7 janvier 2013. Sur le plateau de Mots Croisés, c’est un Jerôme Cahuzac ferme et combatif qui déjoue les pièges tendus par le bouillonnant communiste-sur-le-tard Jean-Luc Melenchon. La France découvre alors son ministre du budget, un politicien à la belle allure et au parler précis mais toujours clair. L’impression laissée par Cahuzac est alors forte. Tandis que les critiques commencent à pleuvoir sur le gouvernement socialiste, Cahuzac donne lui l’impression de surnager. Mieux, il semble capable, avec Manuel Valls, d’incarner un socialisme moderne qui n’a pas besoin de se « rougir » quand il se sent en panne d’idées… Quelque chose de rare.
16 Avril 2013. Dans la blancheur presque immaculée d’un plateau de BFMTV, c’est un Jérôme Cahuzac aux traits visiblement marqués qui s’avance devant les caméras et livre sa vérité. Verdict ? Ce fut étrange. Très étrange ! Vingt minutes durant, les téléspectateurs eurent la très dérangeante impression d’assister à une séance de confession publique, comme un voyeurisme à grande échelle, inutile et cathodique (inutile car cathodique ?) puisqu’en fait de politique, il laissait la part belle (ou plutôt moche) au déballage de sentiments intimes (l’évocation de pensées suicidaires demeure à ce titre le climax de l’interview). Qu’a fait l’ancien élu de la République ? Il s’est en fait livré à un exercice assez peu commun dans la tradition française : le pardon en direct. Tel un Clinton ayant fauté avec une stagiaire de la Maison Blanche, tel bon nombre d’élus U.S. révélant au public leurs diverses « fautes morales », Cahuzac a voulu s’expliquer et demander pardon à la France entière. Dans un style prolongeant l’intervention de Dominique Strauss-Kahn chez Claire Chazal, Jérôme Cahuzac est allé encore plus loin en confessant une « folle bêtise », « une folle erreur », sa « part d’ombre ». Beaucoup d’éléments de langage dans cette intervention et certainement la patte d’un Stéphane Fouks passé maître dans l’art difficile de la communication de crise.
Dans l’immédiat, le curieux exercice télévisuel auquel Jérôme Cahuzac vient de s’adonner ne présente qu’un seul intérêt : celui de ne pas laisser le monopole de la parole à ses nombreux adversaires. L’homme à terre le sait, à court terme, il est incapable de regagner le cœur des français. Peut-être s’accroche-t-il alors à un fol espoir, celui d’une stratégie au long court qui produirait des effets à moyen terme. Et si, les heures, les jours et les semaines passant, la stratégie Cahuzac se révélait payante ? A l’instar du journaliste Jean-François Achilli qui n’osait pas heurter l’homme nu qui lui faisait face, les Français pourraient compatir et décider de ne pas faire de Cahuzac un martyre. En dépit de sa soif de transparence, le peuple français pourrait craindre les hypothétiques conséquences dans les urnes des révélations de Mediapart ou bien en avoir assez de la façon dont le Président Hollande travestit aujourd’hui l’impératif de transparence. C’est ainsi que dans un renversement inattendu, la confession publique pourrait porter ses fruits. Et Cahuzac, sinon pardonné, se trouverait au moins débarrassé de l’œil moralisateur de l’opinion publique qui se trouvera, soyons en sûrs, une nouvelle victime…