Il y avait quelque chose d’hypnotisant à suivre, hier en ce dimanche pluvieux, les émissions consacrées au remaniement. Des premières heures de la matinée à la fin de soirée, en boucle sur BFM et Itélé, on tentait, comme on le pouvait, de tenir en haleine des hordes de téléspectateurs avides d’information. Qu’allait-il advenir de la France ? Que nous mijotaient donc Nicolas Sarkozy et François Fillon ? Cela faisait maintenant plusieurs semaines que la presse excitait les curiosités avec des scenarii fantasmagoriques et la chose politique avait soudain plus du jeu de l’oie ou du paris hippique que de l’affrontement d’idées. Les plus pessimistes égrenaient leurs intrigues : et si le Président continuait à courtiser la Droite de la Droite ? Et si, par exemple, Philippe De Villiers entrait au gouvernement ? Glaçant…
En ce dimanche de novembre, la concordance des actualités, littérature d’un coté, politique de l’autre, donnait à voir un spectacle savamment coordonné ; la France avait des airs très houellebecquiens. Comme l’auteur récemment primé, Marianne tentait le divertissement comme une bouée de sauvetage, comme une dernière astuce avant de se résigner, définitivement. On aurait très bien pu le retrouver ce dimanche de novembre dans le dernier livre de l’écrivain à la parka : sous nos yeux se mêlaient en effet un habile mélange de name-dropping et d’absurde comédie humaine. Comme pour bien coller au tableau, pour que le fond et la forme concordent parfaitement avec l’esprit du dernier Goncourt, le ton des journalistes empruntait à la narration objective, froide et détachée. Qui entrerait ? Qui sortirait ? Quid de la politique d’Ouverture ? Personne n’en savait rien mais tout le monde y allait de son petit pronostic.
Hier, le traitement journalistique avait donc de quoi surprendre. Surprendre et énerver. Car autant le commentaire a posteriori peut être sain en ce qu’il décrypte, analyse et dissèque, autant la glose a priori, en boucle et pendant des heures, est vaine. Vaine car elle n’a aucun but, stérile car elle « equationne » dans l’air et selon la rumeur… Je n’aime pas la rumeur, je ne l’ai jamais aimée. Peu a peu, dans un monde qui perd ses repères, la rumeur devient aussi importante que le fait vérifié et c’est bien la vérité qui sous nos yeux succombe à petit feu. Impassiblement nous sommes spectateurs de sa mort ; voilà bien la tragédie du relativisme.
A dix heures, dès que la télé s’allume, une masse de bandeaux envahit l’écran. Flash Spécial, Remaniement 2010, l’animateur, des trémolos dans la voix nous annonce un « dispositif exceptionnel ». Pas de doute, mon dimanche sera excitant !
Des semaines d’attente et cela va donc se jouer ce dimanche. Quelque part c’est tant mieux car d’ordinaire les dimanches sont emmerdants. Seulement aujourd’hui c’est diffèrent ! Le goût du café chaud dans la gorge et très vite les premiers bruissements. Borloo, échaudé par la reconduction de Fillon, n’accepterait aucun des postes qu’on lui propose. Dommage car on l’aimait bien Borloo, il n’était ni tout à fait à Gauche, ni tout à fait à Droite : il s’occupait d’environnement. Borloo aimait le dialogue social et la concorde, cela on le savait depuis son temps valenciennois et, avec plus de certitude encore, depuis le Grenelle auquel il tenait tant. Mince, c’est effrayant ! Sans même faire attention, on emploie déjà le passé pour parler de Jean-Louis. Au revoir et merci !
La caféine commence à faire son effet et l’on réfléchit. Borloo parti, qui adoucira l’image d’un gouvernement qui ne s’est que trop illustré par ses détours vers l’extrême droite ? Qui pour jouer les pendants sympathiques de Besson et Hortefeux ? On cherche, on cherche et l’on se prend au jeu. Dès lors, dès qu’une porte s’ouvre place Beauvau ou à l’Élysée, c’est l’émeute. Les émeutiers, eux, ont une drôle de dégaine : ils portent micros, parapluies et cameras, se bousculent et s’invectivent jusqu’au bout de l’ennui. Si l’on est bien placé, si l’on réussit à décrocher en exclusivité l’interview que les autres n’auront pas, on gagnera sa promotion. Devant les portes des ministères, des égos ministériels démesurés côtoient ces petites luttes de pouvoir mesquines et bas de gamme, rivalités de journalistes en quête de renommée.
