Deux choses m’ont marqué durant l’entretien télévisé de Nicolas Sarkozy ce dimanche 29 janvier.

Une intervention présidentielle dopée à l’ambition du presque-candidat

Si l’on compare cette intervention aux précédents entretiens télévisés du Président de la République, celle-ci est en fait assez unique en son genre. Dans cette atmosphère de campagne présidentielle, il s’agissait d’une intervention télévisée « dopée » aux ambitions d’un presque-candidat.

Dopée dans les moyens mobilisés pour sa retransmission : pour la première fois, I-télé et BFM diffusaient elles aussi l’interview en direct. Fabius a ironisé : « Le président-candidat a exigé de ne passer ni sur la chaîne météo ni sur Équidia, on est quand même dans un pays très, très libre ». En cumulé, l’audience a dépassé les 15,5 millions de personnes. Le record n’est pas battu, Nicolas Sarkozy avait rassemblé plus de 18 millions de français en 2007 lors de sa première interview télévisée. On a beaucoup dit que cette campagne serait celle des réseaux sociaux. Pour l’instant, elle témoigne surtout de la maturité des chaînes d’information continue.

Dopée dans sa scénarisation ensuite : jusqu’à présent, il n’existait qu’un seul format d’interview télévisée du chef de l’État, le Président faisant face à un duo de journalistes : Calvi/Pernaut en octobre dernier ou PPDA/Chabot à 2 reprises en 2007. Ce 29 janvier, ils étaient 4 à interroger le Président de la République. 4 journalistes, c’est en fait à mi-chemin entre l’interview et la conférence de presse. On a beaucoup parlé de la sobriété et de la pédagogie dans les propos du Président, j’ai été pour ma part marqué par la relative tonicité des échanges pour un exercice de ce type. Les journalistes se sont régulièrement coupés la parole, ont parfois insisté, n’ont pas hésité à contredire Nicolas Sarkozy faisant par moments davantage penser à un entretien sans complaisance avec le candidat sortant, qu’à l’intervention du Président de la République.

Enfin, on a peu relevé la présence d’un public d’une vingtaine de français qui assistaient à l’entretien dans la salle des fêtes de l’Elysée. On les a notamment aperçus pendant toute la première partie de l’émission aux côtés de François Lenglet et de Jean-Marc Sylvestre. Ce public attentif était, en quelque sorte, pris à témoin par Nicolas Sarkozy, ajoutant encore à l’idée qu’il était là pour expliquer et convaincre.

L’image d’un Président qui sait y faire

Expliquer et convaincre. Pendant toute son intervention, Nicolas Sarkozy a tenté de neutraliser le parti-pris de ses analyses et de ses choix, pour témoigner plutôt de sa compétence à la barre du bateau France. Mais pas tant pour faire reconnaître un savoir-faire politique qu’une aptitude managériale. En fait, Nicolas Sarkozy nous raconte qu’il préside la France comme on préside une grande entreprise en danger sur un marché concurrentiel.

Plusieurs procédés discursifs ont concouru à nous donner cette impression :

1/ La convocation d’un vocabulaire technique : durant toute l’émission Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à convoquer de nombreuses expressions issues des univers économiques et financiers : « Nous monterons en sifflet jusque smic 2.4 », « Notre problème en France, n’est pas l’inflation, c’est un problème de stagnation, de récession, voire de déflation. » « Les CDS ou les achats spéculatifs par ordinateur seront taxés». Il a invité à la précision : « s’il vous plaît madame Chazal soyons précis », « il faut être honnête et sincère et dire des choses précises ». Il a multiplié les efforts pédagogiques ; le verbe comprendre, « vous devez comprendre », « les français doivent comprendre », « je veux que les français comprennent », « il faut que les français comprennent bien », « je voudrais dire quelque chose, parce qu’il est important que les français comprennent », est sans doute l’un des plus employés par Nicolas Sarkozy durant cette émission.

2/L’illusion de la neutralité idéologique : C’est la dimension la plus marquante à mon sens. Nicolas Sarkozy, ne veut être ni de gauche, ni de droite. Il se dit, comme quelqu’un qui serait en dehors du champ politique, l’homme de la réalité et du bon sens : « C’est une décision de bon sens », « il faut faire avec la réalité », « Je souhaite expliquer la situation telle qu’elle est parce qu’à un moment il y a un devoir de réalité », « Je parie toujours sur le bon sens des gens », « Ça n’est pas une question de gauche ou de droite c’est une question de réflexion » sont autant d’expressions utilisées par Nicolas Sarkozy durant ces 75 minutes d’entretien.

