Un pavé : 362 pages. Un livre de chroniques, de textes courts. Habituellement, on picore de-ci, de-là, pour prendre la température, humer la brume littéraire, tâter l’ambiance, capter l’atmosphère. Et on se lance. On écrit. Mais quand c’est du Besson (Patrick, mais je n’ai rien contre celui qu’il nomme son cousin : Philippe), on lit de la première à la dernière ligne. Et on se régale car le Hussard Rouge est, une fois de plus, du grand Besson. Du pur jus. Du succulent. Du brutal, comme eussent pu le dire Jean Lefebvre, Francis Blanche et Lino Ventura. Ce livre est essentiel pour mieux comprendre l’écrivain. Ceux qui l’apprécient ne le manqueront pas ; ils y apprendront des choses. Ceux qui ne l’aiment pas, verront voler en éclats pas mal de leurs réserves et de leurs erreurs d’analyse à son endroit. «On a qualifié de hussards un groupe de jeunes écrivains de droite des années 50 (Nimier, Laurent, Blondin, Déon), qui se distinguaient par leur style insolent et leur esprit caustique», explique-t-il à Francis Combes dans l’entretien qui sert de postface à l’ouvrage. «Mon idée est qu’on peut avoir un style insolent et un esprit caustique sans pour autant être de droite. C’est la chose que j’ai, par mes œuvres et mes diverses interventions, tenté toute ma vie de montrer.» On ne peut plus clair. Cela renvoie dans les cordes les petits péteux (qui voient des fachos partout, procureurs aux petits pieds, pétitionnaires pusillanimes) qui lui font (au Besson et à quelques autres qui, bien souvent, sont plus fermement ancrés à gauche qu’eux, bobos libertaires toujours enclins à lâcher prise devant les caresses de la sociale démocratie à ventre mou plein de courants d’air libéraux) de bien mauvais procès. Point barre.
Entrain et gaîté
Place à la littérature. Patrick Besson nous en donne à lire et de sacrée qualité. Le bref lui va bien au teint, on le sait. Il s’en donne à cœur joie, loue, égratigne, assassine, toujours avec brio, élégance, entrain et gaîté. Il est drôle, le Patrick, très drôle. On se marre. Page29, la lettre qu’il adresse à sa mère, est hilarante. En gros et pour faire cours, il lui apprend qu’il vient de rater le Goncourt et le Renaudot. «Tu vas crier, pleurer, trépigner. Maudire le jour où tu m’as mis au monde.Tu n’oseras plus sortir de la maison pendant au moins une semaine, à cause des voisins et des commerçants à qui tu avais assuré que, cette année, ce serait ton fils – l’écrivain – qui arriverait le premier sur la ligne. Je t’imagine, mangeant de vieilles sardines à l’huile devant le poste de télévision qui te montrera un Frédérick Tristan rayonnant et un Jean-Marie Rouart réjoui.»
Page 45, avec la chronique «Oustacha», on rigole bien, une fois de plus. L’éditeur Balland qui, grâce à Tristan (encore lui) vient de pécho le Goncourt, va se voir harceler par tous les auteurs qui, jusqu’ici, n’osaient pas réclamer leurs droits d’auteurs. Il sait aussi être grave, page 19 (je cite les pages non pas pour faire genre, mais pour faciliter la vie aux lectrices un peu feignasses qui pourront mieux se repérer dans le pavé), avec l’hommage à ce magnifique écrivain qu’était Jean Freustié qui, écrit-il, connaissait l’angoisse «qu’il combattait à l’aide d’excitants et de stupéfiants divers, c’est d’abord celle d’un homme qui veut être absolument heureux. La vie lui paraît si magnifique que par comparaison son existence le désole.»
Sens de la formule ? Pas seulement. Bien plus que ça. Besson ressemble à Morand à part que lui, le Patrick, il n’a pas le cœur sec.
Article paru dans le courrier Picard le 9 décembre 2011
Le Hussard rouge, Patrick Besson, Le Temps des Cerises, 362 pages, 20 euros.