«Oui, je confirme les nouvelles. Je serai jugé. Je serai jugé pour avoir qualifié le ministre de l’Intérieur de “ministre de la Mala Vita”». C’est dans une tribune à la Repubblica, dans sa verve caractéristique, que l’auteur mondialement connu de Gomorra a confirmé l’action en justice intentée à son encontre par le pouvoir italien et plus particulièrement par Matteo Salvini. L’affaire remonte à loin. Cela faisait en effet plusieurs mois qu’une épée de Damoclès pendait au-dessus de la tête de l’écrivain. Depuis très exactement le 19 juillet, date à laquelle le ministre italien de l’intérieur, chef de file de la formation d’extrême droite La Ligue, avait annoncé son intention de porter plainte pour diffamation contre Roberto Saviano. C’est désormais un long combat judiciaire qui commence pour l’écrivain. Un combat pour la liberté d’expression mais également pour la persistance, coûte-que-coûte, d’une certaine idée de l’Italie : ouverte sur le monde, défenderesse des valeurs démocratiques, qui ne cède pas aux tentations populistes et à lente marche vers le pire. Dès l’annonce du procès, l’opposition italienne s’est empressée de marquer son soutien à l’homme de lettres. En ligne et notamment sur les réseaux sociaux, un vaste mouvement est né, via le hashtag #IOSTOCONSAVIANO (Je suis avec Saviano, ndlr). Les tweets en faveur de l’écrivain affluent désormais par centaines : «Dans un pays normal, nous devrions tous être avec Saviano» peut-on ainsi lire. «Il ne s’agit pas simplement d’un procès contre Saviano, mais contre le droit de ne pas être d’accord, de poser des questions, d’avoir une opinion autre que celle du pouvoir» dit un autre internaute. Affligeante histoire que celle d’un ministre déclenchant une guerre judiciaire pour faire taire un écrivain… Désolant effondrement d’un pouvoir à la dérive, bien décidé à museler un de ses plus emblématiques contradicteurs. C’est pourtant ce duel qui se joue dans une curieuse ambiance post-démocratique. Une guerre des mots dépassant largement le domaine théorique tant elle porte en elle les termes d’un débat pratique qui hante désormais chaque citoyen européen à deux mois d’élections cruciales pour le continent. S’agira-t-il de poursuivre l’exigeante construction supranationale ou bien de se vautrer dans les mirages du Brexit, du Frexit et de l’Italeave ? Serons-nous capables de défendre les valeurs cardinales de nos démocraties ou bien choisirons-nous le clientélisme et le resurgissement des vielles antiennes populistes ? Ne nous y trompons pas : ces questions-là se poseront désormais sans cesse, de Londres à Berlin et jusque devant les cours de justice transalpines.
Deux camps s’opposent ainsi. A ma gauche, Roberto Saviano. A force de courage et d’engagement, l’écrivain et journaliste, dont le roman-enquête Gomorra a impacté l’Italie et le monde, s’est mué en héraut du progressisme dans une Italie à la dérive. L’homme de lettres est ainsi devenu le premier opposant au gouvernement actuel et une importante figure de la lutte contre la politique anti-migratoire haineuse de Salvini. Face à lui, à l’extrême-droite de l’échiquier politique, Matteo Salvini, volubile ministre de l’intérieur italien usant et abusant de rhétorique populiste. Soutien affiché du Rassemblement National et admirateur de Trump, de Bolsonaro et de Poutine… S’affrontent ici deux Italies aux antipodes. Deux visions du monde qui, lorsqu’elles se confrontent au réel, font des étincelles.
Malgré les représailles constantes, le torrent de haine sciemment déversé sur l’écrivain de la part des trolls proches du pouvoir, les dizaines d’articles à charge publiés par la presse réactionnaire et des menaces de plus en plus précises sur Saviano et son entourage (nous y reviendrons plus loin)… ce dernier ne se laisse pas intimider. Mieux, il émerge aujourd’hui comme une icône de la gauche italienne.
Épisode 1 – Critique de la politique migratoire de Salvini
Saviano vs Salvini, c’est un combat de longue date. Engagé pour une gestion humaine de la question migratoire, l’auteur de Gomorra a très vite pris position contre la dérive populiste de son pays et les saillies anti-étrangers de Salvini. Une voix portant loin alors même que la gauche locale, minée par des querelles internes, peinait à faire entendre sa position humaniste.
