J’ai lu les articles de Marc Knobel et de François Heilbronn. Il m’a semblé que l’histoire de Yehudi Menuhin pouvait y faire noblement, utilement, écho. Son histoire serre le cœur. Son courage politique bouleverse.
Yehudi Menuhin naît le 22 avril 1916 à New York. On dit qu’on entendait dehors un galop de pluies cabrées contre les vitres de la maternité. J’imagine que son père Moshe par l’une des fenêtres ne voyait que du noir très opaque, était transporté dans un passé indéfini qui ne lui donnait pas de plaisir, mais un vague effroi qui s’ajoutait à celui de devoir bientôt soutenir une nouvelle vie. Qu’il ne se sentait pas si loin lui-même de l’enfance qui allait bientôt être celle de son fils. Qu’à son corps défendant il s’éloignait de sa vie adulte, qu’il était n’importe où, qu’il était seul, qu’il se sentait redevenir cet enfant qui avait peur de tout et riait sans raison. Je suppose donc qu’il ne faut pas croire qu’il était content de lui à l’idée de devenir Père, qu’il y avait en lui trace de suffisance. Qu’il faut croire plutôt que ce qui lui arrivait était hors de portée, que c’était très loin de lui, détaché. Qu’il regardait les images naïves punaisées aux murs, les coloriages, soleils, petits lapins, que tout cela l’émouvait quoiqu’il ne fût pas tout à fait là, et que s’il paraissait calme c’est qu’il se sentait soudain chargé d’un monceau d’âges. Qu’avec ça sur le dos, en plus du reste, il allait désormais devoir travailler à vivre avec ce conflit entre ce qu’on est au plus haut de soi-même et ce qu’on ne saurait être sans se détester. Quel reste ?
Cela venait de loin derrière. Moshe Mnuchin était né en 1893 à Gomel dans une famille juive, religieuse et distinguée. Il était l’arrière-petit-fils de Shneur Zalman, de Liadi, fondateur à la fin du dix-huitième siècle, en 1775 exactement, du mouvement hassidique Chabad aujourd’hui connu sous le nom de Lubavitch. C’était sagesse, c’était entendement, c’était connaissance – Chochnah, Binah, Da’at.
Il n’est jamais simple de s’approprier un héritage. Comment faire sien ce qu’on nous laisse ? On peut vis-à-vis de ça être dans une relation de lutte, de refus, on peut être vissé à l’attente, on peut s’en emparer comme sous le joug d’une profonde nécessité non dite, d’un deuil justement. On peut vouloir n’en ramasser que les bénéfices, au maximum. On fait au mieux, avec ambivalence, avec naïveté, avec conviction, avec méfiance ou avec gratitude, c’est selon.
Pour Moshe, les uns disent que ce fut avec ferveur, avec conviction. Que Moshe n’était pas un roublard, qu’il savait qui il était et, surtout, qui il devait être. Qu’il ne négociait rien, qu’il ne bluffait pas ; que plus il avançait, plus il savait. Que comme les gentilshommes du Sud de Faulkner il tenait le buste ostensiblement droit. Qu’il marchait, n’avait aucune réserve, et que ce sur quoi il marchait, vu le décor de l’époque, fin dix-neuvième en Palestine, c’était une lame de rasoir. Qu’il risquait de se mettre en pièces, qu’il le savait mais qu’il y allait, qu’il avait le nez sur le décor, qu’il était dedans. D’autres disent que c’était un juif honteux, que ses livres The Decadence of Judaism in Our Time et Jewish Critics of Zionism sont abjects ; que son anti-sionisme n’était qu’antisémitisme.
Je n’ai pas lu ses livres.
Il faut être attentif aux dates ; j’en rappelle quelques-unes.
En 1882, vingt-cinq mille immigrants juifs d’Europe de l’Est commencent à s’installer en Palestine.
