Chère Balaclava,
Chère Serafina,
Je ne connais pas vos noms. Je ne connais que vos pseudos. Et je sais que vous étiez là, le 21 février dernier, à la cathédrale du Christ Saint-Sauveur de Moscou, quand Maria Alekhina, Nadezhada Tolokonnikova et Ekaterina Samoussevitch ont été arrêtées par la police de Poutine.
Vous vous êtes enfuies ce jour-là. Face à l’iniquité prévisible du procès qu’allait intenter l’État russe, voyant ce qui était déjà en train d’arriver à vos trois camarades arrêtées et qui comparaissaient devant le tribunal, apprenant qu’elles étaient condamnées au terme d’une mascarade de procès à deux ans de camp pour une simple chanson, vous avez plongé dans la clandestinité, vous avez estimé qu’il était prudent, raisonnable et, au fond, juste de quitter carrément la Russie – et vous avez eu bien raison. Un grand poète français, Charles Baudelaire, proposait d’ajouter à la liste des droits de l’Homme le droit de « s’en aller » – c’est ce que vous avez fait, car vous n’aviez pas le choix et aucune femme, aucun homme, épris de liberté ne peut vous donner tort!
Nul, à l’heure où nous vous adressons ce message ne sait pourtant où vous vous trouvez ni même si vous avez vraiment réussi à quitter le territoire de votre pays. Et ces mots que nous vous envoyons telle une bouteille à la mer ou, plus exactement, sur le web, ces mots de solidarité et d’amitié dont nous espérons que beaucoup les relaieront, nous ignorons s’ils vous parviendront, quand et comment vous en aurez connaissance, ni si vous serez en mesure d’y répondre.
Le voici, tout de même, ce message.
Nous vous disons, d’abord, que vous avez ici, à La Règle du jeu, la revue littéraire dirigée par l’écrivain français Bernard-Henri Lévy, des écrivains, des penseurs, des artistes, qui ont été, depuis le premier jour, parmi vos indéfectibles soutiens. Bernard-Henri Lévy a lui-même lancé, dès les premières heures suivant l’arrestation de vos trois amies, un appel à reprendre, répercuter, buzzer votre « prière punk ». Il a dit : « puisque Poutine s’est senti ridiculisé par ces cinq jeunes chanteuses, eh bien couvrons-le de ridicule, ensevelissons-le sous le ridicule, en faisant de cette prière un best du web ». Il a été entendu.
Nous vous disons deuxièmement que, si vous sortez vraiment de Russie et si cherchez un lieu pour souffler, être à l’abri, réfléchir à votre stratégie ainsi qu’à la défense de vos camarades emprisonnées, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que vous soyez les bienvenues à Paris. Nous nous adresserons aux dirigeants français afin que vous soyez accueillies dans la patrie des Droits de l’Homme. Nous vous mettrons en contact avec des avocats amis de la Revue qui réfléchiront, avec vous, aux moyens légaux permettant, en Russie et hors de Russie, à vos camarades de voir leur peine supprimée. Nous vous aiderons à introduire, par exemple, un recours près la Cour européenne des Droits de l’Homme. Et nous organiserons une collecte permettant à vos amis français, très nombreux, de vous loger, de subvenir à vos besoins et d’assurer votre sécurité ainsi que votre anonymat, pendant les quelques semaines où vous jugerez bon de rester parmi nous.
Et puis, enfin, la Revue mettra ses moyens en oeuvre pour vous permettre de vous adresser à vos amis français à la manière qui est la vôtre et qui est, sans doute, la plus efficace: en musique. Un concert des Pussy Riot à Paris! Le concert de la cathédrale du Christ Saint-Sauveur repris, réorchestré, amplifié, à Paris! Quel pied de nez à Poutine! Quel acte de liberté! Venez – nous nous chargerons du reste.
Avec le nom que je porte SVOBODA , je ne peux qu’adhérer à votre cause .