Dans les médias et sur les réseaux sociaux, l’écrivain s’insurge contre la très dure politique de Salvini, et oppose cet emballement à solder la question migratoire au manque d’empressement flagrant de la Ligue quand il s’agit de rembourser ses dettes judiciaires ou encore de rejeter certains soutiens douteux dans le Sud. Face aux déclarations fracassantes et aux promesses intenables de Salvini, les mots de l’écrivain racontent par le menu le calvaire des migrants traversant le continent africain puis la mer Méditerranée pour venir en Europe. En juin 2018, première banderille. Dans les colonnes du Monde, Saviano écrit :
«A peine nommé, le ministre de l’intérieur déclare : “Pour les migrants, la fête est finie.” Quelle fête de naître en Afrique, de tout sacrifier et de s’endetter pour tenter de construire un avenir meilleur, dans l’espoir de pouvoir changer la donne et d’aider sa famille qui, en attendant, reste là-bas, parce qu’elle est trop nombreuse, parce qu’elle compte des femmes, des personnes âgées et des enfants qui ne supporteraient pas les souffrances d’un voyage long et éprouvant. Quelle fête de traverser le continent, de voyager entassé dans un véhicule conçu pour dix personnes qui en transporte cinquante. Quelle fête d’aller sans nourriture et presque sans eau, d’être dans la fleur de l’âge et pourtant si fatigué, épuisé, à bout et d’avoir, malgré tout, encore de l’espoir. Quelle fête d’arriver en Libye, de faire l’impossible pour ne pas rester prisonnier dans un camp de réfugiés, de chercher à ne pas devenir une monnaie d’échange entre des ravisseurs assoiffés d’argent et la famille restée au pays qui, pour aider celui qui s’enfuit en Europe, contracte des dettes qu’elle remboursera avec des années de labeur – un emprunt pour la liberté, un crédit pour acheter l’espoir. Quelle fête de payer sa place sur un Zodiac et d’être, peut-être, celui qui sera chargé de le diriger et qui se trouvera de fait considéré comme “passeur” au cas où les choses tourneraient mal. Quelle fête de passer des heures et des heures en mer. En mer calme, en mer agitée. En mer chaude et éblouissante le jour, froide et noire la nuit. Quelle fête d’être écrasé, entassé avec plus de cent personnes sur une embarcation qui prend l’eau de toutes parts, et de se trouver au centre, là où l’air manque, puis d’être assis au bord, les jambes ballantes, engourdies, glacées. Quelle fête d’être enfant et de vivre cet enfer, d’être mère, père, et de se sentir responsable d’avoir emmené ce que l’on a de plus précieux au monde dans une situation de danger extrême. Quelle fête quand le Zodiac ne tient plus le coup, qu’il prend l’eau et que la peur de couler vous tenaille. Quelle fête quand Malte, l’Italie et le reste de l’Europe tentent de se débarrasser de la patate chaude et de l’envoyer le plus loin possible. Quelle fête quand les ONG – ces “taxis de la mer” (copyright Luigi Di Maio), ces “vice-trafiquants” (copyright Matteo Salvini) – sont empêchées de porter secours à des êtres humains, mais que l’on donne le feu vert à la garde côtière libyenne, à elle oui, elle qui est de mèche avec les trafiquants (source : ONU). Quelle fête lorsque l’on transmet à la télévision des vidéos des opérations de sauvetage de cette même garde libyenne et que l’on coupe les longues minutes pendant lesquelles les militaires frappent les migrants, tirent en direction des embarcations et menacent le personnel des ONG.»
