L’histoire de la Russie implique que le changement politique passe nécessairement par la révolution. Dans la Russie d’aujourd’hui, une révolution subséquente devient inévitable. Le régime actuel s’enfonce de plus en plus dans la répression, poussé par la volonté de se maintenir au pouvoir coûte-que-coûte. Un régime qui a œuvré pour faire de l’idée de la révolution un épouvantail, mais qui sème des conséquences inattendues : beaucoup de personnes voient dans la révolution la meilleure sortie pour une crise qui ne cesse de croître. 

La révolution est un prix élevé – mais inévitable – que la société paie à l’histoire quand les lois existantes rendent la vie impossible tout en empêchant un quelconque changement. C’est là qu’apparaît la vision de la révolution comme un mal nécessaire. La révolution en Russie, ce n’est qu’une question de « où » et « quand » (et, dans une certaine mesure, de « comment »). Cependant, le mouvement démocratique doit faire de son possible pour éviter que la révolution devienne une fin en soi. 

Une révolution est un prix trop cher à payer par une société pour qu’elle soit utilisée en instrument de règlement des comptes ou de prise de contrôle des ressources. Bien que l’on puisse admirer les révolutions dans d’autres pays post-soviétiques, il ne faut pas oublier que leurs résultats à moyen terme étaient bien en-deçà des attentes qu’ont pu avoir leurs inspirateurs et ceux qui les ont menées à bien. 

Il n’est pas possible de mettre fin au despotisme et à la violence avec plus de despotisme et de violence. Il ne faut pas non plus oublier l’objectif principal d’une révolution, qui est de rendre la société plus humaine, plus tolérante et plus libre. Ce doit être le travail de tous ceux qui, après être passés par la case révolution, se sont purifiés moralement et se sont libérés, et c’est le seul type de révolution qui, malgré son prix, sera bénéfique pour la société. 

Un commentaire

  1. Le ministre des Finances de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou incarnait l’ouverture d’une République qui, en France, voit dans le droit le garant le plus fiable du pluralisme politique.
    Parvenu au sommet de l’État à l’âge de 48 ans, ce modernisateur incontestable d’une démocratie chrétienne qu’il savait soluble dans le libéralisme, nommerait chef du gouvernement un gaulliste de six ans son cadet, mais tout aussi ambitieux que lui. Lequel trahirait l’autre le premier ? Quoi qu’il advienne, leur divorce ne pouvait que s’avérer fatal au plus puissant des deux.
    De Gaulle n’avait pas cédé aux justes inquiétudes de ceux de ses compagnons qui n’ignoraient rien du rapport au pouvoir d’une génération de hauts fonctionnaires manufacturée par la Formateuse vichyste, aussi ne rendrai-je pas le président Giscard d’Estaing seul responsable de la sanctification obscène des os broyés de Maurice Papon, l’un des plus ignobles bénéficiaires de la politique de réconciliation nationale voulue par ce grand faiseur de symboles que fut l’homme de Londres, — il n’est pas surprenant que l’on rencontre moins de réussite dans la normalisation des relations intranationales avec d’anciens criminels contre l’humanité que dans la consolidation d’une Europe antifasciste comprenant des héros de la Résistance allemande.
    Pour quelle raison Giscard a-t-il lâché la barre en pleine tempête, voilà un autre mystère que nous ne saurions dénouer qu’en accordant du temps au temps.
    Il n’en demeure pas moins que les sélections, calculée en ce qui concerne le choix du ministre du Budget du dernier gouvernement Raymond Barre, ou spontanée entre les victimes françaises et leurs compatriotes d’origine juive que le Premier ministre n’avait pu s’empêcher de déchoir de leur nationalité sur le trottoir ensanglanté de la rue Copernic, sont deux taches dans les Trente Glorieuses beaucoup trop édifiantes sur l’irréconciliation nationale pour qu’on s’imagine pouvoir les extraire d’un mandat, certes furieusement novateur… jusqu’à nous infliger quelque relent de révolution nationale que les deux septennats de François Mitterrand ne nous forceraient pas moins à régurgiter.
    Valéry Giscard d’Estaing fait désormais partie d’un quatuor présidentiel dont chacun des membres affronta les nazis l’arme au poing avant que d’empoigner la mère patrie de Gœthe et, à travers elle, une Europe suicidée dont la rédemption ne se serait jamais accomplie par la seule opération du Saint-Esprit.
    Jacques Chirac imposerait Simone Veil — une survivante des camps de la mort au ministère de la Santé (mentale) — et nous gardons en mémoire le soutien que Giscard apporterait, en bon conservateur progressiste, à celle que nos phalanges négationnistes accuseraient de planifier un génocide à l’encontre des embryons français ; leur mémoire nous oblige.
    Il est un prisme de la mythologie française qui veut qu’un grand homme soit fondé, pour le rester, à couper toute tête qui aurait amorcé derrière lui une phase d’émersion décisive.
    Le politique devrait parfois regarder au-delà des sphères de confluence habituelles et, sans chercher à s’emparer d’un cool sous les faux airs duquel il se brocarderait, observer la manière dont les meilleures formations musicales mènent leur barque.
    Une Martha Argerich n’a jamais craint qu’une avalanche de Seiji Ozawa lui volât la vedette.
    Un Thelonious Monk n’exigeait pas de la part des insécables John Coltrane devant lesquels il s’éclipsait, qu’ils la missent en sourdine.
    Un Beck Hansen est sublimé par la relation personnelle qu’il va permettre à des Jason Falkner de forger avec leur public en fusion.
    La rivalité existe néanmoins, mais transformée en force, au profit de la poursuite d’un programme de recherche lancé par nos lointains ancêtres en vue de créer les conditions d’accès à cet Éden, probablement inaccessible ? eh alors.
    On ne va quand même pas se laisser abattre au moment où ça devient réellement excitant !