Il était l’une des dernières personnes à nous informer sur les violations quotidiennes des droits de l’homme en Iran. Il était celui qui nous avait permis de connaître Mohammad-Reza Haddadi, jeune iranien condamné à mort pour un meurtre commis à 15 ans, et Sakineh Mohammadi Ashtiani, femme condamnée à être lapidée pour adultère, deux personnes qu’il n’avait pas hésité une seconde à défendre pour provoquer des campagnes internationales destinées à les sauver. Un courage qui l’avait conduit directement en prison, à plusieurs reprises, le forçant à fuir pour éviter de se retrouver à nouveau derrière les barreaux. Il y a une semaine, sa femme et son beau-frère avaient été arrêtés à leur tour, pris en otage, pour le forcer à se rendre aux autorités.
Aujourd’hui, Mohammad Mostafaei, avocat iranien des droits de l’homme, n’a eu d’autre choix que de quitter son pays. Et c’est en Turquie que nous l’avons retrouvé demandant l’asile politique. Mais l’avocat n’est pas pour autant tiré d’affaire. Compte tenu des relations étroites existant entre le gouvernement turc et la République islamique, et du nombre d’agents iraniens évoluant en toute liberté en Turquie, il pourrait être renvoyé à tout moment en Iran.
Dans une interview à la chaîne de télévision en langue persane BBC persian, Shadi Sadr, autre avocate iranienne des droits de l’homme, révèle le contenu de son récent entretien téléphonique avec Mohammad Mostafaei:
« Il m’a annoncé que cela faisait cinq jours qu’il était interrogé dans le commissariat de Kumkapi à Istanbul, et qu’il y est toujours retenu. Contrairement à ce qui est affirmé dans les médias, son sort demeure incertain. Il m’a expliqué qu’aujourd’hui, tout comme hier, il avait été interrogé par la police. Il se plaint beaucoup du caractère incertain de son sort, et du fait que malgré les efforts de l’Union Européenne, en particulier la Norvège, qui a annoncé qu’elle était prête à lui accorder la nationalité norvégienne, les autorités turques ne l’autorisent à quitter ni le sol turc, ni même le commissariat, afin qu’il gagne un pays tiers plus sûr ».
Le 1er août dernier, alors qu’il demeurait en fuite, Mohammad Mostafaei a écrit une lettre à sa fille Parmida et à sa femme Fereshteh Halimi, pour leur souhaiter un joyeux anniversaire (1er août pour sa fille, 4 août pour sa femme). À travers cette lettre rendue publique par le Comité de Défense des prisonniers politiques, c’est aux autorités iraniennes que l’avocat des droits de l’homme s’est adressé…
Chère Fereshteh et ma Parmida chérie,
joyeux anniversaire à toutes les deux.
Cela fait aujourd’hui sept ans que ma chère Parmida est née d’une douce mère aujourd’hui emprisonnée alors qu’elle n’a commis aucun crime. Parmida est très seule aujourd’hui, car sa mère et son père ne sont pas là pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Nous lui avions prévu une fête d’anniversaire où tous ses amis étaient invités. Nous souhaitions lui dire combien nous l’aimons. Mais qu’est-il arrivé à la place? Sa mère a été injustement et illégalement arrêtée et prise en otage. Et pire, son oncle et son grand-père ont été eux-aussi arrêtés. Ma Parmida est si seule aujourd’hui. Qu’a-t-elle fait pour mériter le chagrin de perdre ses deux parents? Elle n’a plus vu sa mère depuis maintenant une semaine; une mère qui avait concentré son temps et son énergie pour s’occuper de sa fille. Aujourd’hui, Parmida ne peut entendre sa mère l’appeler ni son père lui souhaiter un joyeux anniversaire.
Est-ce justice, de la part d’un pays qui prétend demeurer un des piliers de l’Islam, que de séparer une famille? La justice signifie-t-elle d’arracher une mère à sa fille et de l’envoyer illégalement en prison? Je me demande si vous trouveriez cela acceptable si la même chose vous arrivait. J’aimerais que vous considériez de la relâcher au moins pour une journée afin qu’elle puisse souhaiter à sa fille unique un joyeux anniversaire. Cela fait une semaine maintenant et Fereshteh n’a pu parler à sa fille qu’une seule fois. Elle n’a fourni aucune information sur ses conditions de détention. Est-ce cela que vous appelez l’humanité? Qui pourrait accepter ce genre de traitement pour une mère?
Remettez-vous en à vous-mêmes et faites appel à votre conscience. Ne laissez pas la malédiction d’une mère vous poursuivre. Ne tourmentez pas une jeune enfant en la gardant séparée de sa mère. S’il vous plaît, ne laissez pas ma petite fille souffrir de la sorte, (plongée) dans le vide laissé par l’absence de sa mère et de son père. Vous privez Parmida de l’éducation de sa mère dont elle a tant besoin et dont elle dépend. S’il vous plaît, autorisez cette mère à pouvoir prendre son enfant dans ses bras. Je vous jure, durant les sept années de la vie de Parmida, sa mère ne l’a pas une seule fois quittée des yeux. Elle s’est entièrement dédiée à la meilleure éducation possible pour Parmida. Elle n’a jamais un seul instant négligé ou hésité à aimer sa fille, mais aujourd’hui vous privez cette enfant de cet amour, en gardant sa mère innocente en prison. Je jure sur Dieu, que séparer injustement une mère de son enfant pour piéger une autre personne est un péché impardonnable. Si vous n’avez pas peur de la justice de ce monde, craignez le Jugement dernier. Libérez tout de suite la mère de Parmida!
Je l’ai déjà dit et je le répéterai: elle est innocente. J’insiste sur le fait que Fereshteh Halimi et son frère n’ont aucune information sur le lieu où je me situe. Il est simplement évident qu’ils sont pris en otage.
Ma Parmida chérie,
A chaque fois que j’observe le magnifique dessin que tu m’ as offert, je pleure. Je n’en peux plus d’attendre de te revoir. Je veux te voir très bientôt et t’emmener au parc. Joyeux anniversaire et tous mes vœux. Je te promets que tu ne manqueras de rien dans ce monde et bénéficieras du plus merveilleux des futurs. Je t’envoie à toi et à ta mère des baisers. Que Dieu soit avec vous deux. L’anniversaire de ta mère est dans trois jours (4 août). Je lui souhaite également un joyeux anniversaire. Ta mère a supporté mon absence durant ces dix dernières années pour que je puisse aider les innocents, les nécessiteux, et ceux injustement condamnés à mort par pendaison ou lapidation. Je te demande de supporter notre absence aujourd’hui.
Mes chères Fereshteh et Parmida, je vous souhaite un joyeux anniversaire et vous embrasse toutes les deux.
Mohammad Mostafaei