Quarante ans après sa mort, qui est Salvador Allende ?
Est-il un héros romantique, cet homme qui, refusant de céder au coup d’Etat de Pinochet, prononce, en direct à la radio chilienne, un ultime discours rappelant son combat et ses valeurs puis se donne la mort ? Est-il un homme d’Etat, un style, une diction ? Allende, tour à tour personnage de roman et patronyme devenu synonyme de résistance, de courage et de grandes valeurs. Peut-être est-il tout simplement l’honneur de la Gauche.
Avec le temps, la mémoire de Salvador Allende prend de l’ampleur. Mieux, elle revient à la mode et, du Chili jusqu’aux Etats-Unis en passant par la France, elle fait réfléchir. Tandis que l’hypothèse communiste a perdu de son attrait avec le temps, la voie empruntée brièvement par le Chili d’Allende semble revenir au goût du jour. Pas d’arme, pas de violence. Mais surtout des objectifs grandioses : atténuer le fossé entre riches et pauvres, se réapproprier ses richesses nationales pour permettre à son peuple d’étudier, de travailler, de prospérer. Entre le capitalisme dévoyé et le communisme aveugle, il existait bien une troisième voie, celle d’un socialisme correcteur d’inégalités, capable de s’allier avec le Centre et vecteur de progrès. La suite de l’histoire, on la connaît. Trois fois candidat à l’élection présidentielle chilienne, ce n’est qu’à sa dernière tentative qu’Allende, leader du Parti socialiste local, parvient à obtenir les faveurs populaires. Après le triomphe, il met en place ses réformes mais fait rapidement face à une opposition très remontée du fait d’une inflation galopante. La grogne monte. Le pays est paralysé. En arrière plan, Kissinger et les Etats-Unis se méfient du projet de nationalisation des mines de cuivre, principal atout du Chili. Aveuglé par sa peur panique du communisme, Nixon encouragera les manifestations, déstabilisera le pouvoir en place et permettra le coup d’Etat du 11 Septembre 1973. Voilà la junte et Pinochet…
Jeune démocratie, le Chili d’aujourd’hui n’est toujours pas à l’aise avec son passé. Inégalitaire et divisé, le pays hésite. Quel héritage doit-il porter ? Tandis que la Gauche célèbre la mémoire d’Allende et de son Front populaire, la Droite campe sur ses positions. Elle réprime par la force les manifestations étudiantes et passe volontairement sous silence les évènements du 11 Septembre 73. Pourtant, loin des quartiers d’affaire, le peuple se souvient toujours. C’est toute cette réalité, l’actualité du projet politique d’Allende et la personnalité d’un homme qui aurait pu faire du Chili un tout autre pays que raconte Thomas Huchon dans un documentaire remarquable, diffusé le 14 septembre 2013, à 22h, sur la chaîne LCP. A voir !