Quand je pense à Emmanuel Macron, je pense à sa jeunesse. Et me viennent à l’esprit deux images.
Celle de Kennedy selon Norman Mailer, dans son article fameux de Esquire, paru trois semaines avant l’élection: mystérieux, lui aussi… sous les radars de son époque… et un événement, disait-il, moins politique qu’existentiel car faisant renouer l’Amérique avec son aristocratie secrète…
Et puis celle d’Alcibiade, l’encore plus jeune général et homme d’Etat athénien du Ve siècle dont le désir brûlait d’un feu si intense qu’il pouvait, racontait Platon, accoucher du pire comme du meilleur – les reniements les plus improbables non moins que, s’il écoutait la voix de la «vertu», les accomplissements les plus nobles…
Emmanuel Macron en est là.
D’un côté, ce parfum d’aventure personnelle; ce mouvement dont le slogan (En Marche !) fut greffé sur ses initiales (EM); cette ferveur un rien vitaliste; ce retour du romanesque en politique avec sa part d’excès possible et d’hubris; cet art de n’être pas grand-père et ce congé, trop «jeuniste», donné à la vieille politique; et tant pis pour les chênes qu’on abat; et tant pis si tant de passion désirante donne parfois l’impression de verser dans la néomanie, c’est-à-dire dans la certitude trop simple qu’avancer pour avancer vaut mieux que demeurer là où l’on est.
Et puis, de l’autre, ce maître qui, comme Alcibiade, l’attend au tournant de sa longue marche pour, le moment venu, lui demander compte de sa flamme: ce ne sera pas Socrate qui, cette fois, le fera comparaître mais le peuple; et la question qui lui sera posée lors de l’élection puis, s’il gagne, au premier jour de son jeune règne sera moins de savoir s’il «connaît la vertu» que s’il a une autre raison d’être là que, comme tant d’autres, l’ambition, la persévérance dans son être, la volonté de vengeance ou de néant – toutes ces versions, au fond, d’une seule et même politique fantôme…
*
On peut, en d’autres termes, s’égosiller à demander s’il a, ou non, «un programme» (ce qui n’empêche pas les mêmes de piller, soir et matin, son supposé non-programme).
S’il est, comme cela se dit, le clone de François Hollande, son fils caché, son projet secret, le Christian d’un Cyrano élyséen lui soufflant ses répliques, une mère porteuse d’un nouveau genre assurant la gestation pour autrui d’une idée ourdie par un père empêché (pour moi, hélas, il est plutôt Brutus).
On peut se demander s’il est trop seul ou trop encombré.
S’il manque de soutiens ou s’il a tort de refuser du monde.
S’il aura, élu, une majorité de gouvernement ou si les vainqueurs de mai ne sont pas, déjà, les défaits de juin.
On peut hurler – là, on est proche de l’ignominie et on tombe de Péguy en Aubry – qu’il n’aime pas les gens mais l’argent et lui demander lourdement de décliner l’identité de ses «gros donateurs».
Aucune de ces questions n’est décisive.
Car toutes participent de ce paradoxe qui semble avoir été réinventé pour lui vingt-cinq siècles après qu’un autre Grec, Zénon d’Elée, prétendit démontrer qu’Achille, quoi qu’il arrive, ne rattrapera jamais la tortue: ici, Zénon a commencé par prédire qu’Achille-Macron ne se mettrait pas en mouvement; puis que, s’il le faisait, la primaire de la droite serait son tombeau; puis, que ce serait la primaire de la gauche qui fermerait de marbre et de plomb le sépulcre; puis que Bayrou, quand il irait, lui grappillerait de précieux points; puis que le Béarnais, rallié, allait le ringardiser; bref, nos Zé- non anti-Macron n’en finissent pas de constater, depuis le tout premier instant, la fissure dans l’édifice, la cendre sous la gloire, l’incendie qui couve; c’est un étrange tour de l’esprit de nos experts en élection qui fait dire de chacune de ses batailles gagnées qu’elle l’éloigne un peu plus, et irrémédiablement, de la victoire finale; mais tout cela n’a guère d’importance; car, les choses étant ce qu’elles sont et ce démiurge de soi ayant, étape après étape, déjoué tous les pronostics des faux sagaces, la seule question qui compte est de savoir ce qu’il dira au maître, c’est-à-dire, je le répète, au peuple lorsqu’il paraîtra devant lui.
