Depuis le 7 octobre, un certain nombre d’organisations structurées, largement financées et coordonnées internationalement par des groupes et/ou puissances étrangères mènent un combat plus large de délégitimation d’Israël, de radicalisation de la jeunesse étudiante conduisant à une discrimination et une ostracisation des étudiants juifs sur tous les campus.

Ce mouvement a obtenu ses meilleurs et plus visibles résultats en France dans mon École, mon université, Sciences Po.

Ce mouvement touche tous les pays occidentaux. Il est le fruit d’une stratégie pensée et coordonnée par des organisations liées au Hamas, aux frères musulmans dans plusieurs pays et évidemment profitant du soutien de l’Iran.

En tant que professeur associé à Sciences Po, enseignant depuis 33 ans, membre de son conseil de direction depuis 17 ans, j’ai pu assister et tenter de combattre les modes opératoires de ces mouvements structurés et dangereux qui ont conduit à du harcèlement et des discriminations contre plusieurs de nos courageux étudiants juifs.

Je souhaiterais, lors de cette si essentielle soirée que nous devons à notre veilleur infatigable des Lumières et de la démocratie, vous très cher Bernard, tenter modestement de répondre à cinq questions :

Quel mouvement est le fer de lance de cette mobilisation ?
Quels sont leurs objectifs ?
Quels sont leurs relais associatifs étudiants et politiques ?
Quels sont leurs modes opératoires ?
Quelles en sont les conséquences en fonction des réponses des directions des universités ?

1) Quel mouvement est le fer de lance de cette mobilisation ?

Le principal mouvement à l’œuvre est Students for Justice in Palestine. Plus connus sous son acronyme SJP. Ce mouvement a été créé dans les années 90 par Hatem Bazian, Palestinien professeur de droit islamique et chargé de cours à Berkeley. Il a collecté des fonds pour une organisation dissoute par le trésor américain qui finançait le Hamas. Ce mouvement est celui qui orchestre avec les mêmes mots d’ordre « From the river to the sea, Palestine will be free » (« de la rivière à la mer la, Palestine sera libre ») et assume vouloir « exporter l’intifada » sur les campus du monde entier. Ils financent, distribuent et utilisent les mêmes symboles, les mêmes drapeaux et tenues étudiantes de tous les mouvements au sein des universités américaines de Harvard, à Columbia et MIT, mais aussi en France à Sciences Po, Dauphine, Normale Sup, la Sorbonne et tant d’autres. Ils diffusent les mêmes slogans et les mêmes argumentaires partout.

Une antenne de SJP a ainsi été ouverte à Sciences Po, le 11 octobre, à l’instigation d’un étudiant palestinien en échange de l’université Bir Zeit à Ramallah. Dès son arrivée en septembre 2023, il a déposé une demande d’ouverture d’une telle antenne. Après avoir réuni les cinquante signatures d’étudiants nécessaires, il a été autorisé conformément au règlement intérieur à lancer, le 11 octobre, soit quatre jours seulement après les massacres barbares d’sraéliens, la section « SJP Sciences Po »

Le 21 octobre, deux semaines après les pogroms commis par le Hamas, et avant toute offensive israélienne, SJP Sciences Po commençait à dénoncer un « génocide » à l’œuvre contre la population palestinienne avec la même chronologie et les mêmes mots d’ordre que sur les campus américains.

2) Quels sont leurs objectifs ?

Leur premier objectif est la délégitimation d’Israël en appelant au boycott universitaire des universités israéliennes. C’est leur première et récurrente demande. Ils cherchent, dans la lignée du mouvement BDS qui avait échoué il y a 20 ans, à rompre les coopérations scientifiques de tous ordres, échanges de professeurs, d’étudiants, travaux en commun, pour affaiblir profondément les avancées technologiques israéliennes comme l’intégration d’Israël dans le champ des connaissances du savoir international et universaliste.

Leur deuxième objectif est la radicalisation de la jeunesse occidentale pour les rapprocher au travers d’une cause qui peut paraître humanitaire des mouvements de l’Islam radical et consolider au passage leurs liens avec les gauches radicales en occident.

3) Quels sont leurs relais associatifs étudiants et politiques ?

Le succès de SJP notamment à Sciences Po a été sa capacité via la création d’un Comité Palestine d’intégrer grâce à un activisme structuré et déterminé, les syndicats étudiants d’extrême gauche comme Solidaires proche de Sud et l’Union Étudiante, le syndicat étudiant de LFI. Ce Comité peut aussi s’appuyer sur le soutien des associations étudiantes, ATTAC Sciences Po, les Garces et Révolution-tendance marxiste internationale.

