Cher Bernard-Henri Lévy,
J’ai, je ne suis pas la seule, levé les yeux au ciel et haussé les épaules devant la télévision, la nuit du samedi 13 au dimanche 14 avril, durant l’attaque iranienne contre Israël. Ce fut le geste de tous ceux qui n’ont pas compris ce qui venait de se produire. 

Depuis j’ai un peu lu la presse. Repensé à cette lettre que je vous avais écrite il y a quelques mois à propos de L’Empire et les cinq rois. Et tout est devenu, très vite, terriblement clair. Et je ne vous apprendrai rien dans cette lettre. 

Alors, ça y est, vous avez raison : c’est la guerre. La guerre dans le monde, pour le monde. L’Europe dans le monde si petite, et si puissante à la fois. Elle avait déjà, cette guerre, cet affrontement entre plusieurs puissances, sourdement, secrètement, et, peut-être, très méthodiquement, commencé. Camouflée, masquée jusqu’à présent par un simulacre de chaos : en réalité une stratégie, voire une tactique, me semble-t-il, de plus en plus sinon pensée, au moins très fixement orientée, ordonnée, orchestrée, maîtrisée, unifiée, de concert, malgré les apparences, par la Russie, l’Iran, le Qatar, la Chine, la Turquie, contre les démocraties occidentales, leurs alliés ; et dont on commence à mieux voir les vertigineux contours. Comme vous me l’avez appris. Une guerre hybride et polycéphale, une guerre d’usure, dont les objectifs d’hégémonie civilisationnelle mondiale future s’inscrivent dans le long terme. Mais vous savez cela mieux que quiconque. 

Elle a été déclarée, oui, déclarée, dans la nuit du samedi 13 avril, la guerre. Du moins c’est ainsi que je le comprends maintenant. 
Et le plus important, d’abord, je crois, sera de comprendre, pour nous – non pas seulement nous « occidentaux », mais nous, la communauté démocratique internationale, c’est-à-àdire, la coalition des pays occidentaux, de leurs alliés au Proche et Moyen-Orient et partout dans le monde, et de tous ceux qui aspirent à vivre dans un modèle de société ouverte, libre, régie par l’application de l’état de droit et des principes de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen –, la véritable nature de cette guerre, ses nombreux mécanismes, ses modalités parfois totalement inédites, impensées, imprévues donc, potentiellement dangereuses. 

De comprendre, vraiment comprendre, qui sont nos ennemis. Quel est, ou quels sont leurs objectifs. Et quelles sont leurs méthodes. Comment fonctionnent leurs jeux d’alliances. C’est d’abord cela qu’il faut clarifier, dans toutes les têtes ; têtes de dirigeants, têtes de politiques, têtes d’entrepreneurs, têtes d’intellectuels (beaucoup à faire de ce côté-là), têtes de journalistes, surtout, têtes de citoyens, dans le monde, et pas seulement en occident ; il faut que les acteurs, la nature, les raisons et les modalités de cette guerre globale qui commence, et qui se déploie sur de multiples fronts (Taïwan, Ukraine, Moyen-Orient), soient bien clairs dans toutes les têtes sans exception. 

Je ne pense pas que l’on puisse dire que ce soit le cas, maintenant. Et c’est très problématique. Nos ennemis comptent en très grande partie sur cette incompréhension de ce qui se joue vraiment, à grande échelle. L’échec des démocraties, leur affaiblissement, leur démoralisation, leur épuisement, leur délégitimation, leur destitution et leur remplacement par la nouvelle alliance des dictatures russe, iranienne, sunnites et chinoise, disons. Ce n’est pas pour tout de suite, bien sûr, mais c’est, si j’ai bien compris, ce qui se joue vraiment, dans cette guerre globale. La menace est réelle, les agressions, les ingérences le sont aussi, et pourtant, on ne bouge pas, ou trop peu, et trop lentement. 