En 1891, le baron allemand Maurice de Hirsch fonde à Londres la Jewish Colonisation Association, qui se consacre à l’aide à l’émigration de juifs de Russie, d’abord vers l’Argentine et l’Amérique du Nord, puis vers la Palestine.
En 1893, l’année de la naissance de Moshe, quinze ans après l’établissement (en 1878 donc) de Petah Tikva, s’installe la première colonie agricole sioniste en Palestine.
En 1896, Theodor Herzl, qui s’était opposé à Hirsch, publie der Judenstaat pour soutenir la création d’un état juif. C’est à partir de cette date que la Jewish Colonisation Association commence ses opérations en Palestine.
En 1897, le Congrès sioniste réclame une terre pour les juifs en Palestine. Le fondateur du sionisme socialiste Naha Syrkin affirme qu’« il faut évacuer la Palestine pour les Juifs ». Par ailleurs, le premier congrès sioniste en Suisse met sur pied la World Zionist Association et appelle à la création d’« un pays (home) pour les Juifs en Palestine ».En 1901, le Jewish National Fund est créé en vue de l’acquisition de terres en Palestine au bénéfice de la World Zionist Association ; ces terres ne pourront être exploitées que par des Juifs.
En 1904, des tensions apparaissent entre sionistes et fermiers palestiniens dans la région de Tibériade.Entre 1904 et 1914 arrivent en Palestine quarante mille immigrants sionistes ; les Juifs composent alors 6% de la population.
En 1905, l’Anglais Israël Langwill affirme que, faute d’expulser les Arabes, les Juifs auront à « composer avec le problème de la présence d’une importante population étrangère ». Il quitte à cette date l’Organisation sioniste mondiale et fonde l’Organisation juive territorialiste, laquelle entend créer un État juif en dehors de la Palestine.
En 1907, le premier kibboutz est installé.
En 1909, Tel-Aviv est établie au nord de Jaffa.
En 1917, le 2 novembre, Arthur Balfour, le Foreign Secretary britannique, adresse à Lord Walter Rothschild une lettre ouverte dans laquelle il dit que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple Juif ». Cette déclaration, dite Déclaration de Balfour, est publiée dans le Times de Londres le 9 novembre, dans l’encart « Palestine for the Jews. Official Sympathy ».
En 1918, la Palestine est occupée par les Alliés commandés par le général britannique Allenby.
En 1919, lors de la conférence de Paris, Chaim Weizmann, alors président de l’Organisation sioniste et futur premier président de l’État d’Israël, appelle de ses vœux une Palestine « aussi juive que l’Angleterre est anglaise ». D’autres membres de la commission affirment qu’ « autant d’Arabes qu’il est possible doivent être persuadés d’émigrer ». Winston Churchill écrit qu’« il y a des Juifs que nous nous sommes engagés à introduire en Palestine, et qui tiennent pour acquis que la population locale sera évacuée ainsi qu’ils le souhaitent ».C’est en 1913, à l’âge de trente ans, que Moshe décide de quitter la Palestine. Il dit que jouer avec les données de son temps ne lui était pas possible, encore moins les récuser. Et qu’il savait qu’il ne serait jamais question de revenir en arrière, que croire cela eût été idiot. Il s’est dit que c’était fini, il fallait donc partir. Il est parti, aux USA, et c’est en 1919 qu’avec sa femme Marutha il devient citoyen américain.
Pourquoi lui fallut-il partir ? Comment comprenait-il ce qui se mettait en place depuis la fin du dix-neuvième siècle ? Il faudrait lire ses livres pour en être sûr, je ne puis donc rien affirmer ; je n’ai que des questions, il faut éviter toute facilité agressive.
