Monsieur Juppé,

On vous dit froid, glacial, distant, imperturbable. Vous seriez cousu de pierre froide et de marbre. Et bizarrement, dès lors que le mois d’avril s’annonce, s’avance et vous voilà, à chaque fois, chaque année, comme saisi, possédé, submergé par une ingouvernable agitation, débordé, envoûté par un mal indéfinissable et déversant des propos discontinus, discordants, en dissidence avec l’histoire. Mais quel est donc ce terrible mal qui vous ronge si éperdument les entrailles depuis ces sinistres jours du mois d’avril de l’an 1994 ? Quel est ce malheur que vous auriez commis qui vous perturbe, vous trouble vous entraînant jusqu’à perdre le chemin de la retenue lorsque revient la saison du souvenir du génocide des Tutsis du Rwanda ? Et qu’est-il énoncé, que faut-il entendre derrière votre désormais habituel, rituel et sinistre bavardage annuel sur le Rwanda ?

Manifestement l’homme que vous êtes a du mal à lever les yeux devant le génocide des Tutsis du Rwanda ; manifestement, il vous est pénible, difficile de regarder en face ce qui est advenu ; clairement votre rapport aux victimes du génocide est problématique. Que l’on vous interroge sur les responsabilités de l’Etat français dans la matérialisation de ce crime, que l’on vous questionne légitimement, puisque vous étiez en charge des affaires étrangères à l’époque, et de raison vous n’êtes plus, et la conscience désertée, votre défense se déploie rigide et radicale : « Comment ? l’Etat français témoin passif, témoin actif de l’inacceptable ? Foutaises ! Falsification honteuse de l’histoire, produit de l’imagination maléfique de personnages mal intentionnés œuvrant à souiller l’honneur de la France. » Et… et les nombreux documents donc ? Et les multiples rapports, ouvrages, enquêtes, documentaires, photos et témoignages oculaires accusateurs ? Et la parole de ceux qui ont vu cela de leurs propres yeux, y compris des militaires français présents au Rwanda au moment des faits ? « Tous des affabulateurs ! Tous des honteux ! » Dénégation absolue donc, déni, évasion, réponse hors histoire.

Monsieur Juppé,

Le sens du réel – y compris celui d’un crime de génocide – ne serait – en définitive – chez vous, qu’affaire d’interprétation. Mais, hélas pour vous, (vous n’y pouvez rien) les faits demeurent les faits : le soutien politique, militaire, financier, diplomatique et médiatique de l’Etat français aux génocidaires rwandais est largement documenté.

Quelques exemples pour vous rafraîchir la mémoire. Le 27 avril 1994 en plein génocide vous recevez, vous-même, Jérôme Bicamumpaka et Jean-Bosco Barayagwiza, membres du « Gouvernement intérimaire rwandais », constitué dans les locaux de l’ambassade de France, selon les propos de l’ambassadeur Marlaud lui-même, gouvernement intérimaire qui sera jugé ultérieurement responsable du génocide par le TPIR.

Oui, vous recevez donc Bicamumpaka et Barayagwiza ; vous recevez en toute connaissance, en toute clairvoyance Barayagwiza ; Brayagwiza, ordonnateur et planificateur de meurtres de Tutsis ; Barayagwiza, fondateur de la RTLM, la radio de la haine, la Radio Télé la Mort, la radio-voix du génocide.

Le 27 avril, alors qu’à Kigali, la RTLM éructe des appels quotidiens à l’extermination des Tutsis ; alors qu’au pays des milles collines, on chasse, la machette et la kalach à la main, on chasse dans les villes et les marais, les collines et les vallées, on chasse les Tutsis comme on chasse du gibier ; vous, vous, M. Juppé, vous recevez Barayagwiza. Mais pour quel palabre donc ? Pour évoquer et discuter, sans doute, entre gens civilisés de la vitalité de la littérature francophone ? Ou alors pour échanger sur la beauté naturelle du Rwanda et les immenses atouts touristiques des milles collines vertes désormais rougies de sang ?

