Après le chagrin, le ras-le-bol. Après l’apparent dénouement, l’heure d’un premier bilan. Non pas parce que nous sommes sortis d’affaire, mais précisément parce que les choses ne font que commencer : nous n’avons pas le temps d’attendre que le deuil soit totalement fait pour tirer les conclusions qui s’imposent. Il en va de notre sécurité dans les prochaines semaines, et qui sait peut être, dans les prochains jours.
Ayant participé ce samedi soir 10 janvier 2015 au rassemblement en hommage aux victimes de la prise d’otages terroriste et antisémite de la Porte de Vincennes, j’ai entendu la foule applaudir à tout rompre le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, scander « merci la police! », et être un peu apaisée par les propos si justes, une fois de plus, du Premier Ministre Manuel Valls.
Oui, c’est vrai : comme les exécutions terroristes de Montauban en février 2012 et celles de Paris cette semaine l’ont rappelé, policiers et militaires sont eux aussi les premières victimes du terrorisme islamiste. Ils doivent à ce titre être soutenus, réconfortés et remerciés par toute la communauté nationale.
Oui, c’est vrai : le martyre de Clarissa, cette jeune policière municipale sans arme, mobilisée par un hasard extraordinaire sur un banal accrochage à l’heure de la rentrée des classes a peut être empêché in extremis un nouveau carnage à l’entrée d’une école juive toute proche (les prochains développements de l’enquête nous permettront de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse).
Oui, c’est vrai : les forces de police ont été exemplaires de mobilisation durant cette traque, même si l’on peut s’étonner qu’il soit si facile de commettre une tuerie dans un lieu protégé puis de traverser Paris en voiture, ou encore de disparaître après avoir abattu un policier en plein jour et malgré un plan Vigipirate élevé à son niveau maximal.
Oui, c’est vrai : les brigades d’intervention, au premier chef desquelles le RAID et le GIGN ont été extraordinaires d’efficacité et méritent d’être acclamées. Le double assaut parfaitement coordonné à Dammartin-en-Goële et à la Porte de Vincennes n’a fait aucune victime civile. Surtout, il a permis d’éviter un carnage plus grand encore, puisque nous savons maintenant que près de 30 personnes se trouvaient dans l’épicerie cacher à quelques heures de l’entrée de shabbat, et que le terroriste avait disposé des bâtons de dynamite prêts à exploser.
Le courage, le martyre, l’exemplarité, l’efficacité, en un mot l’héroïsme : ceci doit être rappelé, bien sûr. Mais il faut également reconnaître cette chose simple, qui ne concerne pas tant l’ensemble de la police que l’anti-terrorisme et ceux qui doivent en répondre devant les Français : les 17 morts de ces derniers jours auraient pu, auraient dû, être évités.
Les pouvoirs publics nous ont expliqué que Mohamed Merah était un loup solitaire. Qu’il s’était largement auto-radicalisé. Peut être. Plus récemment, que Mehdi Nemmouche, le tueur de Bruxelles, avait été manqué par les services de renseignements. Cela peut arriver, comme il advient qu’on mette la main sur un terroriste armé lors d’un simple contrôle douanier.
Mais face aux frères Kouachi et à Amedy Coulibaly, les excuses manquent. Terriblement. Tragiquement. Qui peut accepter que des personnes ayant effectué des séjours paramilitaires au Yémen, figurant sur la liste noire du terrorisme aux Etats-Unis, et ayant été condamné pour l’un d’entre eux à 18 années de prison, ne soient surveillés de très près ? Qui peut comprendre que c’est lors d’un séjour dans une prison française que cette cellule s’est virtuellement formée, que nous leur avons offert le confort du huis clos pour parachever leur cheminement criminel ? Qui peut apprendre sans effroi qu’après avoir été condamnés, Amedy Coulibaly ait été reçu par Nicolas Sarkozy à l’Elysée en 2009 lors d’une rencontre sur l’emploi des jeunes, et que Saïd Kouachi ait travaillé pendant 2 ans à la Mairie de Paris, après avoir été ni plus ni moins, que l’un des principaux artisans d’une filière d’acheminement terroriste ? Qui peut croire que l’idéologue de cette filière est aujourd’hui infirmier stagiaire dans l’hôpital parisien qui a accueilli les victimes de ces attentats ? Et que penser enfin de ce propos glaçant énoncé par le terroriste aux otages et qui m’a été rapporté par un rescapé : « Il n’y a aucune raison qu’une personne comme moi soit en liberté ! » leur a-t-il dit, alors qu’il les tenait à portée de ses fusils mitrailleurs.
Manuel Valls le reconnaissait dès vendredi soir sur BFM TV: il y a eu des failles dans l’anti-terrorisme français. Nous pouvons craindre qu’il y ait des béances. Car si ces trois-là n’ont pas été correctement surveillés, alors cela signifie sans doute que d’autres, tout aussi dangereux et prêts à passer à l’acte, ne le sont pas.