Mais un tweet en particulier de l’écrivain semble avoir piqué le ministre de la Ligue : «Quel plaisir cela vous donne-t-il de voir mourir des enfants innocents en mer ? Matteo Salvini, ministre de la Mala Vita, la haine que vous avez semée vous renversera», a lancé Roberto Saviano sous une photo floutée des cadavres…
Épisode 2 – Menace de retrait de la protection policière de l’écrivain et procès
En guise de réponse, le ministre a déclaré vouloir suspendre la protection policière de l’écrivain menacé de mort par la Camorra, ce clan mafieux napolitain analysé et finement décrit par Saviano dans ses livres, reportages et autres œuvres de fiction. Une décision qui, si elle se concrétisait, exposerait purement et simplement l’homme de lettres à la vendetta de la mafia. «Les autorités compétentes évalueront les risques que court Roberto Saviano. Il est normal de savoir comment est dépensé l’argent des Italiens. D’ailleurs, j’envoie un bisou à Saviano.» lâchait le ministre, avec légèreté. La réponse ne s’est pas faite attendre… Dans une vidéo devenue virale, Roberto Saviano déclare :
«Selon toi Matteo Salvini, je suis content de vivre comme ça depuis onze ans ? J’ai une escorte depuis l’âge de 26 ans. Tu penses pouvoir me menacer, m’intimider ? Au cours des dernières années, j’ai subi une énorme pression, celle du clan des Casalesi et des narcos mexicains. J’ai plus peur de vivre comme cela que de mourir comme cela. Alors tu crois que je peux avoir peur de toi ? Bouffon ! Salvini a pour ennemis les immigrés, les gens du sud de l’Italie, qu’il a insultés avant de demander leur vote, les Roms dont il dit que “ceux qui ont la nationalité italienne, on est obligés de les garder”. Je suis fier de figurer parmi ses ennemis. […] Salvini peut aujourd’hui être défini comme “Ministre de la mala vita”, une expression de Gaetano Salvemini. Salvini a été élu en Calabre, et durant l’un de ses meetings à Rosarno, dans les premiers rangs se trouvaient des hommes de la famille Pesce, famille historique de la ‘Ndragheta à Rosarno, affiliés à la famille Bellocco, une organisation de narcotrafiquants très puissante. Il n’a rien dit, il n’a rien dit de la ‘Ndrangheta. Il a dit que Rosarno était connue pour son bidonville dans le monde entier, que c’était son problème, un fief de la ‘Ndrangheta depuis des décennies. Voilà ce qu’est Matteo Salvini […] Retirons à Matteo Salvini la possibilité de continuer à semer la haine. Qui ne le fait pas maintenant sera coupable pour toujours.»
Sans doute agacé par la popularité du hashtag «Rendez l’argent» (relatif au financement douteux de campagne de la Ligue) et, surtout, du hashtag #Ministrodellamalavita sur les réseaux sociaux, Salvini a porté plainte contre l’écrivain. Réaction de Saviano : «Le ministre de la Mala Vita s’est décidé à porter plainte […]. Je ne m’arrêterai pas devant un pouvoir qui a peur des voix critiques. Au tribunal, Salvini sera appelé à dire la vérité, une expérience nouvelle pour lui.»
Épisode 3 – Défendre l’exemple Riace
Les semaines passent et le contentieux entre les deux hommes s’aggrave. Outre la situation des migrants en mer, la passe d’armes va également se cristalliser autour du village calabrais de Riace. L’affaire remonte au mois d’octobre dernier. Fidèle à ses engagements, Roberto Saviano s’y rend alors, en qualité de témoin et de porte-voix. Depuis la fin des années 1990, la bourgade fait en effet figure de modèle. Il a plusieurs années, son maire de gauche, Domenico Lucano, a commencé par y accueillir une centaine de Kurdes dont l’embarcation s’était échouée sur une plage à proximité. Commence alors une expérience étonnamment fructueuse. Sans tarder, la venue de cette nouvelle population va redynamiser le petit village au point de le sauver de la disparition : les maisons se remplissent, les écoles retrouvent leur vitalité d’antan. Au fil du temps, des dizaines de migrants venus des quatre coins de la planète vont prendre la suite des premiers arrivants Kurdes. En posant leurs valises à Riace, ils seront pris en charge, logés et, forts de cette aide initiale, s’insèreront rapidement dans la vie locale. De quoi faire de la ville calabraise un symbole fort : l’emblème d’une gestion dépassionnée de la question de l’accueil des populations allochtones. Et plus que cela encore, la preuve, s’il fallait l’apporter, que l’immigration est gérable, qu’elle ne constitue pas un fléau pour peu que l’on s’engage pleinement dans le processus d’accueil. L’expérience Riace intrigue logiquement. Fort du bilan municipal du maire, la presse étrangère va accourir dans la commune de Calabre. Wim Wenders viendra ainsi y tourner Il Volo tandis que le magazine Fortune placera le maire Lucano parmi les 50 personnalités les plus influentes au monde. L’euphorie sera pourtant de courte durée… C’est que «le petit manège humaniste» de Riace agace le gouvernement Conte. Les discours sécuritaires et la volonté farouche d’en finir avec les migrants portés par le ministre Salvini emportent désormais tout. On accuse aujourd’hui Domenico Lucano d’avoir organisé des mariages de convenance entre des habitants de son village et des femmes étrangères afin de faciliter l’obtention de titres de séjour. Le parquet ordonne également le placement aux «arrêts domiciliaires» du maire, qui, pour couronner le tout, est soupçonné d’irrégularités dans l’octroi des financements relatifs au ramassage d’ordures dans son village. Tout cela ressemble à s’y méprendre à un bâillon politique. Après avoir pris connaissance de la situation, Roberto Saviano diffuse un vibrant appel vidéo pour soutenir le maire Lucano. «Le modèle de Riace est une cathédrale de la liberté qui s’est greffée sur un désert et l’a rendu prospère» lance-t-il notamment, avant d’ajouter : «Lucano est coupable, oui, mais de désobéissance civile ! Son seul objectif en tant que maire a été de sauver des vies, d’accueillir des enfants, de créer un climat d’accueil et de vivre-ensemble». Mais surtout, Saviano, fidèle à lui-même, contre-attaque. Il s’en prend au pouvoir. Maniant l’ironie, l’écrivain pointe un comble : alors que la région est en proie à la corruption et gangrenée par la mafia locale (la ’Ndrangheta), c’est le maire de Riace et plus largement l’immigration, qui sont considérés comme le «problème de la Calabre» par Matteo Salvini ! En appelant courageusement «à résister», Saviano s’est attiré les foudres du pouvoir et de ses sympathisants. Qui ne le lâchent plus, au point de mettre sciemment son existence en danger.
Épisode 4 – Mafia et presse populiste aux trousses
L’épisode 4 de cette triste série commence alors… Puisqu’il utilise ses mots, son nom et sa réputation pour dénoncer les dérives du pouvoir italien, Roberto Saviano se trouve menacé. Le voilà propulsé «opposant numéro 1» à Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur, vice-Président du conseil et patron de l’extrême droite transalpine. Le face-à-face est rude et tous les moyens pour intimider l’homme de lettres sont employés. Y compris le déboulonnage dans la presse… Depuis la rentrée, une série d’articles, de tribunes et d’«enquêtes» portant sur sa vie privée plutôt que sur la production littéraire de Saviano paraissent ainsi à intervalles réguliers. Et tout est bon pour le faire tomber. Dans un dossier spécial, le magazine Panorama s’indigne notamment des sommes prétendument reçues par l’écrivain. Beaucoup de chiffres circulent, la plupart sont évidemment sujets à caution. Et au magazine de marteler : «C’est qu’il en a fait, de l’argent, avec sa bataille contre le mal […] Saviano est devenu une véritable entreprise qui a fait de la Camorra et du crime organisé un business très lucratif.» On notera au passage le sophisme à l’œuvre : un invraisemblable retournement de situation. Pour Panorama, ce n’est plus la Mafia qui tue, corrompt, et entraîne l’Italie dans l’abîme mais bien Saviano qui, puisqu’il vend ses livres, serait fautif. Le mal est fait : ces allégations sont aujourd’hui reprises en boucle sur les forums et les réseaux sociaux. Par tous moyens, on tente de salir l’auteur de Piranhas. Dans un récent article, l’hebdomadaire Courrier International détaille comment «le magazine présente le visage de l’écrivain derrière un filtre rouge, comme pour le diaboliser». Il y a pire encore… Au-delà d’exposer les finances de l’écrivain et de le diaboliser, l’«enquête» anti-Saviano