Il faudrait donc, je crois, en tout premier lieu, balayer la confusion qui règne dans les esprits. Car c’est par elle, en partie, que ce qui n’est pour l’instant qu’une très sérieuse menace pourrait devenir, un jour, une funeste réalité pour le monde tel que nous l’aimons : libre. Oui, l’Occident est assiégé. Non, nos modèles de sociétés ne sont pas indestructibles, ni impérissables. Oui, nous avons des ennemis, et oui, ils veulent réduire nos sociétés, notre civilisation, en cendres. 

Je vous écris de nouveau parce que, comme toujours, je pense que cela aide, un peu. Je ne suis pas une chouette, ni une colombe, mais quand j’écris, quand je vous écris, c’est vrai que cela m’aide à voir, un tout petit peu mieux, dans la nuit de cette profusion de conflits qui non seulement perdurent, non seulement s’intensifient, mais se multiplient, et se multiplieront encore. 

Elle est dangereuse, cette nuit qui s’avance et qui accélère. Sournoise, cette nuit qui nous encercle, dans un brouillard de plus en plus opaque. Patiente, cette nuit qui veut nous piéger ; nous épuiser ; nous confondre ; nous perdre. Et, en fin de compte nous anéantir, en nous décrédibilisant totalement sur la scène internationale, à force d’inaction, d’atermoiements ou de défaites, sur les plans militaire, humanitaire, moral, idéologique, etc. Nos ennemis, la Russie, l’Iran et les sunnites, la Chine, ont de bonnes chances d’y arriver. Lentement, mais ô combien sûrement, si nous n’apprenons pas à voir à travers leurs desseins, vite, ou plutôt maintenant. Je me répète, et je le crains, je me répéterai encore, ici comme ailleurs. 

D’abord, je n’avais pas vraiment saisi à quel point l’alliance entre l’Iran et la Russie était osmotique. Stratégiquement, tactiquement, militairement, idéologiquement osmotique. Ni à quel point elle était redoutable. En gros, je n’avais pas compris que, si les Iraniens parviennent à avoir la bombe, ce sera grâce aux Russes ; et que si les Russes gagnent en Ukraine, ce sera en grande partie grâce aux Iraniens. 

Je n’avais pas entièrement compris à quel point il s’agit là d’une guerre, une seule, qui se joue sur trois fronts (pour l’instant, et je ne parle que du volet militaire de cette guerre hybride) : Taïwan, l’Ukraine et le Moyen-Orient. Et qu’il ne s’agit aucunement de trois conflits régionaux, mais de trois fronts régionaux, instrumentalisés, volontairement et fallacieusement mis en scène séparément, mais servant les desseins d’une guerre unique et mondiale, opposant la communauté démocratique internationale à la coalition Russie – Iran – Chine – sunnites. Le but de guerre des seconds étant, donc, de destituer les premiers de leur leadership international, à l’usure. S’il est une « troisième guerre mondiale », c’est donc bien celle-ci, vous avez raison, et son résultat escompté est, comme d’habitude, la domination du modèle de civilisation des vainqueurs sur celui des perdants. Here we are again. Bon. 

Et je n’avais pas compris, que le 7 octobre avait aussi eu pour effet (volontaire ou non, je me pose la question), sinon de saboter les accords d’Abraham, au moins de les mettre à l’arrêt, d’offrir un avantage considérable à l’armée russe.

Car on a bien vu, après l’insoutenable pogrom du Hamas, comment l’Ukraine a rejoint, pour quelques temps, mais de manière extrêmement favorable à la Russie, et surtout très létale pour la résistance ukrainienne, le Soudan (par exemple), ses 18 millions d’affamés, dont 6,5 millions d’enfants, hécatombe humaine consécutive à un coup d’État que l’opinion et la communauté internationale ont observé sans rien faire ou presque, dans les délectables poubelles de l’histoire. 

Comment les yeux de la communauté internationale ont été braqués – pris en otage, je le redis – sur la riposte israélienne à Gaza et ses 33 000 morts (dont 15 000 sont des combattants du Hamas, par ailleurs en grande partie responsables de la mort de 17 000 civils, leur bouclier humain, leur peuple martyr) ; et comment le monde a, durant de longues semaines, avec le cynisme et l’inconséquence qui, invariablement, le caractérise, oublié l’Ukraine. 

