Depuis sa nomination à la direction de l’Odéon-théâtre de l’Europe il y a quatre ans, Olivier Py a profondément changé cette institution mondialement reconnue pour en faire un lieu, non seulement de théâtre, mais du théâtre dans la ville et dans la vie.
Il s’est attaché, dans son projet, à définir une nouvelle conception, d’actualiser le rôle d’un théâtre européen : ne plus tenir compte de la frontière entre Français et « autres Européens ».
Ainsi, si présenter l’Europe au théâtre, c’est-à-dire offrir une scène parisienne à des spectacles venus d’autres pays, a un jour été une idée neuve, ce fut dans les années 1990 avec Giorgio Strehler. Aujourd’hui, et c’est tant mieux, l’Europe est partout.
Dès lors, un théâtre de l’Europe aujourd’hui, c’est, selon Olivier Py, une plateforme de production et de rencontre qui veut abolir les frontières artistiques et permettre aux plus grands auteurs et metteurs en scène européens de notre génération de travailler et confronter leur art avec des artistes d’autres nationalités. Au-delà, et pour demain, le projet Villes en Scène/Cities on stage, imaginé avec cinq autres partenaires européens et soutenu, pour la première fois dans l’histoire de ce théâtre, par l’Union Européenne, poursuit et amplifie cette idée d’une réunion, par le théâtre et la pensée, d’artistes venus de l’Europe tout entière autour des questions qui se posent à elle.
Cette fin des frontières, l’actuelle direction l’a aussi favorisée en partageant l’outil et en offrant aux nouvelles générations un véritable tremplin : que ce soit celle d’Olivier Py lui-même, Joël Pommerat, artiste associé, Stéphane Braunschweig, Giorgio Barberio Corsetti, Krzysztof Warlikowski, Thomas Ostermeier et bien d’autres, qu’il a montrée et directement associée à ce théâtre, que ce soit, celle, surtout, des plus jeunes gens, avec le Festival Impatience, offrant une grande scène aux nouvelles compagnies qui peuvent écrire l’histoire du théâtre aux côtés de Peter Stein, Claude Régy, Tamas Asher, Jean-Pierre Vincent, Amos Gitaï, Christoph Marthaler, Matthias Langhoff…
Cette ouverture, c’est celle, au fond, d’un théâtre dans la vie : d’un théâtre qui est aussi, et peut-être surtout, lieu de littérature, de pensée et de recherche. Là où George Steiner, Giorgio Agamben, Slavoj Zizek, Peter Sloterdijk, vont s’exprimer. Là où Mahmoud Darwich, pour la dernière fois, se présente à ses lecteurs dans la vie de son corps. Là où le meilleur de chaque rentrée littéraire est lu, théâtralisé, dans un dialogue entre l’acteur et l’auteur. Là où des colloques célèbrent et étudient Genet ou la tragédie grecque.
Un théâtre dans la vie, un théâtre dans l’espace public : de là proviennent tant des décisions originales du directeur, tant de ces décisions qui font que l’Odéon respire aujourd’hui. Car s’il est dans la vie, il est dans la ville : est-il besoin de mentionner les nombreux partenariats qui ont permis au théâtre d’être ouvert entre Noël et le Jour de l’An, avec des spectacles de jeunesse pour les enfants qui ne partaient pas en vacances ? Besoin de mentionner les associations avec des lycées, qui ont permis à un théâtre que d’aucuns considèreraient comme expérimental de trouver dans les adolescents ses spectateurs les plus passionnés ? Enfin, est-il encore nécessaire d’évoquer les productions hors les murs, par lesquelles Olivier Py a innervé de théâtre, du texte d’Eschyle, les espaces les plus inattendus afin d’aller chercher les plus défavorisés dans les angles morts de la politique culturelle ?
Succès critique. Succès public – avec des taux de remplissage considérables. Succès politique, enfin. Ou plutôt, et surtout, succès démocratique, succès de l’espoir en la réceptivité du plus grand nombre.
La décision qui semble se prendre, celle d’un changement contre le changement, loin de tout débat, de tout espace public, est si éloignée de la vision du théâtre que défend, à ce jour, l’Odéon, qu’elle donne naissance à un paradoxe frappant.
Envisager de remplacer une direction qui œuvre avec passion pour une démocratie du théâtre, dans ces conditions particulières, semble bien peu démocratique.
Signataires :
Olivier Assayas
Etel Adnan
Adonis
Daniel Auteuil
Denis Baldwin-Beneich
Jeanne Balibar
Françoise Balibar
Jeanne Benameur
Dominique Besnehard
Olivier Bétourné
Juliette Binoche
Tom Bishop
Nicolas Bouchaud
Pierre Boulez
Jean-Paul Capitani
Barbara Cassin
Roméo Castellucci
Philippe Caubère
Patrice Chéreau
Jean-Louis Colinet
Teresa Cremisi
Emma Dante
Thierry de Peretti
Philippe di Folco
Dimitris Dimitriadis
Mélanie Doutey
Eugène Durif
Xavier Durringer
Pascal Dusapin
Mathias Enard
Ninar Esber
Emmanuel Ethis
Émilie Frèche
Alain Françon
Guillaume Gallienne
Antoine Gallimard
Tristan Garcia
Laurent Gaudé
José-Manuel Gonçalves
Donatien Grau
Eugène Green
Denis Guénoun
Raphael Enthoven
Isabelle Huppert
Régis Jauffret
Joël Jouanneau
Stefan Kaegi
Baptiste Malartre
Farouk Mardam Bey
Daniel Mendelsohn
Marc Minkowski
Yann Moix
Valère Novarina
Françoise Nyssen
Thomas Ostermeier
Ernest Pignon Ernest
Joël Pommerat
Mathieu Potte Boneville
Bertrand Py
Aurélien Recoing
Claude Régy
Jean-Michel Ribes
Elias Sanbar
Christian Schiaretti
Jean-François Sivadier
Peter Sloterdijk
Têtes Raides
Mélanie Thierry
Michel Vuillermoz
Krzysztof Warlikowski
Jacques Weber
Pour que le fiat des Princes et des Rois ne demeurent qu’un Jeu.. de Théatre. pour permettre à un créateur d’asseoir son processus.. Pour le temps à la réflexion.. et pour éviter que le Minsitre (ah ! les honneurs des couloirs du royaume.. non les courtisans ne sont pas morts) n’ait pas à regretter son choix.. comme en 2012 il ne sera plus là.. ne laissons pas faire et place aux jeunes comme a si bien dit JP Vincent