Arrière-arrière-petit-fils de Shneur Zalman, lui-même héritier du Baal Chem Tov, peut-être son antisionisme résultait-il de sa rage, de son désespoir d’avoir vu des siècles de pensée écrasés par un nationalisme qu’il considérait comme aussi aveugle que meurtrier, et qui opposait aux quatre objectifs principaux de la pensée hassidique – renaissance des juifs (en particulier à la suite des massacres organisés par le cosaque Khelnitski dans les années 1748-1749), piété au-delà de la lettre de la loi, raffinement par l’apprentissage de nouvelles coutumes, et démystification des enseignements ésotériques de la kabbale – la séquence völkisch « terre, sang, peuple, dieu » ? Peut-être avait-il anticipé des mouvements comme la venue de tous ceux qui, à l’instar des Gush Emunim (le bloc des fidèles – et qui aurait dû s’appeler, tant qu’à faire, le parti de Dieu) dans les années 1970, venus en Palestine depuis New York pour prendre les terres, se justifiaient non pas en disant que leurs propres terres en Pologne, au Bélarus ou ailleurs leur avaient été enlevées, mais que Dieu les leur avait données en des temps immémoriaux ? Et plusieurs verront en effet les choses ainsi. L’historien Jacob Talman, par exemple, qui écrira à Menachem Begin pour lui dire que s’il n’avait aucune sympathie particulière pour les Arabes et leurs prétendus (sic) droits et griefs, ce qui le gênait pourtant avec le régime israélien, c’était le ton messianique qui était le sien, ainsi que sa croyance que le destin et la prophétie étaient les solvants dans lesquels se dissoudraient toutes les difficultés.
Tout ça est délicat, douloureux, et dangereux. Car on voit très bien avec quelle facilité cela peut être instrumentalisé par les antisémites (« Les Juifs sont criminels : voyez Israël ») comme par les Israéliens (« Juifs honteux », « complices », etc.). Et Yehudi ?
Yehudi est donc né en 1916, à New York. C’est Marutha qui décide de le nommer ainsi : le Juif. Était-ce injonction tyrannique, était-ce don d’incarnation, était-ce espoir de prométhéisme ? Dans quoi allait-il mettre ça ? Comment allait-il remplir le devoir que ce nom lui assignait ?
Ducunt volentem fata, nolentem trahunt – « le destin conduit ceux qui le veulent bien et traîne ceux qui le refusent ». C’est une sentence stoïcienne. Pierre Michon écrit : « Il y a deux sortes d’hommes – ceux qui subissent le destin, et ceux qui choisissent de subir le destin.[1] » Il a bien voulu le destin auquel on l’a promis, à tout le moins vers lequel on l’a engagé. On est toujours pris dans la famille, la filiation, les familiers formateurs, la langue. Certains, à tels ou tels moments, fonctionnent comme des références absolues. Puis on se défait, on se rince (Rimbaud) de cette fascination.
Il n’a pas trois ans lorsque sa mère l’emmène écouter l’orchestre symphonique de San Francisco. C’est alors le violoniste Louis Persinger qui le marque, qui devient une sorte d’instance intérieure : c’est la première apparition. J’imagine qu’il découvre là quelque chose qui se rapproche du sacré, qui vit dans sa propre clarté, quelque chose de cadenassé, de fermé peut-être sur son autisme. Ce qu’il a entendu ce jour-là fera pour toujours partie de son stock intérieur, sera intégralement en lui, et c’est avec ça, avec tout ce qui à partir de là s’est intégré en lui et qui était peut-être proche du sacré qu’il se confrontera à l’aune générale de l’humanité, dans son sens le plus terrible : la haine, le meurtre, l’extermination, mais aussi l’argent, mais aussi le pouvoir. Car il ne se contentera pas de recracher en musique tout ce qu’il intégrait, tout ce qu’il voyait. Il savait ce qu’est le simple rapport d’un homme à l’autre ; certains lui reprocheront même un côté benêt – mais je m’égare. Yehudi entend Persinger, c’est un appel qui résonne ; ce qui s’impose à lui est plus et est moins qu’une décision. Il se passe pour lui ce que décrit Michon pour l’écriture : c’est le monde, la voix du monde qui appelle, et il peut arriver que cette voix soit assez proche pour que l’on s’en empare et la mette en soi. Alors écrire, ou jouer, ou peindre peut-être, est cet acte d’une extraordinaire outrecuidance, ou inconscience, par lequel, paradoxalement, on cesse d’entendre l’appel du monde parce qu’on devient soi-même le monde qui appelle. Et ce bond, ce rapt, cet orgueil démesuré ne sont pas du seul ressort de la décision consciente.
