Chez elle tout est spectaculaire, de ses premières années chez Disney jusqu’aux dernières révélations de sa tutelle. L’Amérique dans tous ses éclats et ses excès dont l’itinéraire de Britney nous dévoile les coulisses et les facettes. Un univers impitoyable où le sexisme, le puritanisme et la corruption font bon ménage avec la démocratie sous la bénédiction de Dieu.
Born to be blond, Born to be a star, les choses se décident très tôt, le rêve américain était déjà dans son biberon. Aux Etats-Unis le formatage commence au berceau, dans cette vénérable institution nationale : le Mickey Mousse Club où l’on apprend à devenir un bon petit soldat de la société du spectacle dans une discipline de fer. Marche ou crève l’écran, tu as vendu ton image à Hollywood pour une poignée de dollars – surtout si tu es une fille. A 17 ans, Britney décroche un contrat pour une chanson dont personne ne veut : hit me baby one more time, à entendre au pied de la lettre car l’ambiguïté est aussi présente en anglais. Dès sa première apparition, l’Amérique est accro. Devenue symbole national, puis icône mondiale de la pop, Britney enchaîne les succès et les tournées pas loin du burn out. Ambiance torride, lèvres entrouvertes sur un sourire glossy : Britney bitch est née. Hollywood en a décidé ainsi.
Slave for you
I am a slave for you
Comme icône du patriarcat et de la soumission, on ne peut mieux faire. En 2005, l’heure est au girly power, le féminisme Me Too encore en gestation.
Gimme, gimme (more), gimme (more), gimme, gimme (more) Gimme, gimme (more), gimme (more), gimme, gimme (more)
Encore, toujours plus.
Mais ce n’est jamais assez, et pourtant c’est déjà too much pour l’Amérique puritaine. Enfermée das son image comme dans une cage. Livrée en pâture aux tabloïds et aux paparazzis, sa vie se déglingue, mais son image vaut des millions. Miss American dream vit un enfer.
You want a piece of me You want a piece of me
Celle qu’on dit femme est aussi celle qu’on diffame – comme dit si bien Lacan. Tu parles d’une prérogative ! Mais le pire est à venir. Tu rentres dans un salon et te rases le crâne face à une horde de paparazzis, avant de t’attaquer à l’un deux avec un parapluie. Mary Poppins en skin head, moi j’aurais bien aimé t’entendre dire : hay it ’s Britney butch ! Mais voilà, ton existence tient à cette poignée de cheveux qui fait fantasmer la planète. Ensuite les choses s’enchaînent très vite, la bad bitch devenue bad mother se voit retirer la garde de ses enfants. Un lynchage médiatique qui fait l’unanimité. Maman ou putain : il faut choisir ton camp bitch.
2 heures du matin : des camions de pompiers et des voitures de police encerclent ta maison, venus par dizaines, des hélicoptères vrombissent dans le ciel comme des vautours, couverts par des hurlements de sirènes. Les flashs des cameras se déchaînent dans la nuit, c’est presque la fin du monde, la fin de Britney Spears. On assiste en direct à ta mise à mort : Britney est devenue crazy, tous les journaux en parlent.
CRAZY, vous avez dit Crazy ?
Je pense aussitôt à cette scène mythique des Mistfits de John Houston où Clark Gable et Montgomery Clift viennent de capturer un jeune mustang après une longue poursuite. L’animal gît ficelé sur le sol, sacrifié, pour une poignée de dollars, tandis que Marilyn Monroe hurle :
You liars, murderers, all of you liars,
You are only happy when you make people die,
Why don’t you kill yourself to be happy!
You and your God country! Freedom! How dare you!
Et Montgomery Clift de répondre : « she’s crazy. » Ces mots d’Arthur Miller auraient pu être dans la bouche de Britney si on ne l’avait pas réduite au silence.
Le reste de l’histoire vous la connaissez – enfin la version qu’on vous a donnée.
The show must go on
Déclarée démente par l’État de Californie en moins de 48 heures, tous ses droits civiques lui sont retirés ainsi que sa carte de bleue. La justice américaine la met sous tutelle et confie sa garde à Papa, alias Jamie Spears : un bon père de famille connu des services sociaux pour violence conjugale, alcoolisme et conduite en état d’ivresse. Alors qui est crazy dans cette histoire ? Britney ou une justice américaine qui n’en a que le nom et ne garantit pas les droits fondamentaux de ses citoyens ?
Freedom! How dare you!
Now get to work bitch!
Son père a désormais tout pouvoir sur sa personne physique et morale, son corps (y compris son utérus), son traitement médical, mais surtout sur son Capital, qu’il confiera à une gourou puritaine. La putain travaille désormais pour Dieu. 13 années durant lesquelles Britney rapporte des millions de dollars et enchaîne les shows comme une poupée mécanique sous drogue, jusqu’à ce que les fans découvrent qu’elle est séquestrée de force dans un hôpital psychiatrique. Ils parviennent à rentrer en contact avec elle via Tik Tok. La vérité se propage comme une hémorragie, enfin relayée par les médias et la presse. Free Britney est né.
Plus qu’un groupe de fans, un véritable mouvement social et politique. L’Amérique des minorités et des laissés-pour-compte du rêve américain se reconnait en Britney et sauvera la princesse de la pop des griffes du méchant Dark Vador. A Hollywood, les étoiles s’unissent dans un élan de sororité et déclarent la guerre à l’empire du mal et des mâles. La révolte gronde. Miley Cyrus, Lindsay Lohan, Lady Gaga, Taylor Swift : une à une, elles font tomber les masques de la gloire – ce deuil éclatant du bonheur – qui semble être une spécificité américaine comme le dernier album de Britney nommé Glory. Le conte de fée aura son happy end quand même, mais Britney y aura laissé sa peau.