Je souhaite que vous soyez libres pour vous défendre et donner un concert à Paris prochainement
Marie Svoboda
La Pussy Riot doit être canalisée à proportion du déchaînement dont une émeute se régénère. Ses figures emblématiques ont pris qu’elles le veuillent ou non la tête d’une grande armée. De quoi sont constituées leurs troupes? Contrairement à ce qu’on en attendrait, l’émeute des bouches du ventre ne sera pas mutique. Elle est déjà aussi bruyante qu’un accouchement peut l’être. Or le principe d’un accouchement est bien de mettre au monde un être différent que celui qui met bas. Si Tolokonnikova parle d’or, elle et ses codétenues ont fait l’objet d’une parodie de justice digne des «troïkas de l’époque de Staline». Tous les Russes ont toujours su que la démocratie ultralibérale avait tué leurs espérances de voir naître un jour une démocratie libérale, et donc, sociale au pays de la Révolution trahie. L’émeute devra surprendre comme un autre archipel avait vu un Papillon à la barbe tolstoïenne revenir à la nage de l’un de ses îlots inaccessibles, prisons d’une barbarie qui vous ferait regretter l’état sauvage, peuplées de dissidents, de gardiens et de blatnoï, ces truands caractéristiques des périodes fascistes qui exécutent les basses besognes pour le pouvoir en place. L’accouchement de la Russie Libre passera par un Soljenitsyne, ou mieux, plusieurs Soljenitsyne, une éruption, une épidémie impossible à contenir de Soljenitsyne. Mais il n’y a pas de basculement possible sans pivot. Et pour qu’il y ait un Pivot, il faut risquer de déboulonner les vis cachées de la plateforme inamovible. Viser le PAF au milieu de la face perdue. En d’autres termes, il faut aller le chercher. On ne propose pas un Polac, on l’impose. Mais j’entends déjà mille Pola s’entretirer le portrait, convaincus qu’ils sont de disposer de l’objectif qu’il faut. On ne vous demande pas d’être objectifs. On vous demande d’être libres. De ne pas vous laissez tyranniser par vous-mêmes. De vous surprendre bien avant nous. De ne pas être de votre temps. De ne pas frimer. De ne pas même savoir ce que cela pourrait vous rapporter. D’être autre part avant que de prétendre pouvoir nous y emmener. De décaler la perception des choses. De ne pas même vous rendre compte que vous déplaisez tant la seule chose qui compte à vos yeux c’est de pouvoir enfin faire ce qui vous plaît… aller au Découvrement.
Les membres écartelés de Pussy Riot vont devoir se ramasser. Soit ils montent sur scène, et le big large thing qu’ils deviennent involontairement fera d’eux des stars mondiales instantannées. Alors, à moins qu’ils ne soient tentés par un destin tragique, ils s’arracheront leur image politique et s’en tiendront à la politique de l’image. L’image de Ladies Gagarine pop-punk représentant en soi, qui sait, l’arme anti-Poutine absolue. On ne devient pas sex-symbol dans l’objectif d’attirer une population sexuée vers son bord politique sans d’un coup virer populiste. Lennon était Lennon avant de se dylanniser. Dylan sut revenir à lui au moment où il tournait de l’œil vers King, c’est pourquoi il passa au travers de cette rafale de dingues qui voudra obtenir confirmation de la nature divine de ces idoles de 3e génération, ces divinités non seulement mobiles et parlantes, mais porteuses de messages dont le messianique et soudain dépaquetage l’impactait, en leur tirant dessus à bout portant. Cendrillon à la perruque d’argent ou le dormeur de Friar Park embrasseront en léger différé le destin de Lennon.
Les infidèles ont peur des femmes qui montrent leur vagin à d’autres hommes qu’eux. Il faut que la chose reste leur chose. «Nettoie la maison et écarte les jambes.» Andrea Dworkin résume ainsi l’unité sociale reposant sur le pouvoir d’un seul au sein de la sainte institution du mariage. Des mutations monodéifiques de l’anthropomorphisme lingual au contact de l’anthropomorphisme littéral.
La chasse à la chatte est ouverte. Ces messieurs en attrapent une et la conduisent jusqu’au rabbin qui rumina le premier B de la première KABBALE avant que d’en régurgiter un I raide par le double n d’un minuscule tunnel (entrée immédiate; sortie immédiate). Leur intention : provoquer une excitation chez ledit Tiers divin qui se propose de nourrir avec rien que soi tous les pécheurs disposés à le suivre. Ils la placent debout, au milieu, et ils lui disent : «Rabbi, cette femme a été surprise en flagrant délit d’émeute de chatte. Dans la Tora, Moshè nous a prescrit de lapider celles-là. Toi, donc, qu’en dis-tu?» C’est la cérémonie des eaux amères, mais les Sopherîm auxquels Iohanân fait ici allusion feraient davantage penser à des souffleurs de Tsadoukîm qu’à des aspirateurs de Peroushîm, moins accrochés qu’ils sont à l’herméneutique sainte qu’à la semelle de leur lettre. Leur obsession tourne autour de ce Pseudieu qu’ils poussent à transgresser Sadite loi. Vous pigez… Ils cherchent à le piéger. 1/3 se penche, et de son doigt, il écrit à terre. Sans doute un rituel judéo-vaudou. Tandis qu’ils le lapident de questions, le Retourneur d’âmes leur lance : «Celui d’entre vous qui est sans faute, qu’il jette le premier une pierre sur elle!» Il se penche de nouveau et il écrit à terre. Les popes vladistes entendent et sortent, un à un, à commencer par les plus vieux, autrement dit, ceux qui ont le plus grand nombre de péchés à leur actif. 1/3 demeure seul, et deux femmes sont au milieu. Il se redresse et leur dit : «Punkettes, où sont-ils donc? Personne ne vous a condamnées?» Elles disent : «Pas un, Adôn!» Je crois que n’importe qui à leur place aurait troqué l’essentiel pour un mec aussi existentiel. Alors 1/3 leur dit : «Moi non plus, je ne vous condamne pas. Allez, et désormais, ne chattez plus!»
