Le monde vous regarde. Qu’avez-vous à dire sur l’Ukraine ? Quel est le sens que vous donnez à l’agression de l’Ukraine par l’armée de Poutine ? Qu’est-ce que vous éprouvez face aux malheurs des Ukrainiens et à la brutalité des forces russes ? Quels sont vos sentiments, votre pensée, votre position ?
Votre attitude détachée, distante, impassible de spectateurs sans volonté pose problème ; votre manque d’empathie face aux malheurs des Ukrainiens est inquiétant ; votre passivité face à la tragédie actuelle est effarante.
Non, ne prononcez plus, s’il vous plaît, ce mot-là : « neutralité » ! Lorsque la vie humaine est piétinée, lorsqu’un pays est menacé dans son existence, la neutralité est un mot nauséabond de toutes les lâchetés ; la neutralité est une position éthique impossible et inexcusable ; la neutralité est une attitude funeste qui dit beaucoup de l’inhumanité de ceux qui s’en prévalent alors.
Car que signifie la neutralité dans le contexte actuel sinon le ricanement sur les morts de Boucha, de Marioupol, d’Irpin, de Kharkiv et d’ailleurs en Ukraine ? Que traduit ce mot sinon la négation des crimes commis, sinon une certaine identification à l’agresseur, sinon l’introjection de la barbarie ? À quoi renvoie ce vocable sinon à l’oubli pathétique de notre propre histoire ? À force de vivre avec la violence, seriez-vous devenus si insensibles à la brutalité ? Subjugués par la barbarie de l’agresseur, seriez-vous devenus si amnésiques au point d’oublier d’où nous venons nous autres qui avons connu de l’intérieur l’oppression impériale ? Auriez-vous oublié que l’Afrique partage avec l’Ukraine et les pays baltes, l’expérience commune de la colonisation ? Colonisation russe dans ce cas à la fois nationale et idéologique, colonisation dévastatrice exercée à travers la russification, le contrôle des gouvernements locaux, la répression féroce et la menace totalitaire, génération après génération.
« Oui mais… » hurleront certains d’entre vous, reprenant les arguments du tyran de Moscou, « Oui mais, l’Occident, l’Occident ! The West ! The West ! »
Parlons-en de l’Occident.
Qu’est-ce que l’Occident ? Un espace géographique ? Et quels pays regrouperaient cet espace ? L’Europe et l’Amérique du Nord ? Et l’Australie donc ? Et le Japon ? Quelles seraient les frontières exactes de cette entité tant vilipendée ? Oui, qu’est-ce-ce l’Occident ? Un espace culturel monolithique ? Vraiment ? Et quel serait le trait d’union culturel entre le Japon et l’Europe ? Où commence et finit l’Occident ? L’Occident, un espace ethnique monochrome ? Absurde ; l’Europe et les États-Unis étant des régions fortement marquées par la pluralité culturelle. Alors, l’Occident un ensemble géopolitique de pays partageant une conception commune de la démocratie et de l’État de droit ? Donc le Cap-Vert, l’Ile Maurice, le Botswana et l’Inde (géant labélisé « plus grande démocratie du monde ») seraient-ils des pays occidentaux ? Et certains des royaumes précoloniaux africains qui garantissaient la limitation du pouvoir par d’autres pouvoirs et le respect des droits individuels et collectifs appartenaient-ils en fait à l’Occident ? L’Occident, espace d’innovation technologique et de prospérité ? Et Singapour ? Singapour ferait-il partie de l’Occident ? Et Taiwan, premier producteur de ces puces électroniques dont nous sommes tous devenus dépendants ? L’Occident, l’autre nom du monde capitaliste ? Et la Chine adepte du capitalisme décomplexé depuis Deng Xiaoping est-elle à classer dans le groupe des pays occidentaux ? L’Occident, synonyme du monde chrétien ? Et l’Amérique du Sud qui abrite 37% des chrétiens du monde, loin devant l’Europe, ferait-t-elle partie de l’Occident ? Qu’est-ce vraiment l’Occident ? À quoi renvoie cette notion aux frontières fluctuantes depuis des siècles ? Martin Luther King, Mohamed Ali, Mahalia Jackson et Serana Williams sont-ils, eux aussi, oui ou non, l’Occident ? Kylian Mbappé et Zinedine Zidane sont-ils l’Occident ? En vérité, en vérité, dis-moi comment tu définis l’Occident et je te dirai qui tu es ; dis-moi tes obsessions sur le monde occidental et je te dirai la nature de la maladie qui ronge ton âme.
« L’Occident !, l’Occident ! » Au nom de la raison, laissez de côté ce discours haineux rejetant tout le mal du monde sur l’Occident ; oubliez ce discours visant à duper les populations marginalisées de nos pays victimes d’une gouvernance prédatrice et violente ; laissez cette hainamour de l’Occident à Poutine et aux djihadistes. Et pour quelle raison continuer à faire l’autruche : l’Afrique, notre Afrique, est un continent-monde et, par la force de l’Histoire, pour le meilleur et pour le pire, l’Occident est devenu une part de nous-mêmes et nous sommes devenus une part de l’Occident.
Lorsqu’on évoquera dans les livres de l’histoire l’agression de Poutine contre l’Ukraine, que retiendra-t-on de votre attitude ? Que vous avez choisi de fuir vos responsabilités ? Que vous avez choisi d’être des témoins passifs face à cette guerre inhumaine, face à cette agression totale contre le droit international, droit garantissant la reconnaissance de la souveraineté, des frontières, de l’autonomie et de l’intégrité de tous les États – petits et grands, face à cette guerre qui constitue in fine une violence contre le droit garantissant l’existence non seulement de l’Ukraine mais aussi celle de nos États ? Que retiendra l’histoire ? Qu’à vouloir duper le monde vous avez fini par vous duper vous-mêmes ?
Il faut sortir au plus tôt de cette attitude symptomatique d’une déshérence éthique abyssale et d’une cécité politique qui ne vous honorent pas.
Prise de position intéressante mais encore une fois déconnectée de la réalité. Ne nous demandez pas de prendre position pour la guerre des autres. En 1914 et en 1939 les noirs Américains sont venus mourir en Europe pour une liberté refusée aux Etats Unis.
En gros vous nous demander d’ être encore et toujours les dindons de la farce.
Avez-vous vu les images du sort réservé aux Africains d’ Ukraine ou faites-vous l’ autruche ?
Si vous voulez défendre l’Ukraine personne ne vous empêche d’ aller vous battre.
Mais laissez nous en dehors de vos histoires.