Monsieur Juppé, c’est un fait, ce jour-là, en accueillant Barayagwiza, vous-même et tous les autres qui ont reçu ces monstrueux personnages-là, vous avez filé un sacré coup de main aux tueurs de Kigali ; vous avez béni leurs crimes en leur conférant une respectabilité diplomatique ; ce jour-là, vous avez commis plus qu’une erreur politique, une faute morale. Et vous saviez ce que vous faisiez, et vous l’avez fait. Et où était donc passé votre conscience morale ? Et où l’honneur de la France, ce jour-là ? Et où les valeurs de la république ? Piétinées. Foulées aux pieds. Souillées d’une manière indélébile.

Reçus avec les honneurs, Barayagwiza et Bicamumpaka quittent Paris tout sourire, satisfaits, heureux du succès de leur visite. Et le 9 mai, la RTLM annonce la bonne nouvelle : poursuite de l’assistance française à condition de ne plus voir ces cadavres encombrant les trottoirs, ni ces massacres qui tachent car conduits en plein jour. Et toujours dans la foulée de la visite en France, le 16 mai 1994, Bicamumpaka s’adresse au Conseil de sécurité des Nations Unies et nie tout simplement le génocide. Il affirme que tout va bien au Rwanda, que la paix règne et que la radio rwandaise diffuse quotidiennement des messages de paix. Deux semaines plus tard, le 30 mai, ricanements sur la RTLM ; la RTLM ricane, se moque des morts, réfute leur exécution et parle de « suicides » des Tutsis.

Les faits, encore les faits sur les compromissions, les accommodements, les arrangements, les complicités ? Les armes. La livraison des armes. La livraison des armes aux tueurs de Nyamata, de Murambi, de Bisesero, de Gisozi et d’ailleurs au Rwanda. Qui ? Qui a livré les instruments de la mort aux tueurs avant, pendant et après le génocide ? Qui ? Quelle puissance ? Oui, qui ? Quel pouvoir d’Etat, au nom de principes géopolitiques bidons, s’est chargé de livrer les outils de la tuerie aux bouchers de Kigali ? Tenez cette missive du Président du gouvernement intérimaire datée du 22 mai et destinée à son homologue français :

« Monsieur le Président, le peuple rwandais vous exprime ses sentiments de gratitude pour le soutien moral, diplomatique et matériel que Vous lui avez assuré depuis 1990 jusqu’à ce jour. En son nom, je fais encore une fois appel à votre généreuse compréhension et à celle du peuple français en Vous priant de nous fournir encore une fois votre appui tant matériel que diplomatique. Sans votre aide urgente nos agresseurs risquent de réaliser leurs plans et qui Vous sont connus. »

Qui ? Oui, qui a aidé jusque dans leur exil les tueurs ? Qui a livré pas moins de cinq cargaisons d’armes aux génocidaires défaits en fuite dans le Kivu via l’aéroport de Goma, courant mai 1994 ? Et qui a exfiltré du Rwanda les Bagosora et autres tueurs en chef ? La réponse ? Vous la connaissez : le gouvernement dans lequel vous présidiez aux affaires étrangères.

Monsieur Juppé,

Votre parade, votre ligne de défense est connue, archi-connue : « Mais… nous avons sauvé de nombreuses vies d’une mort certaine. Mais enfin… l’opération turquoise ! L’humanitaire opération turquoise qui a permis de sauver des Tutsis ! L’honneur ! L’honneur de la France !!!» Sinistre causerie, lamentable brouhaha. Des vies sauvées ? Sans doute, fort heureusement ! Et, hélas, le plus souvent, seulement à l’initiative de soldats révoltés par les crimes commis sous leurs yeux. Mais pour le reste, oui tout le reste, que fut au fond cette fameuse zone Turquoise sinon une bande de repli sanctuarisée pour tueurs en cavale vers le Zaïre voisin ?

Turquoise ? Vous avez dit Turquoise ? Une blessure béante ! Tenez Bisesero… Oui, Bisesero et ces femmes, Bisesero et ces enfants, ces vieillards, ces jeunes, trompés, livrés aux tueurs trois jours durant, du 27 au 30 juin. Bisesero ? Sur les collines de Bisesero, couvertes de forêts et de buissons, deux mois durant, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, armés de pierres et de lances opposent une résistance héroïque, inflexible aux attaques des forces de la mort. Ils tiennent debout dans le froid et sous la pluie, déterminés à combattre, à tenir jusqu’au bout. Les assauts des tueurs sont quotidiens et vers fin juin, la situation est de plus en plus intenable, désespérée.

