Qui, en outre , était raciste.) Del Bosque  n’a aucune autorité. Je crois que, grâce à ça, l’équipe d’Espagne a une petite chance :  Son atout : avoir un non-entraîneur. Au Barça, Guardiola c’est la catastrophe à la puissance exponentielle. Il est arrivé dans une équipe de nains mutants : la meilleure  du monde. Mais il a agi en cabestro : Il a  mis Eto à la porte. Il faut être crétin pour se défaire d’un attaquant génial comme lui. Par quoi il le remplace ? Par le plus soft des avant-centres du monde. Un géant  mou comme la guimauve. Un grand mal gaulé. Un type à qui il faudrait une armure… (Zlatan Ibrahimovic). Du coup, même Henry ne joue plus bien.

En 1998 il y avait  des conquistadors. Des anars qui ne se laissaient pas marcher sur les bottes. Il y  avait, par exemple, Zidane… un pirate…  Zidane… un fauve. Une bête sauvage. Le plus méchant des joueurs. Un exemple : son coup de tête… bestial… Plein de fois il a fait des trucs comme ça. Il entrait dans les stades comme drogué à la kétamine. Il était extrêmement brutal. Avec des pattes de danseuse étoile. Il ne se retenait plus!  Il n’avait pas de cabestro pour le tenir. C’est pour ça qu’il jouait si bien. Il était poète, comme Villon. Dans un match d’une telle importance, donner ce coup voulait dire qu’il fallait vaincre ou mourir. Il était saoul. Il était fou. C’était le légionnaire à l’assaut de la Pléïade. Plein de fois il a fait des choses semblables… C’était grave. Eh oui : il ne jouait pas à la marelle. Avec Cantona il formait la bande à Bonnot de la désobéissance. C’étaient les jumeaux Baudelaire de l’insoumission.

 

 

Lors des cent dernières années, il y a eu Moscou à l’époque de Staline; Bauhaus au moment de la création de l’avant-garde; New York avec Warhol et les beatniks… Mais ce qui est extraordinaire et mystérieux, c’est que les mouvements les plus rénovateurs (surréalisme, panique,  pataphysique, mathématiques de Bourbaki etc, etc.) se soient créés tous ici en France.  Et, aujourd’hui survient la rébellion footballistique.

Il faut dépenser l’argent lorsqu’on est jeune. Il est fait pour être brûlé. Le jeter par les fenêtres, c’est éblouissant. Pourquoi le garder? C’est ridicule. Et malsain. Le Real Madrid, c’est un anachronisme financier. Eux, ils achètent ce qui coûte le plus cher. Bling-bling. Ce sont des fourmis contre-nature qui ne savent pas chanter,  ni mourir d’amour.

J’adore le football. Pendant 90 minutes. C’est Lautréamont  dans les catacombes. J’en raffole : c’est un jeu de hasard. Et de confusion. Digne de Rabelais. C’est un jeu philosophique. Il pose la question de la valeur des choses. On n’a jamais déterminé le rapport entre ce qu’on voit dans le stade et le score. Le Bayern de Munich un jour a terminé avec huit joueurs ;  et gagné 6-1 ; quelque chose comme ça. J’aimerais réunir une dizaine de grands spécialistes du foot devant un écran vidéo.  On verrait un match (méconnu) dans son intégralité. On ne supprimerait que les buts. On demanderait de juger ce match. Sans connaître le résultat final. Les avis seraient loufoques et contradictoires.

Les assis des fédérations ont peur des joueurs libres. D’ailleurs les joueurs… on les empêche de sortir la nuit. Alors eux, évidemment, ils se réunissent en cachette avec des copines philosophes ou alchimistes pour faire  des messes basses et des parties hautes. Dès que ces flics le savent, ils mordent comme des chiens policiers. Ils voudraient que leurs  joueurs portent des ceintures de chasteté. Ils prétendent  que c’est mauvais pour le match, alors que scientifiquement il a été démontré qu’une explosion de sperme, c’est magnifique, ça vaut de la kétamine.

Anelka aime la France. Comme tous les joueurs de l’équipe. Cette révolte française d’aujourd’hui lors de la coupe du monde est  un moment significatif dans l’histoire de la modernité. Ils ont pris leurs responsabilités poétiques. Ils ont fait le geste de leurs meilleurs ancêtres : la révolution.