25 janvier 2024

Le 27 janvier 1945, date choisie pour les commémorations de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, les soviétiques découvrirent le centre de mise à mort de Auschwitz-Birkenau. 

Ce fut une découverte et non une libération, les nazis avaient fui le 17 janvier.

Quand je foule avec émotion cet immense cimetière du judaïsme européen d’Auschwitz-Birkenau, où 960.000 Juifs, hommes, femmes, enfants, nourrissons, vieillards venus de toute l’Europe, dont près de 70.000 Juifs venus de France – y compris douze membres de ma famille –, furent assassinés et où 20.000 Tsiganes y furent aussi gazés par familles entières, je lève toujours mon regard vers les nuages bas et gris de ce lieu de Silésie.

Je pense alors au poème de Paul Celan, « Fugue de mort » écrit en 1945 et à ces vers :
« Votre fumée montera vers le ciel.
Vous aurez alors votre tombe dans les nuages
 »

Ces nuages au-dessus des plaines de l’Europe orientale, où les cendres de plus d’un million de nos frères et sœurs juifs et tsiganes se sont dispersées il y a près de 80 ans. Ces nuages qui ont aussi emporté les cendres de douze membres de ma famille, gazés et brûlés. 

Mais depuis 2005, grâce au Mémorial de la Shoah, nos morts juifs déportés de France ont un cénotaphe terrestre. Leurs noms y sont gravés dans la pierre lumineuse de Jérusalem au cœur de Paris, sur le Mur aux 75.568 noms.

« Plus jamais ça ! », ce cri a raisonné dans le monde entier après la découverte du plus grand génocide du XXème siècle, celui de l’extermination de 6 millions sur 9 millions de Juifs européens. Il est gravé en plusieurs langues sur les ruines de Treblinka.

« Plus jamais ça ! », cette promesse a conduit à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. 

« Plus jamais ça ! » a permis les premiers procès de génocidaires comme la définition internationale de crime contre l’Humanité et de génocide. 

« Plus jamais ça ! » a conduit à la création de la Cour Internationale de Justice et des Tribunaux Pénaux internationaux.

« Plus jamais ça ! » a provoqué la rénovation des institutions internationales qui avaient failli. 

« Plus jamais ça ! » a favorisé la reconnaissance internationale tant attendue et tant espérée depuis des siècles du droit à l’autodétermination du peuple juif et à son droit souverain à reconstituer, enfin, un État sur la terre d’Israël, après des siècles de dominations de puissances étrangères.

Et pourtant, il y eut, malgré cette promesse faite au monde du « Plus jamais ça ! », du « Never again ! », il y eut le 7 octobre 2023, les massacres volontaires d’un millier de civils juifs par le mouvement terroriste Hamas sur la terre d’Israël.

Il y eut ce shabbat noir. En ce jour de fête de célébration de la bible, ce jour de Simha Torah, un immense crime contre l’Humanité fut commis sur la terre même de l’État souverain d’Israël. Il y eut comme au temps des massacres de masse des croisés chrétiens, des razzias arabes, des pogromes de l’Europe orientale ou des charniers de la Shoah par balle, il y eut, le massacre indifférencié de près de 1.2000 enfants, femmes et hommes pour le simple crime d’être juif ou habitant Israël. 

Des familles entières furent massacrées, des enfants brûlés devant leurs parents, des femmes, des jeunes femmes, des très jeunes filles violées avant d’être égorgées puis souvent brûlées. 248 habitants d’Israël furent emportés en otage dans les tunnels de Gaza. Ces crimes furent commis par des arabes palestiniens fanatisés, armés et entraînés par le mouvement terroriste palestinien Hamas avec l’appui de si nombreux États, organisations ou citoyens qui par le monde les ont soutenus, armés et financés.

Et face à ce crime immense, qui rappela à tous les Juifs du monde entier des persécutions ancestrales qu’on croyait à jamais éteintes, quelle fut la réaction des peuples ? Des peuples et des États qui avaient clamé « Plus jamais ça ! », des Peuples et des États qui organisent les commémorations du « Plus jamais ça ! » ?

Dans la plupart des démocraties, la sidération, la compassion et la condamnation d’un tel massacre de Juifs en 2023, fut majoritaire. Mais dans le monde des régimes autoritaires, des dictatures, du fanatisme islamiste, ce fut soit le silence, soit le soutien aux criminels contre l’Humanité du Hamas.

