N’ayez pas peur, n’ayez pas peur de nous ; nous sommes comme vous.
Nous habitions une rue, nous habitions une ville, nous habitions dans un bled, nous habitions une adresse. Nous sommes de la famille des hommes.
Et un jour, risquant notre peau nous sommes partis de notre rivage. Suppliciés par la vie, malmenés par mille misères, barrés par l’arbitraire, la sagesse était de partir ; nous sommes partis ; à notre place, vous seriez partis, vous aussi.
Cavalées les routes, traversées les frontières, achetés et vendus aux enchères comme du vil bétail, rescapés de terre de barbarie, chevauchant la mer, Bruxelles, Londres, Berlin, Rome, Madrid ou Paris comme étincelles dans nos yeux, nous marchons depuis l’autre rive, les vies fracassées, sans fortune, sans papiers, sans boussoles, l’espoir entêté.
Les jours hantés par la débine, les pieds usés de misères, nous marchons portant sur ce qui nous reste de spartiates la poussière de la solitude. Au fond de nos regards, le mal du chemin.
Nouées d’endurances, nos voix muettes et souriantes disant nos peines désespérées, nous râlons souvent en silence dans toutes les langues du monde, l’accent parfois âpre, espérant un signe, prêts à tout apprendre.
S’il se peut que tel jour nous ne soyons plus, naufragés sans traces, naufragés du désespoir, objets perdus sans tombeau ni épitaphes, nous aurons, malgré tout, essayé. Essayé d’être. D’être tout simplement. Comme vous.
Et si par bonheur notre histoire se poursuit chez vous, nous ne serons peut-être pas toujours les meilleurs d’entre-vous, nous ne serons peut-être pas tous des lumières mais beaucoup d’entre-nous vous donneront, par pluie ou par bon temps, le meilleur de nous-mêmes.
N’ayez pas peur, n’ayez pas peur de nous ; nous sommes comme vous.
L’existence secouée, au fond de nos yeux les mêmes chagrins, les mêmes morsures, les mêmes blessures que sur les flancs meurtris de vos jours de désert.
Ouverts aux parfums et saisons du monde, nous croyons, nous aussi ; nous doutons, nous aussi ; nous aimons, nous aussi. Comme vous.
Nous sommes de la même humanité.
N’ayez pas peur de nous, ne prêtez pas vos cœurs à ceux qui vous racontent qu’avec nous, vous ne serez plus vous-mêmes, qu’avec nous vous serez perdus à vous-mêmes.
N’ayez pas peur de nous. Ne clôturez pas vos cœurs de brise-humanité. Ne fermez pas votre lumière. Nous sommes comme vous ; tissés de beauté et de laideur, de grandeur et de petitesse.
Ne nous réduisez pas à ce que nous ne sommes pas. Nous sommes comme vous des chercheurs de vie.
Ballottés par le destin, il nous arrive de chercher de nos regards un geste qui ne nous plante pas dehors. Un geste de fraternité.
Nous le savons : vous ne nous attendiez pas ; nous le savons et nous nous en excusons ; nous sommes venus parce que nous ne pouvions que venir et parce que nous croyons que votre humanité n’est pas morte. Ne fermez pas vos cœurs. Vous y perdriez votre âme. Vous ne seriez plus vous-mêmes.
A votre noble cœur.
….merci aussi d’aller en Israel leur dire d’OUVRIR LEUR COEURS…. et d’abattre leur mur.
Tellement bien dit .
Exactement celà.
Les mêmes qui nous disent de nous ouvrir, sont les mêmes qui applaudissent les murs là bas.