Deux matchs, deux défaites et sept buts encaissés. L’Espagne, championne du monde en titre est éliminée du Mondial brésilien avant même de jouer son dernier match de poule. Chronique d’une fin de cycle surprenante mais pas imprévisible.
Des espagnols épuisés, morts avec leurs idées… C’est un choc, une véritable déflagration. Après deux matchs joués et un total de sept buts encaissés, la sélection espagnole est éliminée de la Coupe du Monde. Casillas, Xavi et Iniesta repartent donc défaits, la queue entre les jambes. Epuisée, sans envie, l’Invicible Armada de la précédente édition ressemblait hier, contre le Chili, à une équipe désorientée et impuissante. Incapable de répondre au rythme imposé par la Roja chilienne, la sélection espagnole fut également inapte à s’opposer à l’envie des joueurs de Jorge Sampaoli.
D’entrée, les chiliens ont mis la pression sur le but de Casillas. Le gardien du Real Madrid, maintes fois sauveur de sa sélection par le passé (on le surnomme d’ailleurs « San Iker ») paraît, depuis plusieurs matchs, avoir la tête ailleurs. Ses sorties aériennes sont approximatives, ses prises de balles ne sont plus décisives. Le gardien expérimenté n’est aujourd’hui plus que l’ombre de lui-même. Sa place de titulaire au Real Madrid est menacée et il serait logique qu’il ne soit pas reconduit pour le troisième et dernier match de poule de sa sélection au Brésil. Existe-t-il chez Casillas une forme de lassitude du haut-niveau ? C’est bien possible… Et ce ne serait finalement pas si terrible. Dominateurs tout au long de la dernière décennie, les machines à gagner espagnoles redeviennent, grâce à la défaite, de simples hommes. Loin de leur tradition de beau jeu, ils furent parfois violents. Hier, contre le Chili, Xabi Alonso, auteur d’un tacle grossier, aurait pu écoper d’un carton rouge en première mi-temps (on ne lui accorda qu’un jaune). Plus tard, en seconde période, le défenseur Sergio Ramos s’est essuyé les crampons sur un adversaire sans être averti. Exaspérés par la défaite, honteux, les joueurs de Del Bosque ont perdu leur maîtrise. C’est humain. Face au Chili comme face aux Pays Bas, les espagnols paraissaient émoussés mais surtout caricaturaux. Dans l’enceinte mythique du Maracana, les ibères sont ainsi morts avec leurs idées : la possession de balle, le tiki-taka, ce jeu de passes courtes, dans les pieds, sans approximation. Le temps de deux Championnats d’Europe et d’une Coupe du Monde ce fut magnifique. Hier, ce fut triste et inefficace. Une fin de cycle.
Diego Costa en bouc-émissaire d’une nation déçue. Fidèles à eux-mêmes et à l’ADN de leur jeu, les joueurs espagnols n’ont pas tenté de frappes lointaines et n’ont que trop peu centré. Pourtant Vincente Del Bosque, leur sélectionneur, les avait cette fois pourvu d’un point d’appui courtisé par les plus grands clubs du monde : Diego Costa. Ce dernier, joueur de l’Atletico Madrid né au Brésil et ayant porté les couleurs de la Seleçao, a fait le choix contesté de disputer la Coupe du Monde avec l’Espagne. Le résultat ? Lorsqu’il foule les pelouses brésiliennes, le joueur est conspué par le public local, celui de ses ex-compatriotes. Diego Costa est-il un traître à la nation brésilienne ? Plongés dans un domaine qui fonctionne beaucoup à l’affect et à l’amour des couleurs, beaucoup de fans de football le pensent. Restons quant à nous sur le plan sportif. Là, le bilan de Diego Costa lors de cette Coupe du Monde se fait objectivement médiocre. En deux matchs, l’attaquant de pointe, celui qui devait être le principal pourvoyeur de buts de la Roja, affiche son impuissance par une statistique très parlante : aucun but marqué, cinq frappes tentées, aucun tir cadré…
Diego Costa, voilà bien une erreur de casting. Le joueur ne s’est jamais habitué à l’ambiance particulière du vestiaire espagnol, un assemblage de champions ayant tout gagné ensemble. Y faire son entrée, s’y intégrer n’est pas chose aisée. Le fait qu’il ne provienne pas de l’aristocratie footballistique espagnole a dû jouer en sa défaveur : Diego Costa, ce n’est ni le Real Madrid, ni le FC Barcelone. C’est l’Atletico Madrid, club des éternels perdants magnifiques (cette année champions d’Espagne). Pas de noblesse chez les colchoneros, ce sont des laborieux. Comme son nom l’indique, L’Atletico mise d’abord sur le physique et le mental pour gagner. Les génies sont ailleurs. Sur le papier, Diego Costa n’avait pas les cartes pour s’imposer en équipe d’Espagne. Il lui faudra peut-être attendre le départ des cadres et l’intégration de nouveaux joueurs pour devenir incontournable. Ce serait là le scenario positif. Mais au lendemain de l’élimination la presse espagnole est sévère. Elle impute à l’attaquant de l’Atletico une large part de la défaite et transforme Diego Costa en bouc-émissaire d’une nation déçue. Voilà comment la Coupe du Monde couronne ses champions mais brise aussi des destins…