Que fait alors Yehudi ? Il se met à l’étude du violon. On cherche un professeur. Marutha sollicite Persinger, qui refuse. Ce sera Sigmund Anker, à quatre ans. Trois ans plus tard, à sept ans, Yehudi est soliste avec le même orchestre symphonique de San Francisco. Cette fois c’est Persinger qui écoute – et qui maintenant non seulement accepte de prendre Yehudi pour élève, mais encore qui l’accompagnera au piano pour ses premiers enregistrements solo en 1928-1929.
Mais c’est l’année d’avant, en 1927, alors qu’il est à Paris, que Yehudi rencontrera ce qui représentera désormais pour lui l’« Absolu » : George Enescu. Il demande : « Quand serai-je capable de vibrer ? » Il étudie tous les jours, le matin et l’après-midi. Car « il faut le faire tous les jours, il faut que ce soit aussi facile et naturel pour l’artiste que de voler pour un oiseau, et on n’imagine pas un oiseau dire : eh bien, je suis fatigué aujourd’hui, je ne vais pas voler ».
Il sera le contraire de Kafka : il n’attendra pas comme un bœuf. Il volera. Il se mettra au violon matin, midi et soir. La valeur fera sens et triera, il obtiendra de la musique son poids d’or. Il brûlera, une exaltation insensée le portera. Il avait trouvé ce que d’autres appellent Dieu, il avait eu sa Visitation, il donnera sa vie pour que tous les jours le même miracle ait lieu, à toute heure, pour que tous les jours il ait du soleil dans l’âme.
Après George Enescu, il y aura Paul Parey et les Concerts amoureux, puis Fritz Busch avec le New York Symphony Orchestra à Carnegie Hall, puis Adolf Busch pour étudier le classicisme allemand. Enfin, Edward Elgar l’invite au Royal Albert Hall de Londres en 1932. Il a seize ans. Und so weiter, jusqu’à la fin.
Je vais vite, je saute les ans.
En 1945, avec, entre autres, Nathan Milstein et Arnold Schönberg, il court un risque terrible : il prend publiquement la défense de Wilhelm Furtwängler. En 1947, il vient à Berlin pour jouer avec lui le concerto pour violon de Beethoven. En 1949, toujours avec Furtwängler, il enregistre le concerto de Brahms. En 1952, ce sera celui de Felix Mendelssohn, puis celui de Béla Bartok en 1953.
En 1989, il déclare à propos de Furtwängler : « À une époque où chacun était entouré de dangers, il a su offrir son aide à beaucoup de musiciens et compositeurs. Hindemith disait qu’il était devenu l’exemple du monde musical. […] Il était formidable de découvrir avec lui, dans la musique, les prémisses d’une nouvelle Allemagne au milieu des ruines de Berlin. […] Il a vraiment “racheté” le temps au sens biblique du terme ; pour lui, le temps signifiait faire de la musique. »
Racheter le temps, c’est ce qu’il a lui-même tenté de faire en affirmant, après Moshe, son désaccord, sa douleur devant le traitement des Palestiniens par Israël. Il l’a dit à la Knesset, en 1991, dans son discours d’acceptation du prix Wolf : « Cette gouvernance peu rentable par la peur, par le mépris pour la plus élémentaire dignité de la vie, cette asphyxie continue d’un peuple dépendant, devraient être les derniers moyens utilisés par ceux qui ne connaissent que trop bien l’abominable signification, l’inoubliable souffrance d’une telle existence. Cela n’est pas digne de mon grand peuple, les Juifs, qui s’efforce d’obéir depuis quelque cinq mille ans à un code de rectitude morale, qui peut créer et réaliser pour lui-même une société telle que celle que nous voyons autour de nous mais qui pourtant refuse d’en partager les merveilleuses qualités et merveilleux bénéfices avec ceux qui vivent parmi eux ».