Convoquer la réalité pour expliquer que des décisions sont inéluctables, et délégitimer toute opinion différente, qui se voit ainsi taxée de déraisonnable, de démagogique ou de dépassée. C’est la réalité qui nous oblige : voici l’estampille de l’argumentation sarkozyste.

3/ La France des bonnes pratiques : l’autre passage obligé dans le schéma argumentatif de cette intervention, et qui vient encore participer au discours de la maîtrise, est le recours systématique à la comparaison internationale. Nicolas Sarkozy se dit l’homme de la situation ; il a observé les usages des dispositifs économiques et fiscaux étrangers et nous propose de mettre en œuvre en France les meilleurs d’entre eux. Ce qu’il nous propose, c’est une France des bonnes pratiques.

Dans cette démarche, l’Allemagne revient souvent comme modèle, que ce soit pour justifier le développement de l’apprentissage ou pour motiver la baisse des charges patronales. A l’inverse, il justifie l’abandon des 35h par le fait que « personne dans le monde ne nous les a copié ». Et quand il encense, les qualités françaises, c’est toujours en regard de ce que font les États voisins.

Si malgré ses efforts didactiques, vous n’avez pas tout compris, ce n’est pas grave. Vous serez peut-être convaincu. En déployant une argumentation de manager, Nicolas Sarkozy a surtout voulu nous dire sa maîtrise des logiques économiques et financières. Car ce faisant, il renforce l’idée qu’il est l’homme de la situation. Cette stratégie peut sembler pertinente. Mais les sondages semblent montrer que c’est pour l’instant insuffisant. Nous verrons bien.

5 Commentaires

  1. Et si en voulant faire baisser le FN la RDJ ne voulait en fait que faire remonter Nicolas Sarkozy ?

  2. En général, les gens qui répètent aux autres qu’il faut les comprendre, ou qu’il doivent comprendre sont des imbéciles ! Dans le cas Sarkozy, si les choses sont de bon sens mais tellement difficiles à comprendre pour lui qu’il sente le besoin d’exiger la compréhension des autres, c’est bien la preuve de sa déficience intellectuelle, non ? Les demeurés pensent d’eux-même qu’ils font de telles prouesses intellectuelles que leurs contemporains doivent en être informés avec de qu’ils prennent pour de la pédagogie, mais qui n’est que pédanterie.

    Aparté: Idée pour faire baisser le FN: le FN n’est pas le seul parti d’extrème-droite de France, un second parti existe: l’UMP. Alors mon idée serait de renommer Idées pour faire baisser le FN en idées pour faire baisser l’extrème-droite !

  3. Bonjour,

     » Du Capitaine Dreyfus à DSK, peut-on dire que les trois points communs à ces affaires sont: la bonne, l’état et l’église plus la poubelle qui ne sera comptée lors du dépouillement à moins qu’on l’eût confondue avec une urne? « .

    JPWK

    ps: si non, pourquoi?

    si oui, quelles sont vos motivations?

  4. Il ne maitrise rien il utilise des termes complexes pour induire le public dans l’ignorance et leur faire gober n’importe quoi pour imposer son plan de rigueur. En Grèce ca ne marche qu’a étouffer les classes moyennes et pauvres et en aucun cas a relancer l economie; il vous faut d autres preuves de son incompétence, à lui et ses sbires ? a moins que vous mm n en fassiez parti…

    « « C’est une décision de bon sens », « il faut faire avec la réalité », « Je souhaite expliquer la situation telle qu’elle est… »
    Conclusion:
    Nicolas Sarkozy, ne veut être ni de gauche, ni de droite. Il se dit, comme quelqu’un qui serait en dehors du champ politique, l’homme de la réalité et du bon sens

    Déduction de personne a mobilité cervicale très réduite, il est navrant de voir des personnes qui gobent tout ce qu on leur chie dans la bouche sans mm gouter.

    Ce blog est une insulte a l intelligence…

  5. 3 différents sondages semblent plutôt dire qu’il s’est planté lamentablement, à tel point qu’ un sondage troublant vient même de sortir montrant que N. Sarkozy arriverait à égalité au premier tour face à F. Hollande en cas d’ absence de Mme Le Pen …
    Un président sur 8 ou 9 chaînes de TV au même moment et interrogé par Ken et Barbie..
    Et dire qu’on ose moquer la Corée du Nord .. LOL

    Le président Sarkozy est-il prêt à tout pour garder le pouvoir, en empêchant le FN de se présenter au premier tour ou en jetant la France dans une nouvelle guerre contre la Syrie ou l ‘ Iran ?