La répression ne désemplit pas en République islamique. A peine trois semaines après l’exécution de deux jeunes Iraniens, Arash Rahmanipour et Mohammad-Reza Ali Zamani, accusés d’avoir fomenté les émeutes postélectorales, un troisième jeune homme de 26 ans, Omid Dana, est actuellement dans le couloir de la mort.
Or à la différence de ses deux regrettés compatriotes, qui, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement iranien, avaient été arrêtés bien avant les élections présidentielles de juin dernier, celui-ci aurait été capturé en relation directe avec les manifestations antigouvernementales du 27 décembre dernier, jour saint de l’Ashoura en Iran, que l’opposition a détourné en journée de protestation. Ce serait le premier condamné à mort des manifestations d’opposition de l’Ashoura, ils seraient dix au total, dont l’identité a été publiquement révélée.
Omid Dana a été reconnu coupable le mercredi 3 février dernier par le Tribunal révolutionnaire de Téhéran d’être un « Mohareb », c’est à dire « Ennemi de Dieu », accusation passible en Iran de la peine capitale. Il a également été accusé d’appartenir à une organisation monarchiste. Il risque d’être exécuté à n’importe quel instant. Cet engrenage infernal s’était déjà produit pour Arash Rahmanipour 19 ans, et Mohammad-Reza Ali Zamani, 37 ans, tous les deux condamnés pour avoir été des « mohareb ». La République islamique les avait eux aussi taxés d’appartenir à des organisations d’opposition au Régime, telles les Moudjahidines du peuple ou des organisations royalistes, alors que ces liens n’avaient pu être prouvés par la suite. Leur « confession » avait été diffusée à la télévision en prime time.
C’est exactement ce qui s’est passé pour Omid Dana, dont le procès ainsi que les aveux ont été diffusés le jour même dans le journal de la première chaîne de télévision iranienne. On y voit le procureur général annoncer que « l’accusé aux cheveux longs (on insiste sur son côté occidentalisé) a été filmé en train de manifester et de scander « Mort au principe du Velayateh Faghih » (principe de base de la Constitution iranienne qui veut que la religion domine le politique) au beau milieu des voitures ». Ce slogan a été de plus en plus entendu au sein des dernières manifestations de l’opposition, dont la principale cible n’est plus le président Ahmadinejad mais l’ensemble du Régime islamique.
« Il s’est ensuite positionné au milieu de la foule en tant que leader », a poursuivi le procureur. Pour étayer ces propos, la télévision d’Etat diffuse alors une vidéo prise par téléphone portable prétendant montrer le jeune homme. C’est grâce à ce genre de vidéos prises à la va vite et au péril de leur vie par de jeunes manifestants, que l’opposition a pu témoigner de la répression dont elle a été victime et se faire entendre dans le monde entier depuis juin dernier, l’ensemble de la presse internationale ayant été expulsée du pays. Cette fois, il semble pourtant que la vidéo ait été prise par un agent du régime pour identifier les manifestants de l’opposition (les manifestants les nomment les « mercenaires »).
C’est ensuite au jeune homme, à la voix frêle, et au visage flouté, de prendre la parole devant le tribunal. Nul n’est censé ignorer que les participants à ce genre de « procès spectacles », du même type de ceux qui ont eu lieu en août dernier et qui ont condamné l’ensemble des grandes figures réformatrices du pays, sont soumis à d’intenses pressions autant physiques que psychologiques afin de consentir à des aveux.
Voici ceux du jeune homme :
« Je n’ai pas participé aux élections (Tous les opposants jugés ont avoué ne pas avoir voté à la présidentielle, afin d’être encore davantage considérés comme des casseurs). Je me suis rendu sur la place Sepah (de Téhéran). Là-bas, nous étions une trentaine de personnes. Il y avait dix émeutiers. Les vingt autres étaient comme moi sous l’influence des chaînes satellitaires étrangères. Ils ont tous été trompés comme moi (l’influence de l’étranger est un argument fréquemment utilisée par la République islamique pour discréditer l’opposition).
Nous avons alors scandé le slogan « Mort au principe du Velayateh Faqih » (Mort au principe de l’autorité du religieux sur le politique) à une ou deux reprises. Lorsque nous avons atteint la rue Safah, nous avons aperçu une série de sympathisants du Régime en deuil (il s’agit de la journée sainte de deuil d’Ashoura, commémoration du martyr de l’Imam chiite Hossein il y a 1 300 ans), s’approchant en direction de nous de façon menaçante. Etant donné que nous n’étions pas nombreux, nous avons pris peur et nous sommes dispersés, sans qu’aucun heurt n’éclate. Lorsque je suis arrivé chez moi, j’ai regardé la télévision iranienne, et ai aperçu avec effroi une vidéo de moi. La première chose qui m’est venue à l’esprit a été de raser ma barbe et de me couper les cheveux afin que l’on ne me reconnaisse pas.
Je me suis ensuite réfugié dans le Nord de l’Iran, et ai séjourné plusieurs jours dans différentes villes où je logeais dans des auberges. J’ai ainsi effectué plusieurs fois l’aller-retour entre Téhéran et différentes villes du nord. Après quelques temps, pensant que je n’attirerais plus l’attention des autorités, je suis rentré à Téhéran. Jusqu’à ce jour où elles ont sonné à ma porte. Heureusement, ou malheureusement, je l’ignore, elles n’ont pas pénétré à l’intérieur de ma maison.
Je me suis donc enfui de chez moi, et me suis souvenu du cas d’un de mes amis, qui avait dû quitter l’Iran pour l’étranger il y a deux ans. Je l’ai appelé, et celui-ci m’a conseillé de me rendre dans la ville kurde de Kermanshah (Kurdistant iranien, ouest), et d’y rencontrer un membre du parti Komala (”Comité des révolutionnaires du Kurdistan iranien », une organisation marxiste armée d’opposition au régime islamique) afin de m’aider à fuir. Mais j’ai craint qu’il ne me vole mon argent et ne me tue (c’est monnaie courante en Iran). De toute façon, j’avais pris ma décision. La veille de mon départ, comme ma fiancée comptait énormément à mes yeux, je l’ai appelée et lui ai demandé de venir me voir une dernière fois chez l’un de mes amis. Les forces de l’ordre m’y attendaient ».