Il a voulu racheter le temps, il s’est senti responsable, il a voulu laisser le possible à ceux qui l’aiment (cf. Bataille). Peut-être est-ce même la vérité qu’il a voulu leur laisser. On peut penser à Soljenitsyne (« Si vous vouliez changer le monde, par qui commenceriez-vous ? Par vous-mêmes ou par les autres ? ») ; à Conrad (« Facing it, Captain McWhirr. Always facing it ») ; ou à Oscar Wilde (« A map of the world that did not show utopia would not be worth consulting »).
[1] Pierre Michon, Corps du roi, Lagrasse, Verdier, 2002, p.50.
Quelques précisions :
– Paul Paray (que j’ai souvent vu diriger) et non Parey
-Lord Yehudi et non Sir
Il est tout même un peu dur à avaler que ce soit un camp politique pour lequel nous éprouvâmes un genre d’aversion virant à la nausée qui, alors que les Juifs, et non plus les seuls citoyens israéliens, traversent la menace la plus existentielle qu’ils aient eu à subir à l’échelle planétaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ait le courage, que dis-je, le degré de discernement minimal procurant à un représentant de l’espèce Homo sapiens la capacité de juger la réactivité de l’État juif à l’agression de son territoire souverain en état de siège, une menace existentielle, on le serait à moins, dont on peut très bien imaginer comment les deux corps de notre Nation reine y feraient face, dès lors qu’ils y seraient simultanément confrontés.
Incontestablement, pris dans l’étau des forces du Néo-Axe et d’un bric-à-brac d’États occidentaux lui donnant le sentiment qu’avec des Alliés comme eux, on n’a pas besoin d’ennemis, « Israël fait ce qu’il peut ».
Indubitablement coincé sous le tapis du surmoi décolonial des gauches droitières et autres droites gauchiantes, le versant présentable de l’État de droit peine à rabattre ses Juifs dans l’enclos irrépublicain. Alors, une grande mauvaise conscience tente de sauver les meubles en évitant que ses concitoyens d’origine juive ne souhaitent reporter leur vote sur la petite Bête immonde qui se dédiabolise ; il subsisterait une double alternative à l’antisémitisme d’État : « les Républicains de Bruno Retailleau »… « les amis de Gabriel Attal »… jusque-là, tout va bien ; mais voilà que le premier propose de concentrer les moyens de l’État — bonne chance à lui ! — sur l’éradication de la menace que font peser sur les instances politiques et sociétales du monde libre les Frères musulmans, tandis que l’autre étend celle-ci — oserait-il se l’avouer ? — aux salafistes, aux révolutionnaires duodécimateurs, aux djihadistes Benetton, à un terrorisme culturel auquel la génération woke soumet les citoyens du monde libre par le coulage brutaliste de la chape chariatique dans l’espace public.
Combien de temps dois-je donner à vos France de rechange avant qu’elles ne soient incitées par le franc éternel à faire machine arrière ?
Je ne suis pas de ces belles âmes captives qui, avides de pacification, ou du confort égoïste qu’un état de paix artificiel leur (r)apporterait, fût-il aléatoire, s’amusent à invoquer deux, trois accords déviants, insinuant qu’un retour au pouvoir de De Gaulle après cinquante-cinq de repos alternel, se traduirait par un autodétournement de conscience menant à la désaffectation de Notre-Dame-en-son-Assomption et à la cancellisation du prieuré Saint-Jean-Baptiste dans le but mièvrement libératoire de hâter la plombante et paralysante mutation culturelle de la décivilisation française, européenne, occidentale et l’on en passe.