Le 26 juin des journalistes informent les militaires français : sur les hauteurs de Bisesero, il y a encore des vies à sauver ; dans les buissons de Bisesero, il y a des rescapés encore en vie, cachés, terrés. Le lendemain, une patrouille de l’armée française se rend sur les lieux. Témoignage d’un rescapé :

« Lorsque les Français sont arrivés sur la route, nous sommes descendus de nos collines ; nous sommes sortis de nos buissons ; nous sommes sortis de nos lieux de cachettes. Nous nous croyions sauvés. Cela faisait deux mois que nous étions terrés et pourchassés chaque jour par les miliciens et les militaires. Nous étions fatigués, exténués, à bout de forces. Lorsque nous avons vu arriver les militaires Français, nous nous sommes dit que notre calvaire était fini. Nous sommes donc sortis de nos cachettes et nous avons demandé aux Français de nous protéger. Nous leur avons montré les corps de nos morts et les blessés par balles, et les blessés par machettes. Ils nous ont dit « retournez dans vos cachettes ; ne vous en faites pas nous allons revenir. » Nous leur avons dit : « Mais si vous partez, si vous nous laissez seuls, nous sommes morts. Les tueurs vont revenir pour nous exterminer ». Nous avons supplié : « s’il vous plaît, restez avec nous ou emmenez-nous avec vous ». »

Les rescapés seront abandonnés à leur sort. Les militaires français rebroussent chemin et retournent à leur base. Dès leur arrivée le chef de la patrouille, le lieutenant-colonel Duval, dit « Diego », rend néanmoins aussitôt compte à sa hiérarchie. Fax transmis le 27 juin :

« Dans le secteur de Bisesero, nous avons rencontré une centaine de Tutsi réfugiés dans la montagne. Ils se sont présentés spontanément sur la piste en voyant les véhicules militaires. Ils seraient environ deux mille cachés dans les bois. D’après eux, la chasse aux Tutsi a lieu tous les jours, menée par des éléments de l’armée, gendarmerie, milice encadrant la population. (…) Ils sont dans un état de dénuement nutritionnel, sanitaire et médical extrême. Ils ont directement impliqué les autorités locales de Kibuye comme participant à ces chasses à l’homme. Ils espéraient notre protection immédiate ou leur transfert en un lieu protégé. (…) Il y a là une situation d’urgence qui débouchera sur une extermination si une structure humanitaire n’est pas rapidement mise en place ou tout au moins des moyens pour arrêter ces chasses à l’homme. »

Le lieutenant-colonel Jean-Rémi Duval informe également le patron du commandement des opérations spéciales: « Je rends compte à Rosier (patron du Commandement des opérations spéciales) . Je lui dis verbalement ce que j’écris ensuite dans le fax. Je lui demande l’autorisation d’y retourner le lendemain avec un effectif supérieur et des renforts en hommes et en matériel, qu’il est censé me fournir. Il me répond non. » Ordre de ne rien faire. Ordre de ne pas bouger. Pourquoi ? Guillaume Ancel, ancien officier de l’armée française: « Nous aurions pu combattre les génocidaires, mais nous nous sommes opposés jusqu’au bout à ceux qui les affrontaient, obsédés par un héritage politique dénué de sens. »

Entretemps, sur les hauteurs et les collines de Bisesero, les miliciens tuent, tuent, tuent à tour de bras. Et lorsque trois jours plus tard, le 30 juin, raconte encore Ancel, « des sous-officiers ulcérés par une telle situation « se perdent » malencontreusement dans cette zone et prennent le soin d’avertir leur hiérarchie de leur (re)découverte, obligeant de fait le commandement de l’opération à monter une opération de secours », il est trop tard, beaucoup trop tard : il ne reste plus qu’une poignée de survivants. Des deux mille survivants de Bisesero, il ne reste plus, trois jours plus tard, que huit cents rescapés. Trois jours plus tard, trois jours trop tard… Alors Turquoise ? Turquoise, opération humanitaire ? Vous avez dit humanitaire ?

