Je ne partage (presque) rien des idées de Marcela Iacub. Je trouve même que Libération lui fait trop d’honneur en la laissant chroniquer librement, sur plusieurs feuillets, au gré de l’actualité culturelle et des développements politiques de notre pays. J’ai lu son livre. Je ne l’ai pas aimé. Je l’ai même trouvé bidon. Inutile. Je me suis demandé pourquoi Stock qui publiait jusque-là de l’intime un peu plus solide avait permis que Belle et Bête soit édité dans la belle collection bleu marine. L’appât du buzz sûrement. Une erreur, comme ce fut le cas pour la une du Nouvel Obs’… Puis, j’ai lu avec intérêt le texte de François Margolin dans lequel ce dernier se demande si, en plus d’être belle et bête, Marcela Iacub ne serait pas antisémite. Si la démonstration est étayée, je dois dire qu’elle ne me convient pas. Non ! Marcela Iacub n’a pas écrit un livre antisémite quand elle parle de sa relation avec l’ancien Président du FMI. Voilà pourquoi, en trois points.
1 / Cher François Margolin, vous faîtes d’abord reposer l’essentiel de votre démonstration sur le fait que l’auteure lie DSK au cochon, « animal que les juifs sont censés abhorrer ». Puis vous dites : « Pourquoi cette obsession à traiter les Juifs de porc ? (…) Je n’y vois qu’une explication : un antisémitisme qui n’ose pas dire son nom, qui passe, depuis des mois, pour un pseudo-féminisme (…) » Vous vous trompez ! Il n’y a justement rien de plus juif que de traiter quelqu’un de cochon puisque dans la tête de celui qui accuse, il y a cette idée d’interdit de consommation du porc qui a été intériorisé. Pour un catholique ignorant logiquement tout de cette interdiction, il n’y a pas de mal à manger de porc donc aucun intérêt à traiter son adversaire de cochon. C’est d’une logique implacable… Il faut être juif pour traiter quelqu’un de cochon… Juif ou bien féministe. Lorsque les féministes le font, elles ne versent certainement pas dans l’antisémitisme. Sinon, il faudrait classer toutes ces femmes et leurs associations aux cotés d’un Marc-Edouard Nabe, d’un Alain Soral, de ces détraqués qui mélangent tout, écrivent des saloperies misogynes en ponctuant tout cela de refrains aux relents antisémites. Vous voyez, ça ne tient pas !
Pour avoir lu le livre de Iacub, je crois, cher François Margolin que vous sur-interprétez la volonté et les capacités de son auteur. Belle et Bête a été écrit à la va-vite ; dans ce livre, Marcela Iacub ne prend pas le temps de défendre une autre thèse que celle de son personnage habituel de princesse intelligente mais superficielle. Iacub s’y prend tantôt pour Voltaire, tantôt pour une secrétaire. Double fantasme. Mais rien qui n’aille au-delà de la mauvaise littérature (ce qui, soi-dit en passant, est déjà un crime !).
2 / Vous parlez ensuite du concept de haine-de-soi, mettant Marcela Iacub dans le même sac que de féroces self-hating jews dont Rony Brauman ou Shlomo Sand. Cela ne fonctionne pas non plus. Lisant régulièrement Iacub, je n’ai pas le souvenir d’un papier où la chroniqueuse de Libération faisait état de son appartenance religieuse. Les self-hating-jews utilisent au contraire leur identité juive pour la retourner contre leurs adversaires. A ma connaissance, Iacub n’utilise pas cette arme. Rien à voir avec, par exemple, l’Union Juive Pour la Paix (UJFP) où, pour le coup, on trouve un bon paquet de self-hating jews. Le grand-père de Marcela Iacub était peut-être rabbin. Vous pensez bien qu’elle aurait utilisé ce détail si elle avait eu de quelconques visées antisémites… L’argument aurait été puissant : les gens adorent lire la prose de ces juifs qui n’aiment pas leurs coreligionnaires.
3/ Vous finissez en taclant le cinéma israélien et tout ceux qui ne peuvent s’empêcher de parler d’Israël que sous le prisme unique du conflit israélo-palestinien. Vous avez raison. C’est parfois fatiguant. Indépendamment du conflit, israéliens et palestiniens ont des vies. Ils naissent, travaillent et aiment indépendamment du Hamas et de Tsahal. Mais en l’occurrence, vous sortez du sujet. La question avec Marcela Iacub est plutôt de savoir pour quelles raisons cette dernière prend systématiquement le contre-pied de tout. La réponse, au fond, vous la connaissez cher François Margolin. Parce qu’elle est juive ! Je dirais même : il n’y a pas plus juif que ça. C’est énervant, mais les juifs qui pensent coupent les cheveux en quatre, poussent la réflexion très loin, s’écartent des hypothèses de départ, s’évertuent parfois à choquer voire à emmerder leur monde. C’est ce que fait Iacub quitte à émailler ses papiers de punchlines conduisant par exemple le féminisme vers une impasse.
La somme de ces éléments dédouane Belle et Bête, le livre de Iacub, de l’accusation d’antisémitisme. Les antisémites, les vrais, sont ailleurs. Ils n’écrivent que très rarement dans Libération et nous les dénonçons régulièrement, tous ensemble, dans les colonnes de La Règle du Jeu et ailleurs.