L’islamisme rampe sous le voile du vivre-ensemble islamo-républicain ; ses sombres cons utiles nous condamnent à réécrire l’histoire de telle manière que nous ne pourrons qu’y ratifier a posteriori le dernier acte de la guerre d’Algérie comme ayant eu vocation à permettre, plutôt qu’à empêcher que Colombey les deux Églises ne devînt un jour la Mecque de la République islamique d’Europe.
C’est moche, c’est sale, mais plus encore, c’est fainéant, ce qui, lorsqu’on se réveille au beau milieu de la nuit, ligoté au grand mât d’un vaisseau que tout son équipage a quitté par gros temps, est un péché contre l’esprit de la ténèbre et des Lumières qui n’a rien de véniel.
Jamais Sir Yehudi n’aurait, songeant à propager la paix davidique en qualité de Yogi-Rédempteur, brisé son saint archet pour aller de ce pas (de l’oie) mener à la baguette un concerto pour sitar et orchestre avec Yahya Sinouar ; jamais le violon du siècle (de la Shoah) ne se serait fait avoir par la technique good cop / bad cop que manient parfaitement les frères d’armes du FataHamas ; jamais il n’aurait eu l’arrogance crapuleuse, ou peut-être plus grave, l’inintelligence crasse de se laisser engourdir les neurones par le tableau de données d’un Ravi de la crèche très moyennement Shankar jusqu’à réaliser, à la manière d’un somnambule robotique, une transposition cheesy de l’harmonie céleste.
Les Frères musulmans représenteraient, ici, 5 %, là, 0,5 % ou encore, en contrebas, un milliardième d’une communauté musulmane qui, par voie de conséquence bidon, ne partagerait pas son projet de chariatisation du contrat social, un islam de France et de Navarre que l’on peut voir partout sur la planète se dresser contre le totalitarisme islamique, anti-Lumières, antisioniste, quand ce n’est pas antiblanc, chaque fois que l’Oumma frappe à mort une entité individuelle ou universelle qui pourrait constituer un obstacle à l’avènement programmé du califat mondial… mais bien sûr… mais personne ne dit le contraire… mais vous n’avez pas bien entendu… mais, comme disait Greenspan, « c’est sans doute que nous nous sommes mal exprimé ».
Nous ne désespérons pas d’obtenir des résultats sensiblement équivalents à ceux auxquels nos pires alliés prétendent parvenir après nous avoir enjoints d’arpenter avec eux une déroute politique relevant du crime d’intelligence avec l’ennemi.
Sauver l’humanité de sa tendance postnoachide au repli nationaliste, cela ne saurait s’accomplir dans la clémence à l’égard d’une abdication de la raison qui confinerait à la démence.
Aussi, n’en déplaise à ses ennemis politiques, Netanyahou est-il le héros de cette séquence historique multiconséquentielle ; un héros qui conduit vaillamment une riposte que les chancelleries occidentales auraient dû déclencher sans mollir, avant qu’elles ne fussent entrées dans la phase critique de la submersion, contre l’ennemi commun des libertés publiques.
La culture n’est pas nécessairement le ferment d’un (folk)lorisme gobiniste, racialiste s’entend, qui menacerait l’humanisme de dislocation.
Et je soutiens qu’en cette période de l’histoire d’Israël où les empêcheurs de réparer le monde ont rechaussé les bottes de la Waffen-SS, l’union sacrée s’impose face au fascisme à deux visages et à son art de la permutation éthique.
Il s’agit là de neutraliser une idéologie intégriste, impérialiste, totalitaire.