*
Ira-t-il au bout de sa volonté affichée de franchir les Rubicon idéologiques?
Saura-t-il cueillir en un bouquet, comme il n’a cessé de le répéter, les roses et résédas de nos croyances?
Que fera-t-il de ce carrousel de paroles mortes, thrombosées par les vieux partis qui sont tous, aujourd’hui, de grands cadavres à la renverse?
Puisque, comme les abeilles de Montaigne, il prend partout thym et marjolaine, se contentera-t-il d’en faire son miel ou sera-ce le creuset d’une parole neuve?
Et ce quadrille des ralliements, ce supplice lent infligé aux grandes formations, transforment-ils juste En Marche! en Arche de Noé pour éléphants de gauche, dinosaures de droite et chevaux de retour de toutes tendances venant se sauver du déluge – ou est-ce le prélude d’une recomposition réelle?
Et cette façon de tenir un point de vue et son contraire – droite et gauche, France et Europe ou, en Algérie, patriotisme et repentance: calcul? indécision? ou signe d’une volonté nouvelle de casser la grille «décisionniste» ami-ennemi qui reste le venin secret de la République dite Cinquième et la met si souvent au bord de la guerre civile?
Carl Schmitt ou Benjamin Constant, il faut choisir.
Le Grece ou les Gracques – et le vrai moyen de sortir, par le haut, du populisme: telle est la question.
Je préfère Emmanuel Macron parce que je ne connais pas, compte tenu de l’offre politique disponible, de meilleur moyen d’écarter ceux qui, dans la hargne ou l’amertume, naufragent la République ou ajournent le moment du sursaut.
Nous ne considérerons pas qu’un homme, qui se déshumanise au point de gazer une partie de son peuple, ne peut raisonnablement pas se maintenir à la tête d’une nation souveraine consubstantielle à la surface d’un globe que la totalité de l’espèce humaine a en partage pour aller, dans le même temps, sous-texter au bas monde que le fait de gazer une partie de son peuple ne pouvait constituer une raison suffisante pour chasser de la tête d’une nation souveraine consubstantielle à la surface d’un globe que la totalité de l’espèce humaine a en partage une Bête, qui s’était exclue de la quadrature du cercle de Vitruve au point de maquiller en acte de défense légitime son crime contre l’humanité.
Nous n’affirmerons pas que les intérêts économiques d’un pays ne sauraient décemment servir de prétexte à l’invasion militaire d’un autre à seule et unique fin de permettre au premier de mettre la main sur les ressources énergétiques du second, fût-il administré par un régime dictatorial, pour aller, dans le même temps, occulter le fait que la poursuite des négociations destinées à éviter d’entrer en guerre contre une nation souveraine consubstantielle à la surface d’un globe que la totalité de l’espèce humaine a en partage fournit, au présent comme au passé simple, un formidable prétexte à la défense des intérêts économiques d’une grande puissance militaire.
On est Michael Moore pour tous ou bien on l’est pour rien.
De l’antifascisme avant toute chose et pour cela préfère Macron plus libre et plus soluble dans la gauche et la droite pour faire un front républicain dès le premier tour, contre la menace Le Pen qui plane sur la France.
De l’antifascisme avant toute chose et pour cela préfère Macron plus libre et plus soluble dans la gauche et la droite pour un front républicain au 2ème tour et battre Marine Le Pen si cette menace est effective, si c’est un autre candidat, je pense que la droite en grande partie votera Front National puissé-je me tromper!
Pour paraphraser Groucho, je ne saurais me ranger derrière quiconque se serait révélé incapable de me suivre.