Ces relais leur ont permis d’obtenir le soutien actif et militant de nombreux députés LFI, de Jean-Luc Mélenchon et de leur nouvelle égérie, Rima Hassan qu’ils ont invité à Sciences Po le 5 mars, juste une semaine avant l’occupation illégale du principal amphi Boutmy, renommé Gaza.

4) Quels sont leurs modes opératoires ?

Ils utilisent les réseaux sociaux avec des pages Instagram, Le comité Palestine Sciences Po a réussi en quelques mois à monter un groupe Instagram avec près de 9.000 followers. Ils mobilisent très vite via des boucles WhatsApp qu’ils saturent d’images violentes en provenance de Gaza. Sans jamais la moindre condamnation du pogrom de masse du 7 octobre, ni l’évocation du sort des otages israéliens. 

Ils impriment des affiches de Palestiniens tués à Gaza, sans savoir s’ils sont ou pas des combattants du Hamas et envahissent tous les panneaux de Sciences Po. Ils distribuent des drapeaux palestiniens, des keffiehs. Et avec le même modus operandi tous leurs militants sont masqués de noir. Ils mobilisent aux cris de « Génocide à Gaza »« Halte à l’apartheid israélien » et la semaine dernière devant la salle du conseil de direction de Sciences Po où je me trouvais, ils scandaient « Intifada, Intifada ». Ils surjouent la victimisation et à la moindre contestation, ils vous traitent d’islamophobe ou de sioniste-fasciste.

Mais surtout ils cherchent à réduire au silence des étudiants comme des enseignants qui les contestent. Leur cible première est l’UEJF. Ils incitent à l’ostracisme. Tout juif devient un sioniste, tout sioniste est un complice des actions de Tsahal et donc tout juif qui ne se déclare pas publiquement antisioniste est un étudiant qu’il faut écarter, réduire au silence.

L’antisémitisme à Sciences Po c’est cela, c’est l’invisibilisation des étudiants juifs dans l’espace universitaire. Ostracisme, agression verbale et sur les réseaux sociaux. Mais c’était sans compter avec le courage des militants de l’UEJF qui ne se sont pas laissé faire. Ils ont documenté 80 agressions, insultes et discriminations contre les étudiants juifs. Ce qui a conduit à des enquêtes disciplinaires et douze saisines de commissions disciplinaires pour plusieurs étudiants s’étant rendus coupables d’un délit pénal : la discrimination.

5) Quelles en sont les conséquences en fonction des réponses des directions des universités ?

Leur capacité à nuire et à développer un climat de terreur contre les étudiants juifs dépend de la force de la réaction des directions des universités. A Sciences Po nous avons hélas été face à une absence de direction effective de fin novembre à avril après la mise en retrait puis la démission de son directeur Mathias Vicherat. La Présidente de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Laurence Bertrand Dorléac a été exemplaire dans ce combat contre les haines anti-juives, elle a montré sa vigilance et sa solidarité mais elle ne disposait pas des pouvoirs d’enquête et de de sanction. Récemment l’administrateur provisoire Jean Bassères, arrivé fin mars a su progressivement prendre la mesure de la gravité de la situation et ramener l’ordre républicain. Il a déclaré dans un entretien au Parisien après l’enquête judiciaire interne dirigée par une magistrate :

« Sur les incidents du 12 mars à Sciences Po :  Après les nombreux témoignages entendus, il y a une conviction : la phrase “Ne la laissez pas entrer, c’est une sioniste” a été prononcée — sous cette forme ou une autre. La cellule n’a pu identifier les auteurs pour les traduire devant la section disciplinaire. Ce que je regrette. Huit étudiants sont visés pour propos discriminatoires contre les étudiants juifs et le rapport les concernant est entre les mains de la section disciplinaire de l’école, qui est indépendante. Cela peut aller jusqu’à l’exclusion de l’enseignement supérieur durant cinq ans. Après 80 signalements de faits d’antisémitisme, 12 procédures pour des faits d’antisémitisme sont en cours, menées par la CEIP. Sciences-po »

Pour combattre l’antisémitisme à Sciences Po comme sur d’autres campus en France, il faut donc :

– Interdire toute manifestation, réunion appelant à la violence contre les sionistes et donc les Juifs.

– Poursuivre systématiquement les militants violents et antisémites mais aussi enquêter sur les donneurs d’ordre et leurs réseaux de financement.

– Enseigner l’histoire des Juifs sur le temps long, du sionisme et d’Israël mais aussi des mécanismes de l’antisémitisme, de l’antisionisme ce que je fais dans deux de mes cours à Sciences Po pour faire reculer « l’ignorance mère de tous les maux ».