Monsieur Juppé,

L’honneur d’un grand pays, l’honneur d’un pays qui aspire à la grandeur c’est non l’arrogance toute puissante et écrasante mais le courage d’affronter ce qui a été fait, ce qui a été commis. Le contraire, avancer, détaler loin des murmures obsédants du passé, le cœur et la raison imperméables à la douleur infligée, esquiver le passé, cela porte un nom : la lâcheté, la lâcheté des hommes. Seriez-vous par hasard irrémédiablement atteint par cette sournoise et honteuse maladie ? Car comment expliquer que face-à-face avec l’histoire du génocide des Tutsis et des responsabilités françaises, vous ayez fait de la négation des faits le sinistre combat de votre vie ? Comment expliquer que devant un malheur aussi extrême, aussi singulier que cette tentative d’anéantissement totale de tous les Tutsis du Rwanda, comment expliquer que depuis plus de deux décennies, aucun regret, aucun remord adressé aux victimes du génocide ne soit ressorti de la sécheresse de votre bouche ? Comment expliquer cette rhétorique, votre obscure rhétorique contaminée par pans entiers par la langue, le vocable négationniste des Bagosora et consorts, ces tortionnaires de la mémoire des morts et des survivants. Car s’il est arrivé que vous parliez de génocide dès le mois de mai, que dites-vous ensuite dès le 16 juin 1994, avec une froideur déconcertante, dans une tribune accordée à Libération ? Qu’il existerait une autre version de l’histoire, qu’il y aurait eu selon vos propres mots « des génocides » au Rwanda. Ainsi d’un trait de plume, d’un trait de votre plume, relativisé, soufflé le génocide des Tutsis et cautionnée, amplifiée la thèse perverse, négationniste du double génocide des tueurs. Glaçant!

Monsieur Juppé,

Les faits sont nombreux, concordants, gravissimes, épouvantables. Des vies sont tombées au Rwanda ; des vies ont été massacrées, effacées ; des Rwandais sont morts de mille morts dans d’indicibles souffrances ; le génocide des Tutsis a bien eu lieu, orchestré, organisé, exécuté par des rwandais entourés, soutenus par des responsables politiques français. Telle est la réalité des faits. Et votre combat, votre acharnement à dissoudre, noyer l’histoire de ce crime dans un sinistre récit opaque, abracadabrantesque ; votre entêtement et volonté de remplacer le réel de l’histoire par un fantasque récit qui ne tient pas debout, ne vous honore pas : non seulement il met sérieusement en question la fiabilité, en général, de votre parole politique, pire, il participe à cette perverse, permanente, interminable guerre faite à la mémoire des morts, à la justice et à l’histoire ; il relève tout simplement du négationnisme. Et le négationnisme, vous le savez très bien, Monsieur Juppé, est plus qu’une tentative de liquidation des faits et de leur sens, plus qu’un mécanisme pitoyable d’auto-défense judiciaire, plus qu’une obsessionnelle volonté de faire taire la voix des victimes pour effacer définitivement les traces de l’inavouable, le négationnisme est une réactualisation continuelle de l’appel à l’anéantissement.

Et où l’honneur de la France dans tout ça ?

18 Commentaires

  1. Il est toujours difficile d’avoir le fin mot de la question rwandaise car qu’elles que soient les erreurs françaises le régime rwandais actuel a intérêt à discréditer la France pour évacuer sa propre part de responsabilité, ce qu’il fait qu’il lance des attaques par l’intermédiaire de ses relais en France. Du coup il est difficile de trier les faits recoupés, des faits qui s’avèrent manipulés, ou mal interprétés. Par exemple: pourquoi cette attaque contre Juppé uniquement à charge alors qu’il est par ailleurs le premier homme d’état à dénoncer le « génocide » en prononçant le mot? De même les membres du gouvernement intérimaire qui ont été reçus à Paris ( dont l’un a été disculpé par le TPIR d’ailleurs, l’auteur « oublie » de le dire ) était-ce pour y être « encouragés » à tuer, ou était-ce pour les pousser à mettre fin à la guerre et au massacres? Vous savez bien que c’est la deuxième option puisque le même gouvernement discute quelques temps après des émissaires du FPR. Ce qu’a fait le ministère de Juppé à ce moment-là est exactement ce que faisait Dallaire pour les Nations Unies, avec les même gens. De même pour Bisesero: comment se fait-il que les gens de Bisesero remercient les Français dans le reportage de Boisbouvier du 1er juillet 1994 et que des attaques contre la France sur Bisesero interviennent à partir de 1998, l’année où la plainte sur l’attentat contre l’avion du président précédent, qui s’ensuivra par le début du génocide? Bien sûr Juppé est un risque pour Kagame car il n’a pas mauvais conscience, vu qu’il l’a tranquille, donc va falloir encore travailler pour le toucher…Ce n’est pas gagné d’avance…Même si ce que je dis ne disculpe pas la France, comme les autres pays, de leur non intervention, elle est là la réelle responsabilité. Mais le vainqueur a trop de sang sur les mains lui-même pour faire la morale…

