Ce n’est pas l’humanitaire qui est en recul. C’est le politique. C’est l’Europe. C’est l’esprit même d’une Europe qui porte, depuis les Grecs, le nom d’une princesse de Tyr enlevée par un taureau ailé lui faisant faire un trajet étrangement semblable à celui de ces réfugiés de Lampedusa et qui, aujourd’hui, les laisse frapper à sa porte, et se noyer. C’est le droit et, en particulier, le droit de la mer qui fait obligation de secourir des femmes et hommes qui, avant d’être des « clandestins », ou des « migrants », sont des sujets de droit dont nous avons tous, que  nous le voulions ou pas, l’imprescriptible responsabilité. Honte, alors, oui, à cette Europe de l’indifférence et de la cruauté où l’on intente des procès à des pêcheurs qui n’ont fait que leur devoir en recueillant des naufragés. Honte à cette «insensibilité aux cris d’autrui» stigmatisée, en juillet dernier, mais il est bien le seul, par le pape François venu en mission à Lampedusa. Honte à ces Commissaires bruxellois qui ne devraient pas avoir de plus haute priorité, aujourd’hui, que de partager avec l’Italie et Malte la réflexion, le traitement de l’horreur, le fardeau. Honte, au passage, aux petits esprits, amis des idées courtes, dont la seule conclusion est qu’il faut «regretter Kadhafi» (qui, il est vrai, avait trouvé le bon filon : faire chanter l’Europe en ouvrant et fermant, selon qu’elle acceptait de payer ou non les 5 milliards d’euros annuels qu’il leur réclamait, le robinet à immigrés). Honte à nous, avocats des droits de l’homme qui trouvions normal, il y a trente ans, d’aller repêcher les boat people en Mer de Chine et qui, maintenant que les boat people sont là, en Méditerranée, à nos portes, sommes incapables d’inventer le moindre geste de solidarité et d’intelligence démocratique. Le sort de l’Europe se joue là, à Lampedusa. L’âme de l’Europe est, là, dans chacun de ces petits corps, horriblement alignés, et que nous regardons sans les voir. De deux choses l’une. Ou bien l’état d’urgence européenne est décrété, sans délai, à Lampedusa. Ou  bien nous nous accoutumons à l’idée d’une humanité à deux vitesses selon que l’on est né d’un côté ou de l’autre des portes de la forteresse – et nous tournons le dos, sans retour, à l’Europe et à son projet.

4 Commentaires

  1. Ces deux textes lus à la suite viennent soudainement de m’ouvrir les yeux. Et si ça n’était pas tant la pauvreté dont on nous rebat les oreilles qui pousserait autant d’africains a fuir leurs pays même au prix de leur vie, mais surtout l’extension lancinante, toujours plus étendue et de plus en plus violente de l’islam sur le continent africain durant ces trente dernières années ?

  2. Monsieur Lévy,

    Comme à l’accoutumé je dois l’admettre, vos mots font mal et frappe en plein cœur, organe étrange, voir étranger… atrophié dans nos corps trop occupé de jouissance et de névrose. Oui nous somme malades comme nos démocraties et vous n’avez de cesse de le rappeler. Parfois vous êtes entendu et l’espoir point pour ces peuples victimes. D’autres fois on vous ignore, ou pire, on vous raille – montrant par là combien le cynisme est devenu une vertu. Passons.

    Plus encore ce qui fait mal c’est cette troublante justesse dans votre analogie avec nos mythes fondateurs, cette Europe qui a en fait en son berceau, la Grèce, toute la sagesse et la mémoire d’erreurs que nous répétons malgré tout inlassablement.

    Dira-t-on que l’on vous voit encore trop si vous « montez au créneau » médiatiquement sur cette question également ? Je ne saurai imaginer tous les paramètres que vous devez juger avant d’opter pour un combat en sachant combien certains vous attendent au tournant… Courage.

    Dernière chose ceci-dit, j’aimerai qu’au nom de la clarté de votre propos, vous énonciez la différence qu’il existe entre les deux humanités distinctes tel qu’elles sont décrite dans le Talmud, et cette différenciation que nous faisons nous aujourd’hui gens du Nord face aux peuples du Sud. C’est sûrement une mauvaise approche de ma part mais qu’en est-il ? N’est-ce pas la même notion de hiérarchisation de l’humanité que l’on retrouve dans la Loi Juive ?

    Je vous pose cette question car je sais que votre culture ancestrale est un fondement de votre approche humaniste comme vous l’avez souvent expliqué, et que vous estimez que toutes les nations du monde gagneraient à s’en inspirer. Malgré cela j’avoue en tant qu’humaniste être troublé par cette culture.

    Y.Blery

  3. Je ne comprends pas bien et meme pas du tout le commentaire precedent et ce qu’il a a voir avec Lampedusa. Ceci dit, oui honte a nous aujourd’hui de voir le FN etaler ses bobines sur tous les ecrans de tele, lui qui stigmatise a volonte toutes ces personnes qui veulent approcher les cotes europeennes dans l’espoir d’un avenir meilleur. On est devant sa tele , on dit Mon D.ieu , mon D.ieu, car c’est triste tres triste, mais on applaudit des deux mains le discours xenophobe du FN. Hypocrisie, insensibilite quand vous nous tenez.