Compte tenu du contexte d’exception, les couleurs politiques du chef de l’exécutif juif ne me dérangent pas plus que celles du général de Gaulle ne brouilleraient le discernement de Jean Moulin, le moment décisif venu.
En toute cause, il faut considérer le cliffhanger. — C’est aux heures de hideur que se révèlent les caractères aptes à souffrir qu’on les frappe d’anathème en raison de leur détermination à ne pas céder aux sirènes du collaborationnisme ; celles-ci enjôlent le naufragé que guette l’insolation de sorte à exciter le désir de la geôle, balancent les jambes en avant et les laissent retomber à s’en fouetter le train, bien confortablement assises sur la branche politique du jihâd que les modérateurs de la laïcité ont affublée des attributs bâtards de l’islamisme modéré.
Marchons, marchons jusqu’au bord de la fosse à lisier diplomatosophique et contemplons le désastre duquel on nous intime l’ordre de participer, sans y être, si possible, pris de vertige devant les portes de l’ascenseur pour l’épectase dont — qui l’ignore ici-bas ? — les câbles de traction ne sont plus de la première jeunesse.
Trop facile de refiler, comme des enfants jouant à la patate chaude, l’effigie judéofasciste que nous colle sur le dos le pétainisme transcendantal des gauches.
Le punching-ball Netanyahou, déversoir de haine d’un antisémitisme qui ne s’assume plus, n’est pas la seule victime de nos lâchetés ; en nous joignant à la meute, c’est IDF (Israel Defense Forces) que nous lâcherions — ayons au moins l’honnêteté de battre en retraite dans les grandes largeurs — face aux démolisseurs de ce qu’était censé être, en devenir à tout le moins, un monde ayant vaincu sa propre inclination à l’absolutisme du mal.
Tsahal n’est pas une vestale du Grand Inquisiteur, mais sans doute l’armée la plus aguerrie aux pièges de la guerre hybride que nous tend l’ogre au chaperon rouge, — pardon à ceux que j’aurais englobés par erreur dans la cible, mais l’armée de défense d’Israël fait davantage pour la paix mondiale qu’aucune de ses consœurs occidentales n’y est parvenue depuis l’inéluctable ère de la décolonisation, après quoi elles semblent avoir opté pour l’enlisement, la débandade et la duplicité.
On ne libère pas les peuples de la tyrannie en désertant l’Irak, l’Afghanistan et la Syrie, comme l(a Lybie) d’un crime parfait contre le droit des peuples à s’arracher au totem rousseauiste de l’état de nature.
Le judaïsme hamassisant a été tué dans l’œuf de Troie que lui pondaient les refermeurs de l’odieuse parenthèse humaniste ; ces onctueux assassins et autres tortionnaires humanitarisés le persuaderaient de reprendre à son compte l’idée que le salut d’Israël dépend de sa résignation à porter aux nues les armoiries du mal sur l’horizontalisme fétichisé d’un bouclier humain en bas âge : une descente aux Enfers à vomir.
L’État de droit et l’État islamique ne cohabiteront pas. Car un instant de coexistence suffirait à provoquer leur désintégration simultanée. C’est donc les Antichambres d’une lutte à mort que nous avons stupidement convoquées, par manque de discernement historique, manque de courage politique, manque de mobilité sociale, d’habileté sociétale, de rigueur, mais aussi de souplesse sur le fond et la forme de nos fondamentaux et dérivés, à coup sûr par manquements en série.
Longtemps, nous nous sommes élevés contre ce culte du bonheur que nous vendaient les charlatans du camp régalicide ; il est fort à craindre, camarades génocidaires, oh ! pardon… camarades juifs… ben alors ! qu’est-ce qui me prend… je crains, Concitoyens d’origine ou de confession — biiip — que le temps des vaines tentatives de sauver de la noyade feue la gauche de gouvernement, ne se soit écoulé jusqu’au dernier grain de sablier.
Le top départ en fut donné.
Vers un ailleurs incompressible.