Le 4 novembre dernier, le coach d’une équipe de foot s’épanche dans une vidéo mise en ligne par un grand quotidien régional. Le ton docte, il parle, il parle, il parle et il en dit des choses. C’est ainsi qu’on apprend qu’il existerait un « joueur typique africain… ».  Oui, entendu, bien entendu : joueur typique africain ! En somme Mister Georges Weah, Jay Jay Okocha, Salif Keita, Basile Boli n’existeraient pas. Pas plus que Laurent Pokou, Abedi Pele, Claude Makelele, Captain Vieira, Steve Mandana. Il y aurait un joueur typique africain : corrélation, correspondance automatique, génétique entre l’origine géographique, la pigmentation de la peau et jeu développé ! Essentialisation ! Racialisation ! Hiérarchisation raciale !

Oui, hiérarchisation raciale : car Sagnol heureux de dispenser à tout vent sa science des hommes et du jeu affirme ceci sans détours : « Le joueur typique africain (…) est un joueur qui est prêt au combat généralement, qu’on peut qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça. Le foot c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline, il faut de tout. Des Nordiques aussi. C’est bien les Nordiques, ils ont une bonne mentalité ».
Il y aurait donc d’un côté le bon footballeur nordique intelligent et technique et de l’autre notre footballeur typique africain dénoué de cortex. La cervelle serait nordique et le muscle black ! Le footballeur typique africain ? Des pectoraux, des cuisses, de la matière brute aux capacités intellectuels génétiquement limitées et imperméables à l’intelligence tactique. Notre footballeur typique africain sait, évidement, très bien courir, taper, taper fort dans le ballon, mais penser, que dites-vous, penser ? Au-dessus de ses moyens ! Car, voyez-vous, penser est ontologiquement réservé aux autres, à d’autres.
Réaction de Thuram, aux propos tenus par son ancien co-équipier en équipe de France : « Je ne comprends pas. Je suis déçu : Malheureusement, il y a toujours eu des préjugés sur les personnes venant d’Afrique, les personnes qui sont noires ; on les enferme toujours dans leur force et on nie chez eux une certaine intelligence. Ces propos de Sagnol confortent ces préjugés-là ». Claude Le Roy entraîneur globe-trotter est plus tranchant : « Ça me paraît incroyable qu’on puisse entendre ça. On a l’impression qu’il a pris Eric Zemmour et Patrick Buisson comme conseillers en communication. C’est du racisme sous-jacent. Ça fait peur. »
Et du côté des instances supérieures du football hexagonal ? Quelles réactions ? Indignation ? Révolte ? Dénonciation ? Sanctions contre le sieur Sagnol ? Non, hélas non : esquives, parades, refus de nommer le racisme, racisme : Willy Sagnol n’aurait en définitive pas dit ce qu’il a dit ; Willy Sagnol serait d’ailleurs tout sauf raciste ! La preuve ? Le brassard de capitaine des Girondins de Bordeaux confié à Lamine Sané, un international sénégalais. Réactions d’un ridicule classique : « Je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir ; je ne suis pas un antisémite, j’ai un ami juif ».
Sagnol aurait donc été mal compris… Le pauvre ! Au pire, nous dit-on, il n’aurait commis qu’une maladresse verbale. Sa langue aurait malencontreusement trébuché. Le racisme ne serait en somme qu’une bévue ! Non, désolé, le racisme n’est point une simple goujaterie ; le racisme est une saloperie, une barbarie, une atteinte à la dignité humaine. Et nul besoin d’être un Malan théorisant la ségrégation raciale en Afrique du Sud ou un membre du Klan en Caroline du Sud pour se perdre dans les méandres et les impasses du racisme.
Les propos de Sagnol sont tout simplement inacceptables d’autant plus qu’ils sont symptomatiques d’une société qui dérive chaque jour un peu plus vers un racisme de cave qu’on croyait périmé. Un racisme qui agresse, offense, humilie et expulse hors monde ses victimes ; un racisme qui enferme des hommes réels dans des catégories biologiques fantasmées ; un racisme aujourd’hui revendiqué, assumé sans aucun complexe. C’est qu’il semble désormais permis dans ce pays de rosser verbalement, d’inférioriser, d’animaliser les Noirs. Un jour, c’est Taubira renvoyée au monde des singes, un autre jour c’est moi-même sommé par un éditeur parisien ayant pignon sur rue d’aller vendre des bananes, et aujourd’hui c’est Sagnol et son joueur typique africain.
Le constat est plus que désolant : le racisme n’est plus insidieux, diffus, dilué, indiscernable, inavouable, sans visage ; il s’affiche désormais publiquement, ouvertement à haute-voix. On ne se cache plus, on ne murmure plus son mépris et sa haine d’autrui emmuré chez soi, portes et fenêtres fermées. On crache ses saloperies, le torse bombée. C’est que le racisme n’est plus vécu comme une maladie honteuse.
Une interrogation : comment en est-on arrivé là ? Comment expliquer cette dérive, l’expansion de cette lèpre ? Comment se fait-il qu’on peut aujourd’hui presque naturellement, devant micros et caméras proférer des abominations en toute bonne conscience ? La société française serait-elle  devenue un lieu gangrené par le mépris et la haine d’autrui ? Le racisme serait-il en train de devenir l’apparat de nos rêves ? Qu’en est-il, que reste-t-il de nos repères éthiques ? Serions-nous devenus – vidés de toute force de pensée critique – si diminués dans notre devoir de fraternité ? Et quel est donc ce pays que nous serions en train de construire troué de relents nauséabonds d’autrefois ?
Surtout ne pas se taire. Car le racisme s’installe et prospère toujours là où les consciences sont mises en abîmes, le silence devient l’étendard du jour. Ne pas se taire. Car si le racisme blesse ; le silence de ceux qui voient et ne disent rien fait tout autant mal aux victimes de cette abomination. Ne pas se taire. Car se taire c’est couvrir l’inacceptable ; c’est trahir ces liens humains qui nous lient les uns aux autres dans la pluralité de notre humanité. Ne pas se taire ; trouver les mots pour dire, redire, affirmer, réaffirmer la beauté et la pluralité de notre monde célébré par ce chant des supporteurs d’Arsenal en hommage au Captain Viera – joueur typique africain dirait Sagnol –, soulevant des trophées à Londres : « Vieira, oh oh oh, Vieira, oh oh oh ! He comes from Senegal. He plays for Arsenal. » Oui, nous existons les uns par les autres. Ne pas se taire ; ne rien laisser passer ; témoigner ; riposter. Refuser l’impunité.