Je ne suis pas sûre que ce soit en raison d’un tragique hasard si les yeux du monde restent, depuis six mois, focalisés sur Israël et Gaza, et détournés des tranchées ukrainiennes ; mais du résultat de l’alliance Russie-Iran qui, tout bêtement, s’entraide : le front du Moyen-Orient faisant écran pour avantager la Russie sur le front ukrainien. Les Gardiens de la révolution jouent, je le pense, aussi la partition pour celui qui leur a promis ce dont ils rêvent tant. La Bombe. Puisque la Russie a promis à l’Iran de booster son avancée dans son programme nucléaire. Puisque l’Iran fournit les drones et missiles qui ont causé plus de 450 000 morts et blessés du côté ukrainien. 

Je n’avais pas compris ça. L’osmose Moscou-Téhéran.

Je me souviens que Poutine pensait que l’Ukraine serait seule. Que la guerre serait gagnée en quelques semaines. Que le schéma de Prague se réitérerait. Le soutien des occidentaux l’a surpris, n’est-ce pas ? 
Aujourd’hui, je me demande le pourquoi de cette attaque apparemment absurde, mais méfions-nous de l’absurde, dans la nuit du 13 avril. Ce n’était pas seulement pour « garder la face », comme je l’ai cru d’abord. Ce n’était pas non plus, comme je l’ai lu dans la presse, pour apaiser les dissensions en interne, entre les chefs. Non. Il y a aussi, comme vous dites, le fait que ce soit une funeste « répétition générale ». D’ailleurs, j’ai lu dans Le Monde d’aujourd’hui (19/04) que l’opération iranienne avait été nommée « promesse honnête ». Promesse honnête. La rhétorique « tarzan » employée par Téhéran a au moins le mérite d’être claire.

Il y a surtout, j’ai cru comprendre que vous étiez d’accord sur ce point, le fait que cette attaque du 13 avril était, purement et simplement, une déclaration de guerre aux puissances occidentales. Cette pluie de drones et missiles en tous genres, cette « promesse honnête », aura, je l’espère, remis les pendules embrouillés de cette guerre globale dans laquelle le monde s’est irrémissiblement embarqué à l’heure.

Ensuite, je me suis demandé, comme vous je crois, si cette attaque n’était pas une bonne, une excellente nouvelle ; que dis-je, une occasion en or pour Israël, de décimer Hamas, Hezbollah, Gardiens de la Révolution et leurs armements. Si cette attaque ne constituait pas l’arrêt de mort de la République islamique, livrée par eux-mêmes sur un plateau d’argent. 

Puis, je me suis demandé si ce n’était pas, d’un autre côté, un merveilleux cadeau offert à Poutine : la solitude de l’Ukraine. Avec, peut-être, une victoire russe imminente à la clé. 

La solitude d’Israël, comme la solitude de l’Ukraine, c’est, précisément, ce qu’il ne faut surtout pas leur donner. 
Va-t-on leur donner ?
Poutine a été surpris par notre soutien aux ukrainiens. L’Iran a peut-être été également surpris par notre soutien (magnifique, certes, mais trop épiphénoménal pour être véritablement glorieux) à Israël. Je crains que leur coalition « invisible », ou du moins, aux mécanismes difficilement discernables, ne soit en réalité plus puissante que la nôtre sur le long terme. Il ne faut donc surtout pas arrêter… Il faut, je crois, non seulement continuer, mais intensifier considérablement ce soutien, cette belle et inflexible coalition de la nuit du 13 avril, dans cette guerre d’abysses et de poisons lents, où chacune de nos faiblesses, de nos hésitations, représentent, pour les ennemis de la communauté démocratique internationale, une victoire à retardement.

Bref ne pas laisser le piège de Téhéran, qui est, je pense, aussi le piège de Moscou (et de Pékin) se refermer sur l’Ukraine. Ni sur Israël. Il faut réagir sur tous les fronts. Avec force. Et sans perdre de vue que ces conflits sont les théâtres de la même guerre au très long cours. Voilà ce que je pense. 

La belle coalition du 13 avril ne doit donc surtout pas s’avérer avoir été un feu follet de force, de volonté et de sagesse, dans cette vaste guerre qui nous oblige à la plus grande cohérence et à la plus solide résistance. Surtout pas.