Il faut déployer d’urgence les moyens nécessaires pour restaurer la sécurité et par là la confiance en l’action publique pour prévenir le terrorisme. Nous sommes en situation de guerre contre le terrorisme et devons à tout prix protéger nos populations. Au-delà, il va falloir continuer d’adapter notre appareil législatif et judiciaire à ce péril, pas si nouveau, mais dont nous semblons enfin prendre toute la mesure.

Un commentaire

  1. Si Manuel Valls veut réellement que reste l’esprit du 11 janvier, il doit comprendre et faire comprendre que l’autisme n’a plus sa place au sein de son gouvernement.
    Un dispositif puissant doit être mis en œuvre par l’Éducation nationale où l’on apprendra aux déjà cons qu’ils n’ont plus le choix d’apprendre ou non aux futurs salopards que lorsqu’on surnomme Ducon la divinité des obscurantistes, c’est pour bien établir le distinguo qui s’impose entre elle et ce Dieu qui favorisa l’émergence des Lumières.
    Molière était le Cabu du XVIIe siècle, aussi, il ne me semble pas déraisonnable qu’on enseigne Cabu, au même titre que Molière, par conséquent, dans le texte, partout où l’on refuse d’observer une minute de silence en sa mémoire.
    La réconciliation franco-allemande a des chances d’inspirer les peuples respectifs de Bibi et Abbas mais la présence, au sein de la grande marche vers la République, du chef objectif du Hamas n’a aucun sens aussi longtemps que Charlie Hebdo n’est pas publié en arabe dans tous les kiosques de Gaza.
    La Shoah ne peut plus être exterminée des consciences de plusieurs autres générations. Tout lieu, où l’histoire de la mémoire vraie de la guerre mondiale précédente menace d’être explosive, doit être sécurisé. Un système de vidéo-surveillance aidera à dissocier les fonctions du flic et du prof, ce dernier ne jouant aucun rôle dans les mesures qui seront prises à l’encontre de l’intimidateur récidiviste, lesquelles sanctions, quel que soit leur degré de sévérité, l’exposeraient à des représailles.
    Pas question ici de bannir les proies des pirates de l’empire, en l’occurrence, c’est elles qui prononcent à tout-va des peines de bannissement. Mais la figure de l’apprenti-bourreau ne doit plus être appréhendée sous le prisme de la victimisation. Une société missionnée par elle-même pour former des adultes responsables ne traitera pas ses enfants en adultes. Elle appréciera la distance du chemin à parcourir et la puissance de l’effort à fournir avant qu’ils ne soient convoqués au siège de la raison critique. Elle ne permettra pas que le djeun, qui aurait fait l’objet identifiable d’un lavage de cerveau de la part d’un groupe d’extrémistes modérés soutenu par une modération extrême, aille s’asseoir dans une classe bondée de petites cibles. Or cet adolescent mérite de recouvrer la liberté, qui est un bien universel. Lui administrer un traitement spécifique en vue de sa réinsertion rapide me paraît salutaire, à condition que le muscle de l’intelligence ne cherche pas à imiter le bruit du fouet.
    Qui peut encore, après Mohammed Atta, après Mohammed Merah, qui peut apprendre avec effroi que l’un des modes opératoires des terroristes consiste à pouvoir passer inaperçu dans le mille de leur cible? Le djihadisme est un système intelligent et un processus intelligible dont il faut prendre la mesure. La démocratie ne redeviendra pas une réalité occidentale tant qu’elle ne se sera pas transformée en une réalité mondiale. Si nous ne pouvons plus être qui nous sommes sans risquer de le payer de notre vie dès l’instant que tel chef religieux — d’une obédience à ne surtout point confondre avec la religion d’État sous laquelle son autorité s’exerce et se diffuse (passage ironique) — a tout loisir de lancer un ordre assassin dont il sait qu’il sera mis à exécution par l’un des milliers de petits soldats que l’esprit du Jihâd a déployés sur tout le territoire infidèle, alors, nous sommes requis, dès à présent, d’un bout du monde à l’autre, de nous considérer comme les sujets du Califat mondial. Rendus là, il reste deux options. La première consiste à mettre les alliés objectifs du Néo-Djihad face à leurs responsabilités, ce qui implique pour eux des réformes immenses et immédiates. Le second choix nous condamne à y aller nous-mêmes, à renverser, avec nos bras, un régime intranational initialement transnational, un métarégime cryptonazi dont la souveraineté se confond désormais avec la nôtre.
    Hier, je suis allé me recueillir sur le tombeau de la liberté. J’espère la voir, de mon vivant, renaître de ses cendres.