6 Commentaires

  1. Chasse aux sorcières ? Mauvaise interprétation ? Le racisme est bien moins présent dans le milieu du football que dans la société civile, mais devant la belle opportunité de faire sonner les trompettes de cet anti-racisme qui se nourrit du racisme, les petits soldats de la bien-pensance s’emparent de cette non-affaire pour jouer les pères la morale. Une fois de plus…

    M. Sagnol ne dit pas que le footballeur africain n’est pas intelligent, mais qu’il est physique et puissant. Est-ce faux ? Non… Bien sûr que non… Puis il continue, disant que le foot ne s’arrête pas à ces qualités : « Le foot, ce n’est pas que ça ».

    Mais devant l’opportunité de se faire censeur, on associe les 2 bouts de phrases, on les mélange, et en effet les propos détournés deviennent alors intolérables. Sauf que M. Sagnol ne les a pas prononcés.

    Beaucoup de bruit pour rien donc, les propos incriminés étant tout au plus maladroits. Tout comme l’est l’article de M. Gakunzi.

  2. P.-S. : Je ne voudrais pas que les ennemis de mon entité fantasmatique en tirent la conclusion, eu égard au souci que j’accorde au fait que les droits de l’homme soient respectés par tous les hommes, que je n’approuve pas la plainte portée contre M. Sagnol par SOS Racisme. Mon indignation est aussi large que mon objectif. C’est pourquoi je le répète. Si malgré tout ce qu’il nous révèle de lui, le néonazi Dieudonné M’bala M’bala est demeuré «très fort» aux yeux d’anciens amis qui lèvent la main, crachent par terre, et jurent qu’ils ne sont pas antisémites, cela ne peut s’expliquer que par le fait que ce salaud, au sens sartrien du terme, continue d’incarner une noble cause dont un nombre suffisamment important de nos concitoyens, et c’est bien là ce qui me préoccupe, sont persuadés qu’ils la trahiraient s’ils ne le soutenaient plus.

