Maintenant ça suffit. Ça suffit les interminables palabres diplomatiques qui débouchent tout juste sur des déclarations. Ça suffit les tergiversations, hésitations, atermoiements. Ça suffit de laisser les Syriens se faire massacrer sans rien faire ou presque.
Nous savons ici tout ce qui se passe à Homs, en particulier dans le quartier de Baba Amr, ultime bastion de la résistance aux troupes déchaînées du monstre Bachar al-Assad. Comment, vous ne savez pas ? Vous n’avez donc pas lu les reportages des journalistes sur place, oui, ces journalistes qui pour vous informer prennent le risque de se faire tuer ? Gilles Jacquier, Marie Colvin, Rémi Ochlik sont donc morts pour rien ? Vous n’avez donc pas vu les vidéos tournées par tous ces Syriens qui veulent vous les montrer, quitte à courir le risque d’être assassinés, comme l’a été Rami al-Sayed ?

Lisez, regardez, votre cœur se serrera devant les souffrances infligées à la population civile qui reçoit un déluge de bombes, obus de mortiers, shrapnel. Vous serez bouleversés par le courage de ces gens qui vont chercher de quoi manger là où reste quelque chose (vous ne saviez pas que l’armée encercle la ville depuis trois semaines et empêche les livraisons de nourriture, médicaments, fuel ?) en zigzaguant pour éviter les tirs des snipers. Vous serez éblouis par l’audace inouïe des médecins qui, avec trois fois rien sous la main, opèrent à longueur de jours et de nuit spour extraire des bouts de métal logés dans les corps, pour recoudre des ventres. Au fait, vous avez entendu parler de Jacques Bérès ? Non ? Et bien c’est un chirurgien français qui va sur ses 71 ans et qui est parti clandestinement en Syrie pour aider ses confrères locaux. Il est resté là-bas 15 jours, dont plus d’une semaine au cœur de l’enfer de Homs. Non, bien sûr, tout le monde ne peut pas faire comme lui… Mais au moins ici lisez, regardez, vous découvrirez que les troupes du régime, l’armée et les milices de voyous, les chabbiha, se comportent en criminels sauvages, en brutes sanguinaires, en bourreaux ignobles. Lisez, écoutez les témoignages de ceux qui ont survécu à des tortures abominables.

Ah, bien sûr, on est en pleine campagne électorale, pensez donc. C’est peut-être pour ça que nous sommes si peu nombreux aux manifestations de soutien à la Syrie en révolte. Et puis il y a la crise, le chômage, tout ça. Hep, vous ne croyez pas quand même qu’il faut un peu savoir hiérarchiser ? Là-bas les gens se prennent un déluge de fer et de feu sur la gueule depuis des mois. Sarkozy vous exaspère ? Bon, très bien, ça peut se comprendre. Mais Bachar al-Assad, il ne vous donne pas envie d’aller le prendre par le col et de le traîner devant la Cour pénale internationale ? Ici nous sommes en démocratie, heureusement, en Syrie le chef de l’Etat a fait massacrer en bientôt un an près de 10 000 de ses concitoyens. Ce qu’il inflige à sa population a pour nom crimes contre l’humanité. Ça vous dit quelque chose ?

Disons que maintenant vous savez l’horreur quotidienne en Syrie. Mais vous répondez «que peut-on faire ?». Pour commencer signez les pétitions, il y en a des dizaines qui circulent sur le Net, et venez aux manifestations, rassemblements – là aussi, tout est indiqué sur le Net. Montrez aux Syriens exilés en France qu’ils ne sont pas seuls à se bouger. Mais surtout il y a ce que notre gouvernement peut faire, et l’Union européenne, et les Etats-Unis, et la Ligue arabe. Eux, ils peuvent vraiment être utiles. Pas en votant des résolutions dénonçant les crimes du pouvoir syrien (même si c’est déjà ça). Ce vendredi 24 février se réunissent à Tunis quelques dizaines de pays délicieusement baptisés les «Amis de la Syrie». Bravo ! Ils exigent de Damas l’autorisation de créer des «corridors humanitaires» sous l’autorité du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L’idée est d’acheminer vivres et matériel médical avec une escorte de Casques bleus. Re-bravo. Mais ils savent bien, les ministres et diplomates qui discutent à Tunis, qu’il faudra l’autorisation d’Assad. Peu probable. Et s’il la donne ? Vous croyez que des Casques bleus qui n’ont pas le droit de faire usage de leurs armes (c’est comme ça avec les Casques bleus, sauf s’ils se font tirer dessus) vont tranquillement parvenir jusqu’aux assiégés que les tueurs du régime veulent justement exterminer ? Vous vous souvenez de la Bosnie, de Srebreniça ?