  4. On fait souvent l’erreur de baptiser un monstre «Frankenstein». Or Frankenstein, c’est le nom du savant fou dans le roman de Shelley. Et aussi monstrueuse puisse être sa quête d’immortalité, il serait quelque peu imprudent d’aller lui chercher des poux sous les yeux de sa créature, ayant juste oublié que le monstre, c’est elle. Les savants comme les fous sont parfois terrifiants, souvent ébouriffants, toujours fascinants. Un petit conseil… éviter la fixation prolongée en leur présence. Aveuglement garanti.
    Abdellatif Kechich a choisi deux Françaises d’origine arabe pour camper les aliens de son œuf lesbien. Le tout-Cannes était admiratif envers ces Danaïdes saphiques n’ayant pas hésité à prendre le risque de la nudité d’une vie, qui n’a jamais autant de saveur que lorsque sa crudité résiste à la cuisson. Le talent et le risque ont été salués, par Spielberg, mesdames, messieurs! sans qu’à aucun instant ni son jury ni les colauréates de la Palme d’or ni leur metteur en scène n’aient eu à craindre de se voir reprocher d’avoir mis de l’huile sur le feu, après une nouvelle vague d’émeutes meurtrières.
    Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos ont été lapidées ce matin à 5h00 en République islamique de France. Il y a dix ans à peine, on les couronnait pour ce qui aujourd’hui leur valut l’exécution d’une sentence de mort pour blasphème, prononcée hier, au lendemain de leur arrestation. Souvenez-vous d’une époque où l’on commençait d’entendre les rumeurs de restauration de ces monstres d’absolutisme et de légitimisme au pays des deux tables de la Déclaration universaliste, au bout d’une parenthèse diversaliste de dix ans tout ronds.
    Ceci n’est pas une double prophétie autoréalisatrice. Ceci ne s’inscrit pas dans la psychose xénophobe d’un tueur d’Oslo ou d’une joueuse d’osselets. On ne fait pas sauter en l’air les os de ses morts avant d’en rattraper autant que possible sur son dos. Le respect des ancêtres n’est pas un jeu d’adresse. Alors, à quoi peut bien servir l’anticipation d’une uchronie? À renforcer sa foi dans l’autre voie, peut-être…
    «Et après? se gonflait le videur de trouble-fête; lui, il se plaît à identifier les lucides qui s’en inquiètent avec les trucides qui s’inquiètent de les voir triompher.
    — Après? se vidait le gonfleur de double tête; comment vous dire? Après… après, il y l’avant… Il y a dix ans, je ne pouvais déjà plus jeter l’œil de Daumier sur cette caricature de la foi telle qu’elle semait la discorde entre trois Grâces hypertendues vers le désert de désolation où l’on avait coutume de pendre haut et court les caricaturistes. Il y a dix ans, les montreurs de Nabilla craignaient à juste titre qu’on ne leur prêtât des intentions purement égoïstes calées sur le seul risque de radicalisation d’une Égypte qui n’avait jamais su exploiter son Philon. Il y a dix ans, disons-le, ça craignait. Charb avait fini par assimiler le fait que ses ennemis ne s’assimileraient pas. La RIF avait raturé la RAF des mémoires d’une génération qui allait faire l’Histoire. Sainte Mère de…
    — Quoi?
    — La Terre est atterrée devant son Assomption.»
    J’entends déjà mon pire ennemi reprendre mon RIF sur une Telecaster d’époque qu’il ne mérite pas, m’assimilant à une haine de l’islam que ma prose ne l’empêchera jamais de projeter sur elle. Je me plais à identifier les entités déifiées. Je souhaite vivement que l’islam dominant, si le vœu de Boubakeur venait à être exaucé, ne fasse pas davantage chanceler mon État de droit que le catholicisme ne parvenait à censurer la sodomie du ministre de la Culture du gouvernement Chirac de François Mitterrand, lequel François Léotard, soutane relevée, joignait ses mains en position de prière dans toutes les rues de Paris sans qu’un Jean-Paul II, alors en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels, ne prît la peine de porter secours à ce morceau de papier. Les esprits bien élevés ne sont pas sommés d’aller se fracasser le bec sur un trompe-l’œil ainsi que ces présages de Pline avaient dû se ridiculiser avant que n’en fût démontrée la science insurpassée du grand Apelle.