  3. Ils identifient les Noirs avec les grands primates, croyant ainsi les enfoncer à un stade inférieur de l’évolution des espèces. Pauvres incultes! Homo sapiens est lui-même un primate. Mais cher monsieur, vous savez qu’il existe des primates dépourvus d’intelligence, on appelle ça des singes + Hi! hi! hi! hi! Hi! hi! hi! hi! ad lib. = Soit, continuons. Imaginez-vous qu’une bête sauvage puisse évoluer, à un rythme sans doute bien plus lent que le nôtre, mais tout de même, évoluer, comme n’importe qu’elle autre espèce animale, évoluer et durer à travers les millénaires, durer et démontrer par la même de son évolution, pensez-vous, dis-je, qu’un être vivant et viable ait pu ainsi incessamment se dépasser de sorte qu’il survécût aux petites et grandes catastrophes qui rythment la marche du monde sans posséder, a priori, une once d’intelligence? Mais revenons à Homo. Homo est dit sapiens pour la raison que, par-delà ce que nous apprend le génome, dès qu’il y a l’homme, il y a discernement, méthodologie, transmission, maîtrise et discipline, maître et disciple. L’homme fait compréhension de ce qu’il est appréhension, connaissance de ce qu’il est naissance. Il ne saurait y avoir d’homme sans raison. Il n’est pas de raison qui ne critique ses propres mécanismes. Le raciste voit un Noir. Il lui dénie sa propension à transvaser la technique, l’intelligence ou la discipline mises au point par la succession épiphénoménale de l’Homo perfectibilis. Il voit un Noir et s’enferre dans le déni d’évidence à propos du fait universellement établi que, dès le principe, un homme est un homme. Le Noir enfermé dans le cachot pulsionnel, incapable de dominer ses instincts, ce stéréotype ne trace pas une ligne blanche entre plusieurs civilisations humaines aux cultures dissonantes, il s’entête simplement à décréter que l’homme africain n’est pas identifiable avec l’homme. Il ne hiérarchise pas les races après avoir racialisé le genre, ce qui nous renverrait déjà au stade gobinien de l’anthropologie où l’on trouve des inepties telles que «la suprême joie des Africains, c’est la paresse, leur suprême raison, c’est le meurtre», mais, ce qui est beaucoup plus grave, il parvient à déposséder certains humains de la raison elle-même pour octroyer leur attribut spécifique, ce halo d’humanité pourtant si reconnaissable, à un seul d’entre ces grands sous-groupes… savoir le sien propre. Ça en ferait presque tressaillir notre comte national comme au temps où il prenait ses distances avec une Gobineau-Vereinigung trop éponyme pour ne pas être devenue wagnérienne, laquelle belle saloperie avait troqué le pessimisme résiduellement raisonnable de sa théorie crasse pour un optimisme virant au maximisme, assoiffé d’épuration, prêt à pulvériser tout ce qui ferait obstacle à l’éjaculation synchronisée de sa germanité. La Ve République ne saurait tolérer une telle entorse à la règle de trois de Lévi-Strauss et de Lacan. La Ve République vomit les noces incestueuses de Charles de Gaulle et de Philippe Pétain célébrées par l’inconscient collector du Juif néovichyste Éric Zemmour qui, lorsqu’il mate l’équipe de France de foot, voit un réseau terroriste dormant. La Ve République ne permettra pas que MM. Soral et M’bala M’bala découpent la peau du général de Gaulle pour s’en faire un manteau près du corps prenant les formes d’un Thor causé à la réconciliation nationale, cette fois, avec les foutus indigènes de son empire fantôme auxquels il continue, d’une manière plus perverse, de fouetter le sang, pourvu que cela lui permette de repousser grâce à leur aide précieuse, dans le bûcher du Saint-Office, le virus Ebola Cohen. Les damnés de la Terre que le SS-Coco soumet au test de la brosse à reluire seront les premiers sur qui rouleront les Panzers du IVe Reich. Soral a déjà trouvé son Noir honteux, l’Idiot utile n°1. O’brothers, vous n’allez tout de même pas seconder un second!
    Contrairement à Sagnol, Soral sait ce qu’il pense, Soral sait ce qu’il fait, Soral sait ce qu’il contrepense, Soral sait ce qu’il contrefait. Les Africains qui ont pris pour modèle son médiocre reflet affamé de flatteries l’on suivi dans le précipice d’un nouvel esclavage, ils se sont laissés persuader qu’il n’y avait pas plus fort qu’un Zemmour camerouno-breton pour défendre leur cause quand personne mieux que lui n’a réussi à la discréditer. Les Africains ont eu, ont et, craignons-le, auront de multiples contempteurs minables, pour autant, il ne fait aucun doute que le pire ennemi des Noirs, aujourd’hui, est un Noir. Et je l’entends déjà retourner le compliment à son bouc émissaire, visant Netanyahou, visant BHL, visant cette «salope sioniste» de Valls. Je le vois déjà, la quille en érection, le mât entre les jambes labourant le grand fond : «Le pire ennemi des Juifs, aujourd’hui, est un Juif.» C’est tout le problème avec les faibles. Ils ont toujours un métro de retard, et au moment où il arrive, ils pestent sur le mauvais quai.

  4. Excellent! La réponse la plus intelligente que je n’ai jamais lue sur cette ignominie. Je partage tout de suite. Merci David GAKUNZI.

  5. Lorsqu’une fédération nationale ne s’insurge pas sur la nature de propos negrophobes et connotes raciale ment
    Et qu’on s’évertue à victimiser le pyromane , il faut bien croire que le ventre mou de la contestation c’est la fédération
    Sagnol sait ce qu’il dit , l’affaire des quotas à été un préalable suffisant , tant que l’occident croira qu’il a le droit de définir l’autre en : meuble , puis en ‘´anihomme’´( trouvaille sinistrement spontanée )nous serons les témoins
    Hébétés de postures ambiguïes

  6. Ou peut-être qu’il voulait juste évoquer les différentes méthodes d’entrainement entre les écoles africaines (favorisant les joueurs physiques), ou européennes (qui privilégieraient la technique)..