L’attention internationale, désormais focalisée sur le Moyen-Orient, risque de laisser, non seulement la population gazaouie à l’abandon, mais les soldats ukrainiens ; et, à l’approche des élections américaines… c’est le moment idéal, pour la Russie, de lancer une attaque massive sur l’Ukraine. J’espère donc que les 60 milliards octroyés par le Congrès américain parviendront, de toute urgence, au front ukrainien. Et que l’opinion internationale va enfin comprendre de quoi cette guerre retourne, et soutenir sans réserve les Ukrainiens, dont la défense est extrêmement affaiblie, comme vous le savez. Surtout, j’espère comme le président Zelensky que le soutien ultra efficace que nous avons apporté pour la protection d’Israël va se reproduire, et se normaliser, encore une fois, maintenant. Mais est-ce possible, et si oui, comment ? C’est aussi, si j’ai bien compris, sinon une question de moyens, sinon une question d’hommes, une course contre le temps… Nous les avons abandonnés suffisamment longtemps. J’ai toutes les peines du monde à concevoir que l’on regarde sans broncher les hommes ukrainiens se sacrifier jusqu’au dernier. Et ensuite, ce sera le tour des Polonais ? C’est indigne. C’est une honte, une faute historique grave pour nous européens. Elle doit être réparée. C’est maintenant, ou jamais, que nous pouvons et devons rectifier cette erreur macabre. 

Bref, je le répète, nous devons offrir un soutien puissant sur les deux fronts, ukrainien et moyen-oriental (je laisse Taïwan à part ici), de cette même guerre qui s’annonce sans fin, et dont les agresseurs tentent de mettre un terme à l’hégémonie de la communauté démocratique internationale. Détruire, disent-ils…

L’Iran, la Russie, la Chine ont tout à gagner en multipliant les conflits, en les faisant s’éterniser, et en les intensifiant. Pour la Chine : la dispersion des forces et des moyens américains au Moyen-Orient et en Ukraine les avantage dans le Pacifique. Pour la Russie : si le conflit au Moyen-Orient s’éternise, cela favorise le gel de la guerre en Ukraine, et donc la déstabilisation de cette dernière, voire, sa défaite. Et pour l’Iran : le gel du conflit en Ukraine renforce de jour en jour leur alliance avec la Russie et garantit la continuation de l’aide de Moscou au développement du programme nucléaire iranien.

Les conflits présents ont tous cela en commun, qu’ils servent les agendas respectifs des alliés suscités, qui, s’ils ne sont pas d’accord entre eux pour tout, le sont au moins sur un point. Leurs intérêts particuliers convergent sur un intérêt commun, la perte en puissance et en crédibilité de l’Occident et ses alliés, leur interdisant de facto de prétendre au leadership international dans un futur plus ou moins proche. (Il suffit de voir, aujourd’hui, les conséquences sur l’Europe pour le comprendre…)

Et pardon d’insister. 

Nos ennemis, puisqu’ils le sont – arrêtons, de grâce, une bonne fois pour toutes de tourner autour du pot –, comptent, comme toujours, sur notre torpeur, notre pusillanimité, notre mollesse, notre lenteur à comprendre et à réagir en conséquence, ainsi que je crois sur notre sacro-saint souci de la « stabilité ». Nous leur en avons assez donné. Ils nous haïssent, rêvent de l’agonie, du déclassement, et in fine de la mort de nos sociétés. C’est un fait. Si l’occident est un phœnix, c’est aujourd’hui, pas demain, qu’il doit le montrer. Encore une fois, le temps joue en notre défaveur. Je crois.

La coalition des occidentaux et de leurs alliés doit donc être présente sur tous les fronts, avec la même intensité, le même degré de défense, proportionnels, si ce n’est supérieurs, à celui des attaques des différents agresseurs. Il faut leur opposer la même force, et peut-être aussi les mêmes méthodes (militaires, cyber, idéologique, etc.). A attaques indirectes, défenses indirectes, peut-être, donc, aussi. Nous devrions, je crois, nous aussi, leur opposer cette guerre d’usure, indirecte, hybride, hétérogène dans ses moyens, de manière ultra massive. Je me répète, je vous avais déjà écrit ça la dernière fois, mais bon. Est-ce que je me trompe ? 