Il est maintenant midi. On annonce désormais Alain Juppé comme entrant probable. Un beau ministère, cet historique de Droite le mérite bien, ne serait-ce que pour services rendus à la chiraquie… En plateau, le présentateur meuble maintenant comme il peut. Il nous répète trois fois la même chose en changeant les intonations et nous annonce un hypothétique déroulement des opérations. Ça parle beaucoup, ca parle souvent trop. Et inévitablement, des perles. Ce dimanche sur Itélé, on a tout même entendu cette phrase incroyable: « On assiste à un véritable coup d’Etat ! » Un coup d’Etat, allons donc ! Vade Retro Mitterrand ! Nous rejouerait-on là la thèse du Coup d’Etat Permanent ?
On le sentait venir, le glissement précédemment évoqué arrive. Rivés sur nos écrans, nous voyons désormais autre chose que des journalistes : les présentateurs de JT se font oracles. Dans leurs délires télégéniques, ils entrainent maintenant la communauté des téléspectateurs. Vient le temps des formules toutes faites. Il y a le fameux « C’est donc presque sûr », le très couru « on en a désormais la quasi-certitude » et le légendaire « Il faut parler au conditionnel, mais selon nos informations… ».
L’heure tourne. Tiens, Ruth Elkrief à l’écran ! Bon sang mais que fait-elle sur la TNT ?
Devant leurs téléviseurs, les pauvres téléspectateurs sont tendus. Pour les nourrir, on ajoute à leur inquiétude en allumant un nouveau foyer de tension avec ce concept terrifiant de « Vacance du pouvoir ». Vacance du pouvoir… En y réfléchissant bien, l’expression donne le vertige.
Fin d’après-midi. Arrivent les poids lourds de l’information des deux chaines précitées. Il faut maintenant faire un choix : Itélé ou BFM et ce sera définitif! Lorsque Mazerolle fait son apparition rassurante, j’opte pour les bleus. Les choses sérieuses commencent alors ! On sait maintenant qui partira. Kouchner, Yade, Amara out ! Finalement pour ces trois-là c’était inéluctable, ils n’avaient, dès le départ, pas assez d’UMP dans leur ADN politique. Par la petite porte ils sortent donc du gouvernement Fillon. A long terme l’Ouverture n’est qu’un mirage. Dommage ! Lentement les minutes passent et l’attente se fait exaspérante. On détourne les yeux du téléviseur. En famille, la discussion va bon train. Malgré les déceptions, les affaires et l’abstention, la politique intéresse toujours autant les Français. A l’écran un journaliste trébuche, on remet le son, un commentaire nous amuse ou nous consterne. La speakerine parle « du ballet des Vel Satis ». Bravo pour le placement de produit ! Alors que l’avenir de la France est en jeu on ne nous parle que du modèle des voitures qui entrent et sortent des ministères. Il n’y a que ça et rien d’autre pour nous rassasier. Dans le salon on entend « La Vel Satis ne vaudra jamais la DS gaullienne »… Et de nouveau, débat de famille !
Et finalement l’heure fébrile de l’annonce de la composition du nouveau gouvernement arrive. Regardez les mines réjouies et l’air triomphal des commentateurs-qui-vous-l’avaient-dit ! Pas de grande surprise dans ce gouvernement Fillon et l’on reste sur sa faim. Tout ca pour ca ? On attendait du grandiose, des rebondissements, du spectaculaire et de l’inattendu. Et finalement c’est à peine critiquable. Tout juste discutable. Très vite, les premières réactions en direct des QG des grands partis. A Gauche, on cite Shakespeare et récite un texte écrit à l’avance : Rien ne change et Sarkozy nous enfonce. A Droite on porte déjà aux nues ce gouvernement en mission pour préparer la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012. Les centristes se démarquent comme ils le peuvent. Le FN exagère ! Les extrêmes gauchistes donnent dans la surenchère ! Douce monotonie de la vie politique française où tout change et finalement rien ne change. Le seul gagnant de la journée, c’est votre écran de télé ! Pour les combats de pensée, il faudra repasser !
Jolie photo de Zorro et Bernardo…
P.S. : En cas d’ambiguïté, ce commentaire ne traduisait pas un sentiment personnel, juste le sentiment que ce désir de Fillon vise la régression davantage que la continuité. Si nous voulons vraiment un changement de méthode, commençons par virer les directeurs marketing d’Universal Music. Il faut rendre la musique à qui sait la faire, et l’univers à qui sait le faire pour espérer qu’une série d’accords musicaux ou sociaux s’accomplissent en une suite harmonique, ou même qu’un enchaînement dysharmonique délibéré induise au génie d’un compositeur.