Et le « Plus jamais ça ! » qui souhaitait voir l’antisémitisme renvoyé dans les poubelles de l’histoire, fut lui aussi foulé aux pieds.

La plus grande vague d’antisémitisme depuis 1945 déferla alors sur tout le monde démocratique. Les actes antisémites furent multipliés par plus de 50 en quelques semaines en France, en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis et même en Australie. Ainsi, dans un mimétisme de pulsions criminelles, les actes antisémites explosèrent en occident quand les Juifs d’Israël se faisaient massacrer par familles entières en Israël.

Et depuis ? Une propagande antisémite et négationniste se déchaîne par le monde, alimentée par les réseaux sociaux. Ces nouvelles technologies mises au service de la plus ancienne des haines. Un certain nombre d’États comme d’organisations, ennemis des démocraties, alimentent en contenu haineux, mensonger, ces réseaux pour radicaliser la jeunesse occidentale et fragiliser nos socles et nos valeurs humanistes et universalistes en favorisant la montée des extrêmes.

Dans certains pays démocratiques, cette haine libérée des Juifs est hélas aussi véhiculée par des formations politiques et syndicales, des ONG, des étudiants des plus prestigieuses universités internationales et jusque dans les enceintes des organisations internationales.

Un pays qui devrait par son histoire connaître l’importance de la vérité et des mots, ce pays l’Afrique du Sud, ose même accuser l’État d’Israël pourtant engagé dans une guerre de légitime de défense, de génocide devant la Cour Internationale de Justice de la Haye. C’est un détournement moralement odieux de cette accusation ultime. C’est un dévoiement du Droit international et c’est une insulte à toutes les victimes de tous les grands génocides. Et comme l’a déclaré le ministre français des Affaires étrangères à l’Assemblée Nationale : « Accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral. On ne peut exploiter la notion de génocide à des fins politiques ». Les mots ont un sens, il faut le rappeler, et il faut le rappeler tout particulièrement dans cette institution dédiée à l’éducation, la science et la culture.

Nous sommes ce soir à l’Unesco pour la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste. Commémorer c’est bien. Agir c’est mieux.

L’Unesco a pour mission de promouvoir dans le monde l’éducation, la science et la culture. L’Unesco a la plus belle et la plus essentielle des missions humaines.

Au Mémorial de la Shoah nous sommes honorés, fiers et reconnaissants d’être associés depuis tant d’années à cette commémoration et aux missions de cette institution, que nous partageons totalement.

Le Mémorial de la Shoah, plus ancienne et principale institution mémorielle en Europe, a pour principale mission l’éducation contre la haine raciste, antisémite, négationniste et complotiste. Nous sommes, avec plus de 50 millions de pièces d’archives, le plus grand centre de documentation en Europe consacré à la Shoah et aux génocides du XXèmesiècle. Nous accueillons chaque année dans les 7 sites mémoriaux que nous gérons en France plus de 100.000 élèves. Nous formons chaque année plus de 6.000 professeurs français et 4.000 professeurs européens pour les aider à enseigner les grands génocides du XXème siècle, ceux des Namas et des Hereros en Namibie, des Arméniens dans l’Empire Ottoman, des tsiganes et des Juifs en Europe et des Tutsis au Rwanda, comme à déconstruire les discours de haine, de négation et de complotisme.

Notre tâche est immense. De récents sondages aux Etats-Unis, en Angleterre, en France montrent que la connaissance des crimes du XXème siècle s’estompe, comme les messages universalistes et humanistes des institutions internationales créées après-guerre.

Seules l’éducation, la science et la culture nourries par un projet universel et humaniste permettront que notre promesse faîte il y a 79 ans aux rescapés juifs du plus grand génocide de tous les temps, le « Plus jamais ça ! », retrouve son sens et sa réalité.

2 Commentaires

  1. Plus jamais ça, n’est plus d’actualité. Je suis née en 1938 et je revois et revis l’horreur de la haine antijuive. Et j’assiste désolée à l’apathie, au manque de combativité de mes coreligionnaires. Ils sont devenus tellement français qu’ils sont comme eux. La différence c’est que les français non juifs ont à peine connu la guerre. Leur apathie doit venir de là.