  2. N’es ce pas que c’est un adage Francais qui dit : » le ridicule ne tue pas »…pour le recent tweet d’Alain Juppé c’est vraiment cinique et je dirai meme completement lamentable.L’honneur de la France??? Hum…il y a une France dont font partie des hommes comme Alain Juppé, arrogante, insensible , inhumaine et qui espere ecraser le « petit » Rwanda de Paul Kagamé.attendons voir, wait and see comme disent les anglais.Nous au Rwanda, nous marchons la tete haute, digne et fiers de nous avoir battu contre cette France completement obscurcie, meconnaissable…pour nous au Rwanda , le fait d’evoquer le role de la France au Rwanda en 1994 suscite de la nosée. Mais l’erreur fut -ce criminelle soit elle dit-on est humaine.Nous n’avons pas de rancoeur contre la France, nous voulons regarder vers l’avenir et batir une relation juste.heureusemt que parmi les Francais il y ades hommes respectables et respectueux des autres peuples qui se levent et exigent la verité sur ce qui s’est reellement passé.

  3. Nous ne demandons pas à Juppé de dire Je. Si l’actuel chef de la diplomatie française réajustait les ponts avec le régime de Damas après que ce dernier eut entamé son épopée barbare et offert l’occasion au fils d’un horrible tyran de tuer le père en décrochant ses propres lettres d’ignoblesse, s’il ventousait le bourreau du Darfour sur la route de l’émancipation postcoloniale et se laissait attirer de bonne foi, monté sur les ergots de l’expiation belle gosse à la gueule de B.A., par l’abomination dans laquelle nous engouffre la planification hideusement lente ou horrifiquement soudaine d’un génocide, nous n’aurions pas l’impudence d’incriminer le seul Jean-Marc Ayrault de la complicité du premier au dernier des ministres du gouvernement dont il est membre, et, faut-il vraiment le surligner, du président de la République, dont les prérogatives en matière de politique étrangère sont d’autant moins dédaignées par un chef de l’État pris dans l’étau d’une cohabitation, lequel aura tendance à redoubler de concentration sur la dernière zone de pouvoir qui lui reste suite à la défaite de son camp aux dernières législatives. Il faut donc percevoir le portrait gakunzien d’Alain Juppé comme la représentation d’une forêt tropicale masquée par un baobab dont le tronc en gros plan déborderait du cadre. Mitterrand fut le premier responsable des crimes que l’on est, plus qu’en droit, en devoir d’imputer à la France de 1994, la nature de ces crimes n’excédant pas celle de leurs formes et de leurs fonds. C’est ainsi, le Rwanda ne peut pas accepter de normaliser ses relations diplomatiques avec une France négationniste, or la France a plusieurs fois changé de têtes depuis Mitterrand-Balladur. Si le Parti socialiste s’est, à juste raison, inquiété de l’instrumentalisation qu’auraient pu faire ses adversaires dudit droit d’inventaire, le remuement de la merde historique ne concerne pas le seul rejeton de la SFIO ni la seule question antijuive. Nous n’énumèrerons pas ici les nombreux crimes d’État, crimes de guerre et/ou crimes contre l’humanité qui — limitons-nous à l’après-Clovis — n’épargneront pas les trônes successifs dont se doteront les Francs, nous qui les intégrons, nous qui les ruminons, nous qui les dégueulons et ravalons les gros morceaux, du moins autant que nous supportons de faire ce qu’il faut qu’homme fasse s’il ne veut point cesser de l’être. Pour autant, comment reprocher à l’outrageur auquel nous aurions fait subir l’outrage du déni, ou pire, de la diffamation, de décharger sur son persécuteur l’infâme cargaison qu’il lui ferait remorquer. Juppé s’enlise lorsqu’il renvoie dos à dos les exterminateurs et la violence légitime des objets