Il faut tout de même avoir l’esprit tordu pour appeler, comme nous le faisons, le candidat de cette gauche libérale au prisme de laquelle nous nous sommes forgé une conscience politique à voter contre soi, et ce dès le premier tour. Ou simplement, restituer de la manière la plus fidèle possible un labyrinthe électoral duquel il nous faudra sortir à temps si nous voulons conserver une chance infime d’en ressortir vivant. Sauver le pluralisme est ce que je préconisais à une époque où l’on risquait de finir au goulag pour avoir rappelé aux camarades socialistes que Blum ne serait pas Blum s’il se montrait incapable de distinguer entre Mandel et Pétain. Je demande donc à Emmanuel Macron de sauver l’héritage de la France libre à l’intérieur, et d’autant plus à l’extérieur d’En Marche. Je lui demande de donner une leçon de démocratie aux grands partis de gouvernement qui ne sont plus aujourd’hui que les caricatures d’eux-mêmes quand, au lendemain d’un 14 juillet plus éméché que jamais, leurs concitoyens rassemblés dans l’épreuve leur apparaissent sous la forme d’électeurs potentiels. Je lui demande de se constituer une majorité républicaine, et de veiller à ce qu’une opposition non moins républicaine soit en mesure, à ses côtés, de jouer son rôle face à l’opposition antirépublicaine. La République ne sera jamais réductible au consensus. Elle se caractérise par son aptitude à trancher dans le tumulte des idées. Macron fut d’accord sur tel point avec Hollande, sur tel autre avec Sarkozy. Il acceptera donc le désaccord avec l’un comme avec l’autre, et se gardera bien de leur tenir rigueur de cela, ce qui nuirait fortement à sa recherche salutaire des lignes de convergence.
Le projet panarabe prend sa source en Nasser et débouche sur Assad. En cours de route, il roule dans l’étendard de la Reconquista islamica son prototype de bouclier humain, tirant profit d’une amnésie culturelle qui, soit dit en passant, est propre à la mémoire fragmentée de tout colon de peuplement transbahuté par la logique des empires, que ces derniers fussent romains ou byzantins, catholiques ou islamiques, successivement ou simultanément déboutés de leurs funestes prétentions. Le prochain président de la République française aura à cœur de se positionner en faveur d’une solutions à deux États pour deux peuples dans cette région de l’Histoire qui vit naître le monothéisme et les Lumières qui en procédèrent pour partie. Il n’y a pas d’équidistance qui tienne entre bien et mal, or le panarabisme porte le nom d’Assad et les Palestiniens qui partagent notre quête d’une solution pacifique s’attacheront, avec nous, à brûler son drapeau. Le pan-nationalisme ne saurait être débectant et délectable à la fois, sauf à ce que l’acception dans laquelle nous nous autorisons à prendre l’homme nous efface de sa face.
Comme Benoît Hamon, dans l’hypothèse d’un second tour Mélenchon/Le Pen, je ne tergiverserai pas un quart de seconde entre, d’une part, un républicain aussi travaillé qu’il soit par le virage stalinien des Brigades internationales et, d’autre part, une fille de Pétain reprenant à son compte une formule gaullienne motivée en son temps par le risque national-révolutionnaire que faisait peser sur l’État français toute une génération de hauts fonctionnaires reconduits dans leurs hautes fonctions. Et comme Benoît Hamon, je choisis, j’imagine, le candidat du premier tour qui s’avère être le mieux placé pour nous épargner un second tour europhobe et pactisant avec Poutine sous couvert de non-agressivité. Il serait pour le moins naïf d’évacuer la probabilité d’une victoire du répulsif cutané le plus décomplexé sur des terres où il faut bien admettre qu’aujourd’hui, il faut gueuler « Silence! » comme le maître d’école des années trente pour, avec un peu de chance, écourter au bout de vingt secondes la minute de conscience qu’on réclame à sa classe face à une mer de sang.
OUI ! OUI ! OUI ! et ENCORE OUI : au retour du romanesque en politique avec sa part d’excès possible et d’hubris ; cet art de n’être pas grand-père et ce congé, trop « jeuniste », donné à la vieille politique ; et tant pis pour les chênes qu’on abat ; et tant pis si tant de passion désirante donne parfois l’impression de verser dans la néomanie, c’est-à-dire dans la certitude trop simple qu’avancer pour avancer vaut mieux que demeurer là où l’on est.
Retour qui me fera reprendre le chemin des urnes !
Comme disait l’éminent philosophe Jean-Baptiste Botul : » Avec de tels amis, on a pas besoin d’ennemis »
Par votre soutien, vous ferez perdre des voix à Macron .
Merci beaucoup cher BHL;-)
Cher Monsieur,
Oui, nous avons peur d’y croire à nouveau. Mais.
Mais, sauf candeur de ma part, Monsieur Macron ne s’appuie pas sur une famille liée à la mafia.
Mais, ce qu’il a fait en un an, qui l’a fait?
Mais Brutus? Mais alors Fillon serait Auguste?