    La peine de bannissement doit être bannie de nos institutions. Peu importe qu’elle émane des néo-croisés ou des panislamistes. Interdire le hijab dès la Maternelle pour l’autoriser au sortir du Secondaire nous édifie sur l’état mental de la nation scolaire. Sherafiyah Lewthwaite n’a rien d’une victime du patriarcat. Autant sa mère que son père la laisseront se noyer dans l’oasis d’affection que lui offre depuis d’interminables heures le mirage salafiste. Les porte-drapeaux de l’islamofascisme sont des Coco Chanel dont notre sieste prolongée, ivre d’absolution, aura bien trop longtemps couvert d’un voile pudique la part néfaste de leur influence. J’en veux pour preuve la gueule de bois oscarisable que nous avons pu voir, il y a quelques semaines, nos représentants perfectionnistes afficher près des tueurs de Téhéran. Raison de plus pour que la provenance des naufragés de Lampedusa qui, contrairement à des boat-people s’étant jadis montrés capables de réconcilier Sartre et Aron, fuient désormais des terres où le Jihâd est déjà en travail, n’entrave pas l’épopée de leur débarquement. Leur situation identitaire nous imposerait plutôt de leur fournir un asile politique au nom de ces sublimes droits de l’homme dont leurs persécuteurs ne semblent pas sur le point de découvrir la division des Lumières européennes jusqu’au substantifique chroma.
    Les hauts représentants des cultes se doivent de garantir à leurs fidèles une parfaite liberté d’accès à la révélation intime qui préside à la foi véritable. Aussi, la simple émission du désir de les voir opter pour un culte plutôt qu’un autre ou aucun autre exercerait sur eux une pression, voire une menace de châtiment divin, et je ne parle pas de ces petits criminels persuadés d’agir, selon la volonté de tout ce qui leur passe au-dessus de la courbure, à l’encontre de ce qui ferait obstacle à la cause de leur perte.
    Le Conseil des ex-musulmans de France résonne comme une bouffée d’occis gènes dans l’atmosphère de plus en plus séparatiste où sont retenues captives les aspirations profondes des grands bébés qu’on nourrit au biberon de Durban II. Que l’extrême droite se réjouisse de l’existence d’un athéisme issu du monde arabo-musulman ne doit pas arrêter un Arabe athée dans son élan fustigateur contre la religion de son père. Le coup de frein ne se justifiera qu’après qu’on l’aura incité à s’attaquer au seul cryptofascisme islamique en même temps qu’on lui déconseillera de s’en prendre à la part d’héritage christofasciste de ses concitoyens.
    Je réclame, au nom de l’athée d’où qu’il parle, le droit de critiquer aussi durement qu’il le voudra la religion de ses pères ou la religion en tant que telle. Je réclame, au nom de l’ex-musulman, le droit à la conversion à l’une des religions des pères de ses frères non-musulmans. Je leur souhaite, en deux mots, de connaître, s’ils le souhaitent, le destin de Beauvoir ou celui de Ricard. En retour, il est juste que le religieux puisse jouir du même droit de critiquer le système du monde où Dieu est réduit à néant dès lors qu’il n’en vient pas à menacer la liberté de conscience de son contradicteur. Critiquer oui, condamner non.
    La liberté de ne pas croire est sacrée. En revanche, la respecter ne doit pas exonérer les croyants de l’effort de sécularisation que requiert la pratique d’un culte en terre laïque. Autrement dit, autoprophétiser l’élévation de l’islam au grade de «première religion de France» après dix ans de ce-que-vous-voudrez ne peut raisonnablement pas ne pas traduire le fond d’une pensée. Il est heureux qu’un homme ou une femme nés dans la religion puissent être libre d(e s)’en sortir. Il serait bien plus heureux qu’un homme ou une femme attirés par le sentiment de protection que leur offrirait l’enclos d’un quelconque traditionalisme ne cherchent pas à y rabattre quiconque tel une tête de bétail. Car il y aura toujours des croyants. Et aussi excitant que soit le fait que l’esprit des Lumières andalouses puisse pousser un peu plus loin son bouchon au contact des amis de Diderot, son ouverture ne nous délivrera pas des fondamentalistes aussi longtemps que ceux-là n’apprendront pas à respecter la liberté de conscience au contact d’une laïcité radicale. Certes, il commençait à sévèrement urger de laisser s’exprimer librement les ex-musulmans sur des questions touchant à l’intégrité du corps des femmes ou au droit de vie ou de mort octroyé au pater familias sur les pièces de son patrimoine gynétique. Pour autant, s’il semble extraordinairement périlleux au sujet d’un royaume islamique de se proclamer athée, le fait qu’un athée en France règle son compte à l’archaïcité d’une loi religieuse me semble aller de soi. Au fond, ce qui bouleverserait la vie des rameaux multiethniques du peuple français, ce serait que les représentants des cultes prennent pour la plus sainte de toutes les prescriptions la nécessité de ne plus lire que ceux de leurs canons qui s’harmonisent avec les droits de l’homme et du citoyen, s’appuyant en amont de leur courant réformateur sur ce qui en eux (les canons) donnerait même l’impression qu’ils les (les droits de l’homme et du citoyen) ont inspirés.
    Dieu est un œuf d’Ur.
    Y’aura un avant et y’avait un après.
    De quoi IHVH est-Il le Sîn?