du martyre. Il nous rappelle un ancien franc-tireur du late-night show de France 2 qui, contrairement à son successeur, avait du mal à viser juste. En parlant d’équivalence criminelle entre les deux camps, l’incontrôlable était allé jusqu’à insinuer qu’Alija Izetbegovic avait mis en place une politique d’épuration ethnique à l’encontre des Serbes, restant sourd au plaidoyer d’un acteur du conflit, un certain Bernard-Henri Lévy — «Encore lui?!» — qui ne désespérait pas d’apprendre au petit reporter de guerre que le numéro 2 du régime bosnien de l’époque était, contre toute attente, un sectateur du Christ. Il se peut que Juppé redoute qu’un Rwandais lambda revienne le désigner comme ayant été le concepteur du génocide dont ce dernier chercherait à exonérer une partie de sa population en vue de faciliter une impossible réconciliation nationale. Ce faisant, prenant le risque de se CARbONISER, Juppé accuse tous ceux qui ont pris fait et cause pour le peuple martyre des Tutsis de s’être rendus complices d’un peuple génocidaire. Sortons-le de la tourbière! Si Juppé fut la France, la France ne s’est jamais conjuguée au passé. La France ne peut plus ne pas dire qu’elle a tardé à comprendre que les tyrans étaient des tyrans, sans quoi elle se condamne à avouer qu’elle cautionna la tyrannie. Imaginons, aussi infondée que puisse être la permutabilité des personnalités de John Fitzgerald Kennedy et Juvénal Habyarimana, que la thèse selon laquelle JFK a été criblé de balles par les tueurs de Castro soit enfin validée. Imaginez maintenant que Johnson ait mis la main sur une pièce à conviction accusant Cuba. Fermeriez-vous les yeux sur une uchronique opération punitive des USA qui aurait consisté dans l’équarrissage systématique des Cubains de tout sexe et de tout âge? La France n’a pas vu clair. Il est possible qu’elle n’ait pas voulu voir ce qu’elle voyait. Qu’elle ait détourné son regard au nom du sacrosaint principe onusien de rétablissement de l’ordre intersouverainiste. Ce serait plus grave mais pas inhabituel. Aussi, que la France, en son âme et conscience, se décide à parler [au peuple qui la peuple (comme à un être à part entière)]! Nous sommes un peuple adulte, capable de reconnaître nos erreurs et réparer nos fautes, à l’image de nos responsables, j’entends par là ceux qui se montrent conscients qu’ils le sont.

  4. Pour condamner les nazis , on n a pas eu besoin d un document signe par Hitler …les faits sont la. , tetus …Merci David

  5. Si ce que Monsieur le journaliste a ecrit est vrai, fallait-il que M. ALLAIN Juppe s’en explique

    • Je voudrais dire une chose,la France a fait ce qu’elle pouvait faire dans cette situation chaotique.Les dirigeants du FPR de l’époque et ses alliées ont demandé à l’ONU de retirer la MINUAR alors que les massacres faisaient rage. J’ai entendu dans les médias Mr KAGAME,actuel chef de l’état rwandais à ce moment chef rebelle,menaçait la MINUAR de quitter le Rwanda pour qu’il puisse rétablir l’ordre à Kigali au lieu de demander de l’aider à protéger les populations qui étaient en danger.
      Par ailleurs,les dirigeants des ex-FAR ont demandé à maintes reprise au FPR un cessez le feu afin qu’ils puissent sécuriser les populations et le FPR a refusé catégoriquement.
      Dans cette sale guerre de conquête du pouvoir,le FPR et ses alliées devraient reconnaître leur responsabilité.
      Quant à Monsieur Alain JUPPE ,je ne vois pas pourquoi les s’en prennent à lui. Monsieur JUPPE n’a pas empêché les rwandais de mettre en application les accord de paix d’Arusha,ce n’est pas lui qui a abattu l’avion du président HABYARIMANA de même ce n’est pas lui qui a fait achemine des armes au sein du CND .