donne surtout la localisation de ses résidences, le nom de sa secrétaire, de ses amis d’enfance ainsi que moult détails sur ses habitudes, son lien à la tradition juive et son entourage. Impossible de ne pas y voir une invitation aux porte-flingues de la Mafia. Et il suffit de creuser un peu pour comprendre les raisons de cette hargne. L’hebdomadaire Panorama, qui appartenait jadis à Mondadori, ex-propriété de Silvio Berlusconi, vient d’être racheté par le journal de droite populiste La Verità. Il ne faut que quelques lignes pour lire la proximité idéologique du titre avec la Ligue du Nord de Salvini, sa rhétorique anti-migrant mais aussi ses éloges récurrents à l’égard de Trump et d’Orban. Voilà, ainsi confondus, les nouveaux ennemis de Roberto Saviano…
Episode 5 – Saviano au secours des naufragés des navires Sea Watch et Sea Eye
Les derniers mois ont offert une série de retournements spectaculaires, pareils à des gifles symboliques assénées à la face du ministre Salvini. A Palerme, Naples, Florence et Parme, faisant fi des appartenances partisanes, plusieurs maires se sont associés pour lancer une fronde contre le décret anti-immigration imaginé par le ministre de l’intérieur italien et adopté le 28 novembre dernier. Les mesures prévoyaient notamment l’interdiction du droit de résidence pour une personne disposant pourtant d’un permis de séjour, suscitant une vive contestation de la classe politique. La manœuvre des maires italiens se concentre alors sur deux objectifs : dénoncer le «caractère inconstitutionnel» de la loi anti-immigration et faire vaciller un pouvoir qui outrepasse ses attributions. Pendant ce temps, Saviano avait publié une vidéo alertant sur la situation critique de 49 migrants, dont des enfants en bas âge, bloqués de longs jours sur deux navires allemands. «Cela fait maintenant 14 jours qu’ils sont laissés à l’abandon en mer. Un nouveau record de la honte», affirmait sur Twitter un collectif d’associations humanitaires et de défense des droits de l’homme. «Arrêtez de faire le clown sur la peau des gens, ouvrez les ports» renchérissait, quant à lui, Roberto Saviano dans son adresse postée sur les réseaux sociaux. La voix grave, l’auteur avertissait ensuite quant au sort des naufragés du Sea Watch et du Sea Eye : «Ces personnes seraient mortes si leurs navires n’avaient pas été en garnison pour sauver des vies. […] Agissez comme un homme : faites débarquer ces gens !». L’appel à Matteo Salvini dénonçait sa «propagande sur 49 innocents» et a suscité des milliers de réactions.
A la fois lanceur d’alerte et formidable caisse de résonance à l’influence planétaire, Saviano poursuit ainsi son œuvre de conscience morale dans un pays souvent tenté par la dérive populiste. Son courage est en passe de devenir contagieux… Comme une brèche fissurant la politique d’intransigeance fermeté de Salvini, la radio RFI avait annoncé il y a quelques semaines que plusieurs villes, parmi lesquelles Naples, avaient déjà proposé d’accueillir les migrants partis de Libye. Cette victoire symbolique de Saviano se paie aujourd’hui cher. C’est désormais devant un juge qu’il devra expliquer l’évidence : la responsabilité civile qu’ont les intellectuels face à la dérive populiste. Tandis que le gouvernement italien tourmente l’écrivain, plus que jamais, La Règle du jeu, son directeur Bernard-Henri Lévy et son comité éditorial clament haut et fort : #IOSTOCONSAVIANO.
Dalinite : Les artistes ne craignent pas l’ouverture de la chasse au satyre. Dans leurs autoportraits par procuration, la fiction emporte tout sur son passage. L’obscénité est consubstantielle à la stridence de l’art, laquelle est investie du devoir d’édifier sur leur compte les hérauts ensablés d’une société civile. Les nouveaux puritains actent la victoire des pulsions agressives qu’ils préfèrent refouler.
Médicible : On n’échappe pas au réel. On ne pose pas de limites à la vérité. On n’altère ni les lieux ni les dates ni les actions d’une performance d’outre-tombe. On ne corrige pas plusieurs milliers d’années d’histoire littéralisable. On ne bannit pas l’acuité d’un archer. On peut, à la limite, limite du ridicule, s’entêter à la réfuter.