Un ami m’expliquait hier qu’il était impossible d’apporter le même soutien à l’Ukraine que celui que nous avons apporté à Israël, car on craindrait de déclencher une guerre nucléaire avec la Russie. Est-ce que c’est vrai ? Qu’en pensez-vous ? Je pense que Poutine bluffe. 

Est-il vrai que l’on ne fournisse pas les avions et pilotes dont l’Ukraine a besoin car l’on craint qu’ils n’attaquent directement les positions russes ? Ne devrait-on pas leur faire confiance ? J’aimerais que l’on m’explique, un jour, les raisons de la fébrilité et de la lenteur de notre soutien à l’Ukraine. Et j’aimerais savoir si cette aberration géopolitique dont nous sommes les seuls responsables va bientôt s’arrêter. Maintenir Poutine en place pour éviter de déstabiliser le monde : est-ce vraiment indispensable ? Je pose, naïvement et en toute ignorance, la question.

En tout cas, et si le raisonnement de cet ami est juste, ce que j’en conclue, c’est que, Dôme de fer ou pas, si l’Iran avait eu la bombe… on n’aurait pas pu protéger Israël comme nous l’avons fait. C’est-à-dire qu’il y aurait eu plus de dégâts. Vous avez dit inquiétant ? 
Je ne comprends probablement rien, puisque le monde entier appelle à la « désescalade ». Pourtant, si on ne désarme pas l’Iran maintenant, ensuite ce sera tout simplement trop tard. Bientôt, l’Iran n’aura plus besoin de se cacher derrière qui que ce soit. C’était d’ailleurs le sens de leur message. Et quid de la survie d’Israël. Et quid de la sécurité du reste du monde. 

Ce que je pense, au fond, c’est que, paradoxalement, la désescalade, c’est la mort. Il faut anticiper. C’est à dire attaquer l’Iran, renverser la république islamique, avant qu’il ne soit trop tard. 

Je pense qu’il est impératif de couper les liens qui unissent les forces de Téhéran et Moscou. Pour désarmer la Russie (la Russie peut et doit être à court d’armes, cela me semble indispensable). Pour ralentir l’avancement du nucléaire iranien. Pour reprendre l’avantage sur les deux fronts, Moyen-Orient et Ukraine. Qu’il est impératif d’ensevelir, non seulement Téhéran, mais tous les pays qui fournissent des armes à la Russie (Égypte, Pakistan, Brésil, Biélorussie, Corée du Nord, Iran, j’en oublie ?) sous les sanctions. Et j’ai bien dit : les ensevelir. Pour ralentir drastiquement la production et la livraison d’armes, mais pas seulement. Et je ne parle pas du Qatar. 

C’est, je le répète, terrible à dire, mais des sanctions économiques, militaires, industrielles, doublées par un soutien de la communauté internationale et de l’opinion aux peuples iraniens et libanais (et irakiens…), pourraient très bien conduire à un renversement de la République islamique, et à un virage politique à 180° dans toute la région. Une révolution. C’est le bon moment. En cela, l’opération « promesse honnête » des Gardiens de la révolution est une authentique aubaine. Ces hommes sont faibles. Très. Leur domination dans la région ne tient plus qu’à un ou deux fils. Leurs alliances sont chancelantes. Je pense donc qu’un tel miracle serait possible. C’est peut-être complètement fou de penser cela. Je l’assume.

Ce qui m’amène à Israël. C’est vous qui m’avez demandé mon avis de grande spécialiste de toutes ces questions, après tout… Je pense que la question de la sécurité d’Israël doit et va se régler dans un avenir très proche. C’est tout simplement devenu une nécessité. Et cela ne pourra arriver que si la République islamique tombe, qu’un régime pacifique lui succède, et que leurs alliances changent de camp. 