L’évangéliste aura voulu prévenir les émeutières de ce que la toile d’araignée mondiale était bel et bien la seule entité à pouvoir capturer un serpent de l’espèce qui leur filait au train, à condition que ce dernier continuât de la traiter par le mépris et fût tenu dans l’ignorance de la nature vorace de sa tisseuse cachée.
Les Seraphîm n’ont pas de vagin. Mais il n’ont pas davantage de pénis. Les reconnaîtriez-vous sous la forme qu’ils prennent afin de se montrer aux yeux fragiles qui ne souffriraient pas un face à face avec les protecteurs brûlants des 3/3 pour «Lequel» ils assurent qu’ils se couperaient en quatre? Un séraphin a dû fuir un lieu saint. Or tout ce qu’il fait a vocation à protéger le Lieu. Une balaclava tricotée serré couvrait sa tête bien faite. Rappelle-toi, Vladimir, la charge de la brigade lancée à la légère sur Balaklava!
S’il y a bien un droit dont l’époux polygame de la Vie et de la Mort était dépossédé, c’est celui de vie et de mort sur ses meufs et ses mômes. Autant dire qu’en adoptant la monogamie, le pater familias romanisé (à distinguer du genitor quand même les deux se recouperaient) n’y perdait pas au change. Et si l’Édit de Théodose lui reprit ce qu’on lui avait donné, il est des privilèges auxquels un subhomme ne renonce jamais. Ce verset solitaire tire mes nerfs comme les fils d’un géant mécanique de la Royal de Luxe. U était un garçon de quatre ans lorsque je rencontrai ses parents. Ma famille devint pour la sienne une seconde famille. Ses parents avaient quitté l’Ukraine à l’époque où les Juifs de l’ex-URSS atterrissaient à Tel Aviv armés de masque à gaz. De père juif et de mère chrétienne, U symbolisait l’antidote au racisme chrétien. Deux ans plus tard, nos trois amis organisent un voyage au centre de la terre ancestrale ayant pour but de présenter l’enfant aux parents de l(a mère). Nous nous faisons une joie pour eux, mais d’abord pour le petit, qui s’en va de l’avant vers l’amont. Prévenus de leur rentrée en exil, je tendais l’oreille au beffroi ambulant des huskies, – cliché, vous me direz, je ne vous le fais pas dire, – voici les premiers mots de (l’U) à la bouche en I-D ou I arqué : «Tu sais, les Juifs, ils sont méchants. Ils ont tué Jésus.» On dit souvent que les chrétiens ne sont plus les mêmes depuis Vatican II. On oublie juste de préciser que catholicité n’est pas seule chrétienté. Vous trouvez peut-être que je ramène tout au même sujet? moi qui attends depuis si longtemps qu’on ne m’y renvoie plus à tout bout de champ… que Philarète de Kiev ne soit plus un ex-contrôleur du KGB dans l’Église… que lesdits salauds de Juda n’aient plus pour calomniateurs communs Kirill de Moscou et Ali de Téhéran. C’est ma prière sioniste anti-Kirill. Osons-la! Ma prière féministe anti-Khamenei. L’une ne va pas sans l’autre.
Qui a dit que la femme était le nègre du monde? À première vue, ça marche aussi avec la bête noire de Cyrille d’Alexandrie, Père s’il en fut de l’Orient. Et si tous les chemins reviennent de Rome après y avoir mené, je crois qu’on peut le dire à présent… La femme est le youpin du monde.
Jeudi 6 septembre 2012 dans le Nouvel Observateur :
«L’État a l’obligation de protéger les sentiments des croyants», a déclaré Vladimir Poutine, interrogé par la télévision Russia Today sur la condamnation à deux ans de camp des femmes du groupe punk Pussy Riot après une action anti-Poutine dans une église.
«Elles ont d’abord été dans l’église Elokhovskaya et se sont livrées à un véritable sabbat, puis elles ont été dans une autre église pour se livrer à un nouveau sabbat. (…) L’État a l’obligation de protéger les sentiments des croyants».
Peut-on, à votre avis, considérer l’emploi du terme «sabbat», lorsqu’il est attribué ici à de la sorcellerie et associé au culte de Satan, comme diffamant un jour dont la commémoration rituelle de la sainteté qu’il revêt aux yeux des croyants constitue l’un des dix grands commandements de leur sainte Loi, et au-delà de ce jour, à la religion-mère dans le reflet de laquelle a sauté à pieds joints Déméter sous forme de Théotokos?