« Nous sommes la risée du monde » déclarait tristement Aimé Jacquet devant la réaction ou plutôt l’implosion en direct des bleus à quelques heures de leur dernier match de coupe du Monde contre l’Afrique du sud.

Comment donner tort à l’ancien sélectionneur ? Néanmoins, un ami israélien me faisait remarquer qu’un pays qui n’a pas de plus grand malheur que l’affligeante débandade de son équipe nationale était fondamentalement heureux. Encore faut-il qu’il en soit conscient.

Il faut donc se féliciter que la paix civile qui règne dans notre pays nous permette de nous consacrer aux événements réellement sérieux et qui sont pour l’heure exclusivement footballistiques. Il faut en fait s’en féliciter doublement, si l’on pense comme l’auteur de ces lignes, que le sport est la métaphore de la guerre : quelle chance que ces pitres ne soient que des footballeurs et pas des généraux.

Clémenceau avait coutume de dire que la guerre était une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. Après que nous ayons déploré un putsch du pouvoir militaire (les joueurs) sur le pouvoir civil (sélectionneur et staff), il semble qu’à 90 ans de distance, les faits aient une nouvelle fois donné raison au Tigre, dans des circonstances certes moins dramatiques où l’intégrité du territoire national n’est pas menacée.

Le point culminant de ce pronunciamiento a sans aucun doute été le moment où Raymond Domenech, visiblement sous la contrainte, est venu lire un communiqué le mettant en cause dicté donc par les joueurs-tortionnaires-grévistes. Supplice de l’intéressé. Sadisme troupier des membres de l’équipe. Incompréhension générale devant ce train normalement parfaitement cadencé qui déraille sous nos yeux. Suspension du temps. Et le souvenir en surimpression du pauvre Aldo Moro retenu par les Brigades Rouges et qui juste avant d’être exécuté avait écrit depuis le réduit milanais qui serait sa dernière demeure cette lettre sublime et prophétique : « Si vous n’intervenez pas, une page terrifiante de l’histoire (…) sera écrite. Mon sang retomberait sur vous, sur le parti, sur le pays… ».

Dire que le feuilleton auquel nous avons assisté est indigne d’intérêt serait mentir. C’est pathétique donc passionnant. Guy Roux a parlé d’anarchie mais il est probablement aussi instruit sur Bakounine que je le suis en ballon rond. Ce n’est pas de l’anarchie mais plus probablement une forme de barbarie.

Reprenons les faits. Un joueur est tancé à la mi-temps d’un match par son entraîneur. Il le prend mal et l’injurie. Les insultes ayant fait le tour du monde, je n’ai pas besoin de les reproduire ici. Le joueur, Nicolas Anelka en l’espèce, est normalement sanctionné puis exclu. Un grand quotidien sportif en fait sa une. Le capitaine monte au créneau, enfin, mais seulement pour nous expliquer que le problème n’est pas posé par les propos de Nicolas Anelka mais pour la seule raison qu’ils aient été reproduits dans la presse… Dans un autre univers on aurait appelé cela une défense mafieuse : peu importe ce que l’on fait pourvu que cela reste entre nous.

L’équipe, dans une solidarité qu’on ne lui connaissait pas, a refusé l’entraînement à 48 heures d’un match capital. Les démissions s’enchaînent et le coach devenu le valet de ses joueurs a été amené à s’humilier publiquement en donnant lecture du communiqué précité. A une autre époque et dans un autre contexte c’était la haute trahison. Oui, il y a une forme de barbarie à placer l’estime de soi au-dessus de la critique ; à faire de l’insulte la loi du groupe. Désormais, il n’y a plus d’autorité sur 20 gamins à la dérive, surpayés à l’égo hypertrophié et qui portent malgré tout les couleurs de la France dans la plus grande compétition internationale.

Le foot est beau que quand il exalte le sentiment d’appartenance commune et de devenir collectif. Ici c’est l’inverse : les bleus n’ont existé en tant que collectivité que pour faire ressortir leur individualité, ce qui les amène à affronter l’épreuve avec la détermination qui devait être celle de l’état major en 40 à la veille de la capitulation.

Cependant, comment ne pas voir dans la survenance de ce chaos qui fait voler en éclat le ronron de la communication et du marketing, quelque chose de rafraîchissant que l’on peine à définir ?

Pourquoi le cacher d’ailleurs : je préfère de loin quand les héros jouent à être des hommes plutôt que l’inverse. Hélas, le dérèglement de l’édifice avant la dernière scène ; le sabordage final sous les emportements de la furie et des sentiments a comme un air de déjà vu. Le grand William n’avait pas le mondial mais connaissait le théâtre des sentiments (Hamlet…).

En dépit de ce qui précède, nous devons des remerciements solennels à Monsieur Nicolas Anelka. Sans lui, il n’y avait pas de moyen d’échapper à la coupe du monde de football en cette veille d’été 2010.