Je pense donc que, en plus des indispensables sanctions internationales sur Téhéran, Israël doit couper les têtes du régime, éliminer les Gardiens de la révolution, et, surtout, bombarder leur caserne. Voilà pour la riposte. Aussi, bien sûr, lancer l’offensive à Rafah. Il ne subsiste qu’une poignée de combattants du Hamas. Après ça, Tsahal récupérera enfin les otages. Et l’on pourra enfin passer aux choses sérieuses. C’est-à-dire couper les têtes du Hezbollah. Et la communauté internationale, dans le même temps, soutenir un soulèvement du peuple libanais, toujours à la « faveur » des sanctions. Je sais bien ce que cela signifie pour les populations. Mais ça peut marcher. Avec un puissant soutien de l’opinion internationale, ça peut marcher. Qu’en pensez-vous ? Comme je vous l’avais déjà écrit la dernière fois, la majorité des populations libanaises et iraniennes n’ont strictement rien contre Israël, et surtout, elles ne supportent plus ni l’oppression de leurs régimes respectifs, ni les sanctions occidentales. Avec notre soutien, ne pourraient-elles donc pas renverser leur régime ? Je pose la question. 

Si, comme je le pressens, le conflit se reporte sur le Hezbollah, l’Iran va retourner dans l’ombre, continuer de se renforcer, et la Russie aussi. Bref, le piège de Moscou et Téhéran va se refermer sur Israël, sur l’Ukraine, indirectement sur Taïwan, et sur nous. Si leur tactique, telle que je crois la comprendre, est minable, elle n’est pas si bête… 

Si la République Islamique était renversée, on verrait la fin de l’alliance avec la Russie, et très probablement, par voie de conséquence, la victoire de l’Ukraine. Les accords d’Abraham pourraient être remis en marche. Un pacte de non-agression entre les pays du Moyen-Orient pourrait-être envisagé. Une coalition régionale pourrait émerger, alliée des occidentaux. L’État palestinien deviendrait enfin une réalité. L’Islam des Lumières aurait une chance de voir le jour. Une alliance de type fédéral, peut-être, pourrait exister au Moyen-Orient, en partenariat, peut-être, avec l’Europe, avec le reste du monde libre. Une force majeure pourrait naître des cendres de ces années de chaos, du côté du modèle des sociétés ouvertes, libres. Et Israël pourrait, enfin, respirer. 

Est-ce que je rêve trop grand ? Ou bien, les solutions que j’imagine, en cas d’un reversement des Gardiens de la révolution et de leurs alliés, sont-elles envisageables ? Je réfléchis juste. Mais vous allez me dire que ce n’est pas si simple. Ce que je veux dire, c’est qu’après cette attaque, grave, de l’Iran contre Israël, le vent en Orient pourrait tourner, et emporter avec lui les obscurantistes fascislamistes. Si les Gardiens tombent, là, enfin, on pourra parler d’une désescalade effective. Mais pas avant. 

Enfin, en ce qui concerne la riposte à la « promesse honnête » du 13 avril : il serait heureux que Tsahal coordonne une série de frappes chirurgicales, sur tous les points névralgiques qui font la puissance des Gardiens de la révolution et du Hezbollah, c’est-à-dire leurs sites nucléaires, leurs casernes et leurs usines d’armement. Avec tout le soutien logistique nécessaire, cela va sans dire. 

Une toute dernière chose, à propos de la solitude d’Israël, qui ne s’est pas arrêtée après l’attaque du 13 avril, mais grandit au contraire, dans le monde, les campus, les rues, les esprits. Et les manifestations, la violence, tout ce vacarme, cette confusion insupportables, l’opprobre sur Israël, sur les Juifs, leur solitude ; tout cela je crois s’apaisera quand, dans un futur proche, l’on travaillera enfin à la création d’un État palestinien.

Voilà, cher Bernard, ce que j’ai pu penser au cours de ces derniers jours, et que je souhaitais vous dire. 

Un commentaire

  1. Encore une fois tout à fait d’accord ! Oui l’occident est attaqué et il ne faut plus d’atermoiements. Avec une attaque nucléaire préventive sur le pont de Kertch et les installations atomiques nucléaires nous pouvons enrayer les manigances mortifères des persans et des soviétiques.