2 Commentaires

  1. Trois thérapies pour l’islam(isme) :
    – La guerre, lancée en 2001. Interminable.
    – La réforme, les Lumières. Ça peut aussi prendre des siècles.
    Ou…
    – …une nouvelle série télé :
    Octobre 2024. Lors d’une réunion discrète, des présidents de pays réfléchissent : tout en poursuivant le combat qui dure depuis, disons 25 ans, ne pourrait-on inventer une arme supplémentaire ?
    Laquelle ? Pour le dire vite, les services secrets de quelques démocraties feraient en sorte qu’une rumeur se répande : un nouveau prophète est arrivé.
    Cela pourrait prendre un an, dix ans, un demi-siècle. Qu’importe, la patience devrait être payante.
    Saison 1 : trouver ce nouveau prophète. Un gars des banlieues ? Un agent du Mossad qui parle parfaitement l’arabe ?
    2026 : le choix se porte finalement sur le commandant B.F., détaché de la DPJ. Parcours exemplaire : Sciences Po, major de promo à l’ENSP. Marié à une ancienne avocate devenue juge aux affaires familiales à Lyon. Pour elle, c’était dur au début de la mission, quand la femme du prophète n’avait pas le droit de conduire.
    Saison 2 : peu à peu, réseaux sociaux obligent et autres gros moyens marketing (déployés par ce qui se fait de mieux au sein de la CIA, du Mossad, etc.), la rumeur se répand : Mahomet a un successeur.
    Son message est le jour de la nuit (islamique) : la femme est l’avenir de l’homme…musulman ; pour se faire pardonner, il lui est conseillé de porter le voile en marchant derrière sa femme ; tout musulman doit au moins une fois dans sa vie effectuer des travaux dans le domaine de la santé, de l’environnement ou de la cause animale ; La Mecque devient un café littéraire ; le devoir essentiel de cette communauté de bientôt 2 milliards de personnes est de protéger (1) un peuple (population environ 15 millions) qui a failli disparaître, (2) un État de 20 770 km2 et (3) la communauté chrétienne.
    Bref, le premier prophète s’est égaré en 622. Il a chargé son successeur de présenter des excuses.
    Saison 3 : la mayo prend : les 2 milliards commencent à se convertir à l’islam version 2.
    Saison 4 : enfin Les Lumières : séparation de l’islam et de l’état. La femme du commandant B.F. conduit une BMW G 310 R avec casque mais sans voile. Kamel Daoud devient président de l’Algérie.
    2065 : la page est tournée.
    Comme quand, après deux mille ans de Gauloises bleues, les Français ont cessé de fumer dans les lieux publics.
    Plus de clope au café, c’était aussi impensable que la chute du mur de Berlin ou la rémission du cancer islamiste.
    Happy End : en juillet 2066, la FNAC a ouvert ses portes à La Mecque, en face de Big Mama.
    Et l’argent, l’énergie, le temps pour des guerres incertaines ont pu enfin s’investir dans des cliniques, des écoles, des salles de concert, des plages sous les pavés.

    Pierre Weinstadt, Paris

  2. Merci pour toutes ces précieuses informations que vous nous communiquez.
    Votre dernière phrase cependant me laisse rêveur.
    Dire « l’ignorance, mère de tous les maux » est selon moi aussi illusoire et naïf que clamer : « la paresse, mère de tous les vices ». Ce sont-là des morales qu’on cite au mieux pour ne pas se décourager, pour rester « positif », comme aiment à dire les journalistes.
    Vous supposez que les antisémites seraient ignorants ou qu’ils se seraient fourvoyés. Le sont-ils vraiment ? Suffit-il de les instruire pour les ramener dans le bon chemin ? Et si l’antisémitisme relevait surtout de la bêtise savante, de l’idéologie parfaitement consciente d’elle-même, arme au service d’un projet politique, plutôt que d’une simple ignorance ? Toujours cette confusion exaspérante entre savoir et morale et entre morale et politique. Si l’on veut être un homme des Lumières lucide, soyons un peu kantiens et fixons les limites strictes de chacun de ces domaines : ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas. Savoir, instruction, culture n’ont jamais empêché la barbarie ou les ténèbres. L’histoire en fournit bien des témoignages. On pouvait encore au temps de Condorcet se raconter de telles fables. Mais après le XIXe et le XXe siècle, c’est faire preuve soi-même de beaucoup d’ignorance ou de trop d’optimisme. Si la lumière est là pour éclairer nos ténèbres, est-elle en droit de croire qu’elle pourrait les faire disparaître ?