Thomas Kaplan est mon ami. 
Nous avons, ensemble, fondé l’ONG Justice for Kurds. 
Nous avons, ensemble et au même moment, embrassé la cause ukrainienne et compris la nécessité existentielle de s’opposer à la Russie de Poutine. 
C’est l’une des premières personnes à qui j’aie parlé, tout simplement parlé, le matin du 7 octobre et il est l’un de ceux dont les vues sur Israël sont restées les plus proches des miennes. 

C’est le Président fondateur de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine (ALIPH) créée par la France et les Emirats arabes unis et visant à sauvegarder le patrimoine culturel en zones de conflit – et, là encore, à cause de ce qu’il a entrepris à Mossoul, Raqqah ou Kyiv, nous nous sommes plus d’une fois retrouvés.

C’est un lettré. 
Et même un érudit. 
C’est l’un des rares Américains (seulement Américains ?) avec lesquels on puisse commenter l’actualité en évoquant Hérodote et Thucydide ; parler politique comme si Lord Byron était un contemporain ; ou relire Marc Aurèle ou Rabbi Aqiba avant une conférence à Harvard ou Columbia. 

Et c’est encore – la chose est publique depuis qu’il a fondé Panthera, vouée à la protection des grands félins et de leur écosystème – l’une des figures de ce que l’on appelle, en France, l’écologie, et c’est enfin un amateur de maîtres anciens, propriétaire, avec son épouse Daphne, de la collection Leiden qui comprend, en particulier, la plus grande collection au monde de tableaux de Rembrandt. 

Et puis il est, enfin, l’une des figures, aux Etats-Unis, de l’opposition à l’Iran des ayatollahs. 
Il écrit sur l’Iran. 
Il parle de l’Iran. 
On se souvient de telle intervention, début 2024, au centre culturel 92Y de Manhattan dont il fut le président et où il lança un « appel d’intérêt public » exhortant l’Iran à saisir, avant qu’il ne soit trop tard, la porte de sortie qui lui était offerte dans sa confrontation avec Israël. 

On se souvient aussi, quelques mois plus tard, toujours à New York, lors des commémorations du 7 octobre, de la mise en garde adressée au régime qui prenait le risque, s’il persistait dans ses ambitions nucléaires, d’une disparition pure et simple de la civilisation iranienne.

Il est devenu, en deux décennies, l’un des analystes les plus écoutés sur le sujet. 
Il parle avec les dirigeants politiques de son pays, du mien qui est devenu, aussi, le sien. Il parle avec les responsables de services de renseignement alliés, occidentaux ou non, qui sollicitent – j’en suis témoin – ses conseils et son analyse. 

Et il n’est pas exagéré de dire que la cause iranienne, la lutte contre la menace que fait peser l’Iran sur Israël, sur les Etats modérés du monde arabe et, évidemment, sur l’occident est devenue – j’en suis, là aussi, le témoin – la cause de sa vie. 
Le régime des ayatollahs le sait. 
Il connaît l’histoire, que nous avons plusieurs fois racontée, lui comme moi, de tel mouvement stratégique de Téhéran qu’il a littéralement prédit. 
Et ce régime voue à Tom, du coup, une rancune tenace et probablement sans merci : vilipendé dans les media locaux, menacé de mort par les Gardiens de la révolution, épié dans ses moindres faits et gestes, il est devenu l’une de leurs principales bêtes noires. 

En février de cette année, je l’ai vu, à Paris, défendre son point de vue devant de hauts responsables français. 
C’était, peu ou prou, le moment où le régime prenait conscience de l’affaiblissement ou de la chute de la plupart de ses proxies (Hamas, Hezbollah, Assad et ses satrapes en Syrie).
Et il m’a confié, ce jour-là, un essai où il exposait ce qu’il appelait une « approche stratégique multidimensionnelle » de la question iranienne. 
Cet essai a servi de base à une tribune cosignée avec l’ancien candidat démocrate à la présidentielle américaine John Kerry et publiée en avril dans le Wall Street Journal. 
Il a mis au cœur du débat public américain une proposition globale visant à désarmer l’Iran, à rendre ses visées impériales durablement inoffensives et à poser les conditions lui permettant d’être ré-accueilli dans la communauté des nations.
Et le seul fait de voir l’ancien sénateur du Massachusetts et candidat démocrate face à George W. Bush, l’ancien Secrétaire d’État de Barack Obama, puis envoyé spécial de Joe Biden pour le climat, l’artisan, avec le président Hollande et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, de l’Accord de Paris, l’homme d’Etat qui a personnellement négocié l’accord nucléaire de 2015 et qui est, aujourd’hui encore, considéré comme l’une des voix « modérées » dans l’approche du dossier iranien – le seul fait, donc, de voir cet homme faire siennes les thèses de cet essai et faire ainsi cause commune avec l’un des plus fervents opposants au régime, Tom Kaplan, a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les médias officiels iraniens.

C’est ce document que publie aujourd’hui La Règle du jeu.
Il est aussi pertinent et nuancé à l’été 2025 qu’il l’était lors de sa rédaction. 
Et le moins que l’on puisse dire est que les événements (l’offensive militaire israélienne, puis américaine) n’ont fait que le valider. 
On y trouvera les éléments d’une doctrine à la fois cohérente, raisonnable et forte : puissent s’en inspirer tous ceux qui, des deux côtés de l’Atlantique, s’interrogent sur la question iranienne et décident.