«Mais alors, il faut faire quoi ?» êtes-vous en train de rouspéter. Ce qu’il faut faire, c’est apporter une aide en matériel militaire aux combattants rebelles de l’Armée syrienne libre. Vous répondez : «Oh là, ce n’est pas légal, ça, il faut l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU !» En effet ce n’est pas légal. Mais c’est légitime. Moralement et éthiquement légitime. Quand Moscou et Pékin bloquent toute initiative de la communauté internationale contre la mafia qui noie les Syriens dans un bain de sang, il faut bien contourner la légalité onusienne. Normalement, d’ailleurs, il incombe à l’ONU le devoir de protéger lorsqu’une population se fait massacrer par ses propres dirigeants. Puisque la Russie et la Chine empêchent l’exercice de ce devoir, on ne va quand même pas se contenter de récriminer et pleurnicher.
Lisez, regardez, écoutez : des centaines de milliers de gens nous appellent depuis la Syrie martyre. Les rebelles nous supplient de leur envoyer des armes qui peuvent détruire les tanks. Ils n’ont que des mitraillettes, et les munitions manquent. La population nous implore : «Venez nous aider !» C’est sur les vidéos, ils l’écrivent en arabe et en anglais.
Les services secrets ont des professionnels aguerris, non ? Ils savent comment faire entrer clandestinement du matériel en Syrie. A qui le remettre ? Pas très compliqué à savoir. Il y a des numéros de téléphone (vous comprendrez qu’on ne les donne pas ici…).
Plus le temps passe, plus le risque augmente que ce que les Occidentaux et, surtout, les insurgés syriens redoutent devienne réalité. A savoir que la révolte pour la démocratie se transforme en guerre civile. Lorsqu’une famille sunnite a vu la moitié de ses membres se faire tuer, elle peut être tentée d’aller tuer des alaouites, puisque Bachar al-Assad est alaouite. La rage s’amplifie chaque jour chez ceux qui subissent le carnage, les vengeances personnelles se profilent. Autre chose encore : à attendre ainsi vainement que le pouvoir cède aux pressions internationales, on laisse de plus en plus le champ libre aux fous de Dieu qui reniflent la bonne occasion d’infiltrer leurs hommes en territoire syrien. Vous viendrez ensuite faire la fine bouche sur les révolutions arabes : rien que des islamistes, jugerez-vous d’un ton désabusé. Mais sachez qu’en Syrie on pratique un islam peinard. Si toutefois on abandonne les Syriens, eux qui donnent leurs vies pour la démocratie et la liberté, peut-être se tourneront-ils vers un islam agressif, celui que proposent leurs défenseurs intéressés du Qatar et de l’Arabie saoudite. Ça vous inquiète, ça ? Alors faites savoir que vous voulez qu’on aide vraiment, concrètement, matériellement, bref militairement le splendide élan syrien contre la dictature barbare du brave ophtalmologue devenu un monstre prêt à tous les crimes pour garder le pouvoir. La campagne électorale française peut servir à ça aussi, non ?

Un commentaire

  1. Les palestiniens aussi….et depuis bien longtemps.
    Avant cela ,la syrie était un exemple de coexistence heureuse entre toutes les confessions du monde…ENTRE TEMPS ,IL EST ARRIVE DES CHOSES BIZARRE DANS CETTE REGION qui relevent de la medecine comme par exemple l’implantation d’un organe dans le corps  »humain » et une période transitoire d’acceptation ou de rejet.