7 Commentaires

  1. Ah bah, c’est juste un jeu. Quant à l’insulte, ce type de scènes se passent tous les Dimanches dans divers vestiaires. Pas de quoi fouetter un chat. C’est vraiment sans aucune importance, des fois on gagne, des fois on perd, c’est le jeu.
    Les médias se concentrent sur cet incident anodin, pendant que le gouvernement démantèle les derniers acquis sociaux (sous la désignation orwellienne de «réforme»), les cas de malversations et corruptions de ministres se suivent jour après jour, et les médias se consacrent à un non-évènement: la coupe du monde. Lamentable. Ce ne sont pas 20 «gamins», le problème, mais 50 millons ! Du pain et des jeux.

  2. De beaux esprits m’ont dit en 1998, que la victoire des Bleus resterait dans l’Histoire de France comme le plus grand événement du XXe siècle. Tout comme l’Eyjafjöll non sans exercer à cette fin une force certaine, nous a fait voir sans le voir que ne monte pas au ciel qui veut quand il le veut, la Coupe du monde de football de 2010 nous fait redescendre de nulle part sur terre. Les footballeurs français ne sont pas des héros, ce sont des p’tits gars qui tapent dans un ballon. Remettons-les tous à leur place, vous verrez qu’ils y resteront. Et notre étonnement à l’heure de l’antichute sera le fruit de ce dont il en eut été à des gens de raison, notre étonnement.

  3. L’équipe qui nous a été présentée lors des deux premières rencontres n’a collectivement ni le niveau, et individuellement ni la maturité* nécessaires à la participation à une coupe du monde de football.

    Les responsabilités sont à chercher du côté de ceux qui encadrent ce groupe depuis 6 ans ; ceux-là mêmes qui sont chargés – car personne ne peut le faire à leur place -, de sélectionner les joueurs et le « staff » qui se révèleront à la hauteur des enjeux d’une manifestation sportive d’une telle importance : enjeux humain, collectif, individuel, éthique, technique, stratégique, tactique et financier.

    *Comment ce groupe a-t-il pu passer à côté du fait suivant : une fois rendue publique, l’insulte d’Anelka appelait inévitablement une sanction exemplaire.

    Un Anelka qui s’est longtemps étonné de ne pas être sélectionné en équipe de France. Aujourd’hui, on ne peut espérer qu’une chose : c’est qu’il ait compris une bonne fois pour toutes les raisons de ce refus depuis 12 ans : non respect de la hiérarchie et des consignes de jeu.

    ***

    Quant à ceux qui saisissent ce qu’ils croient être une opportunité pour continuer de régler leur petit compte communautaire – nommément Attali (qui souhaite ouvertement sur Slate.fr la défaite des bleus), Finkielkraut et Zemmour -, force est de constater que ces derniers sont bien en dessous de tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un intellectuel ou d’un journaliste… même politique ; de leur part, difficile de ne pas voir, là aussi, la même incompétence et la même immaturité face aux vraies questions que pose ce fiasco programmé de longue date à en croire les professionnels du monde du football : fiasco avant tout SPORTIF ; n’en déplaise à ceux qui souhaiteraient y voir une échec qui toucherait la société française dans son ensemble.

    Et si honte il doit y avoir, elle ne saurait toucher la France mais… bien la Fédération française de football (FFF) qui, année après année, a mené ce groupe là où il est aujourd’hui, ou bien plutôt : là où il n’est pas et n’aurait très certainement jamais pu être.

  4. je t’applaudit sans retenue tu as été brillant sur ce coup la . La france offre a travers cette épisode un visage bien médiocre , un melange d’esprit syndicaliste revanchard et desordonné avec une pincée d’exotisme mafieux banlieusard et vous obtenez l’equipe de france de football

  5. Alain Finkielkraut a émis le même jugement que toi sur le comportement des joueurs:petite bande mafieuse qui terrorise tout le reste de l’équipe et comportement barbare. Ces joueurs qui ne gagnent ni plus ni moins que d’autres joueurs d’autres équipes (Didier Drogba entre autres) sont le reflet de notre société déboussolée par son manque de civisme et d’éducation. C’est plus grave que ce que ton ami israelien pense.

  6. d’un entraineur , d’un vrai, et de joueurs , des vrais!
    c’est bien le problème !
    j’ajoute que si de surcroit nous avons un public de supporters, des vrais alors que demande le peuple!!

  7. L’art de la concision. Voilà que dans une phrase Patrick Klugman dit tout:
    « il n’y a plus d’autorité sur 20 gamins à la dérive, surpayés à l’égo hypertrophié et qui portent malgré tout les couleurs de la France dans la plus grande compétition internationale. »
    C’est bien ça le problème. Nous avons besoin d’un entraineur, un vrai.