  6. LES GENS SONT DES INNOCENTS JE VOUS JURE! CEUX QUI DISENT QUE LA FRANCE ETAIT LE PREMIER A DEMANDER D’ALLER INTERVENIR AU RWANDA PENDANT LE GENOCIDE DES TUTSI NE SAVENT PAS QUE LA FRANCE NE VISAIT QU’ARRETER LA PROGRESSION DU FPR.
    VOILA AUJOURD’HUI LA MEME FRANCE VIENT DE DEMANDER UNE AUTRE FORCE DE 20 POLICIERS SOIT DISANT POUR ARRETER LE GENOCIDE DES TUTSI BURUNDAIS. LA QUESTION QU’ON PEUT SE POSER « EST CE QUE CET EFFECTIF PEUT INTERVENIR SUR TOUT LE TERRITOIRE DU PAYS »? CETTE INTERVENTION N’A AUTRE OBJECTIF QU’AIDER NKURUNZIZA ET SA CLIQUE A EXTERMINER LES TUTSI ET SES OPPOSANTS HUTU SOUS LA COUVERTURE ONUSIENNE.
    C’EST MALHEUREUX!!!

  7. Arrêtons de culpabiliser les autres, c’est l’envie de prendre le pouvoir qui est à la base de toutes ces morts. Nous devons faire un effort pour que çà ne se répète plus.

  8. En 1994, à l’ONU, seule la France a demandé aux grandes puissances d’aller secourir les Rwandais. La France n’a trouvé aucune autre grande puissance volontaire d’aller au secours des Rwandais. Ainsi seule la France est intervenue au Rwanda pendant le génocide et elle a sauvé des milliers des tutsi. C’est un fait. Aucun soldat français n’ a tué, aucun soldat français n’a incité personne à tuer. C’EST UN FAIT INDENIABLE. C’est insensé de prétendre le contraire pour des raisons politiciennes. Rappelons que Alain Juppé a été le premier à dire que les massacres d’avril au Rwanda étaient un génocide. Il faut arrêter l’intoxication.

    • Juppé a été l’un des premiers à dénoncer le génocide certes, mais pourtant il n’a pas révélé les informations qu’il avait, il a déformé les faits, pour éviter qu’on le mette en porte à faux…

  9. Il faut rendre hommage aux Rwandais qui ont su reconstruire leur pays après une telle période de dévastation.

  10. Toujours la même rengaine, année après année… Les politiques en place lors du génocide doivent enfin reconnaître leurs responsabilités, leur aveuglement voire leur caution et leur participation dans cette entreprise ignoble. Vingt deux ans après, il est temps d’avoir un discours constructif. La France et la communauté internationale n’ont jamais accepté de reconnaître leur abandon des Tutsi à une mort certaine. Chaque jour, et en particulier en ces temps de commémoration, on ne fait que perpétuer les souffrances d’un peuple tout entier en s’obstinant dans la négation. Alain Juppé est le premier à souiller l’honneur de la France avec ses propos mensongers. Rendons son honneur à la France et surtout au peuple rwandais, pour une reconstruction nécessaire.

    • LE FAIT INDENIABLE …
      Les militaires français ont participé aux combats contre le FPR dans le Nord du Rwanda. Entre 1990 et 1993.
      Ces militaires étaient présents et contrôlaient les cartes identité avec mention ethnique, hutu tutsi twa. Ils demandaient les CI pour pouvoir séparer les tutsi des hutu. Après ils livraient les tutsi « espions » aux militaires ou milices pour qu’ ils les exécute. Souvent sur place.
      Ils ont violé des filles (c’est maintenant officiel des violeurs ). Il est né bcp des métis dans la région où se trouvait la zone turquoise.
      Etc. Il y a des tas de choses horrible…

  11. La responsabilité d’Alain Juppé n’est plus à démontrer… Ce n’est pas en déclarant encore et toujours les mêmes contre-vérités qu’il marquera des points pour la présidentielle !

  12. La commémoration du génocide devrait être un temps de recueillement, de paix et d’hommage aux victimes. Nous devons tirer les leçons de ce massacre. Le spectacle que nous offrent les politiques est lamentable.

  13. Ces échanges ne sont pas dignes du rang qu’ils prétendent occuper.

  14. Alain Juppé fait mine de ne pas comprendre, il sait qu’il a des choses à se reprocher, alors il se réfugie derrière la France.