Lenny Kravitz joue pour de vrai. Y déchire, le buddy! ça fait pas semblant de faire mal. Mais il suffit de sortir mon attelage de saphir et de creuser le premier sillon de mon champ électrique, et le vrai roi Jimi me téléporte à n lieues de mes temps orageux. J’en oublierais presque la chaîne de cercueils warholienne se bousculant dans mon assiette comme Viet à l’entrée d’un cylindre de soupe Campbell au sang. «J’y pense et puis j’oublie», comme disait Jacques Lanzmann. «C’est la vie, c’est la vie» d’un homme au rêve d’enfant demeuré onirique, mais un rêve a-t-il jamais réchappé des radiations d’un réveil exterminateur? Tout ça, ça me fiche l’envie de rentrer sous l’igloo, renfiler ma peau d’ours, m’affaler sur le dos telle une poupée de paille, et observer dans mon miroir concave le film Super 8 du temps béni où mon loyer n’était pas à payer, en tout cas pas par moi, car ce soir, c’est Numéro 1, la vedette des Carpentier? Serge Gainsbourg! et à midi, Le Petit Rapporteur, et l’interview de Druon à la brosse à reluire, par Stéphane Collaro. J’aimerais tant que les temps changent, pour moi s’entend, mais à défaut de changement, impossible de ravoir l’homme à la tête de chou, _ le vrai, _ sans désirer en même temps le retour d’un accordéoniste à l’hôtel du comte d’Évreux.
Remaniement: moi c’est moi, lui c’est moi
Quand on me fait mal Je deviens malin… J’ai rêvé que j’étais dans la peau du Président sur le perron de l’Elysée Un matin qui ne figure pas sur le calendrier Ne sachant plus s’il devait se prendre pour le marquis de Sade ou pour Sacher-Masoch. Ça donne le vertige… de ne pas savoir s’il doit donner la fessée ou la recevoir de ces français qui ne mesurent pas encore l’horreur de la nature… humaine… Lautréamont disait : « montre-moi un seul homme bon » et le président rétorquait : « Et vous oiseau de mauvaise augure, montre-moi une seule femme vraie »… et toc ! Parce que sa femme, sa moitié ou son double c’est comme vous le sentez… était à la une de tous les journaux dans les bras de son amant. Du fond de mon sommeil paradoxal, je m’arrachais la peau, les vaisseaux, les boyaux… Comment elle fait, comment elle a fait pour refuser sans la moindre hésitation deux monstres sacrés : le pouvoir et la gloire en même temps ? Comment elle a fait pour mettre une croix sur deux divinités sans se soucier du séisme, du volcan, du mal absolu qui allait engloutir son alter ego : monsieur le président ! Pour tout vous dire j’y avais jamais cru à l’amour avant ce jour… Je suis dans sa peau…ou dans la peau de celle qui lui a fait la peau… Je ne sais plus ! C’est confus ! Et je me dis en me prenant pour lui, que si je relève ce double défi : Vaincre l’humilité et l’humiliation… je serai immortel… Et je le voyais prier pour la première fois de sa vie le seigneur des agneaux, pour qu’il le rende insensible à l’infamie ! Juste le temps de retrouver la porte de sortie. Au Fouquet’s il a réalisé au bout de quelques secondes… que ce sera elle la vénus à la fourrure qui va lui permettre de prendre sa revanche sur le funeste destin d’un homme, Qui avait déjà les yeux crevés quand il vit la vérité ! L’adultère sans raison… c’est la définition même de la passion non ? Cette nouvelle promue sera providentielle même si elle n’est pas tombée du ciel Avant de le lui demander… Il savait déjà qu’elle allait dire oui… Sa main c’était … la main de Dieu… Parce que l’enjeu ce n’était pas l’honneur perdu d’un vers de terre… Mais les draps souillés de tout son univers J’exagère à peine… Il ne croit pas en Dieu Mais il peut le jurer aujourd’hui, que ce soir là, il y était… aux Fouquet’s… il y était ! Il a retourné le destin….d’un revers de main ! Et il voudrait maintenant en faire autant avec l’opinion qui l’a abandonné au fil du temps. Dream is over…