La Règle du Jeu était fière d’accueillir, lors de son séminaire du 27 novembre dernier, le lauréat du prix Nobel de la paix (1986) et de bon nombre d’autres prix honorifiques, l’écrivain résolument juif français quoique citoyen américain, la mémoire vivante, l’éminent spécialiste du Hassidisme qu’est Elie Wiesel. Au cours de cette rencontre passionnante et poignante, l’écrivain américain n’est pas seulement seulement revenu sur l’opération qui l’a mené à écrire Coeur ouvert, récit publié récemment aux éditions Flammarion, il a aussi longuement évoqué, explicité les divers engagements qui ont jalonné sa vie. Comme si cet expérience douloureuse, où il frôlât une nouvelle fois la mort l’avait poussé à devenir le témoin de sa vie, le témoin du témoin qu’il fut toute sa vie.

Retour donc sur une expérience philosophique, politique et spirituelle singulière. Juif d’origine roumaine, Elie Wiesel a quinze ans lorsque lui et sa famille sont déportés dans les camps de concentration d’Auschwitz et de Buchenwald (il commencera à raconter ce qu’il y a vu et vécu vers l’âge de trente ans). Sa soeur et ses parents n’en réchapperont pas. Après la guerre, Elie Wiesel passera une dizaine d’années en France, étudiant la philosophie à la Sorbonne, exerçant sa plume dans le quotidien israélien Yediot Aharonot, voyagera beaucoup, rencontrera maints artistes, philosophes, écrivains dont François Mauriac (lequel aidera à la publication de son tout premier livre La Nuit). En 63, il devient citoyen américain et professe à l’université de Boston. C’est là, aux Etats-Unis, qu’il va fonder en 1980 Le conseil de l’Holocauste américain, puis, peu avant de recevoir le prix Nobel de la paix en 86, la Fondation Elie Wiesel pour l’humanité qui aura pour vocation de lutter contre l’indifférence, l’intolérance et l’injustice, en travaillant à la Mémoire de l’holocauste, en organisant  des actions de dialogue international et de sensibilisation de la jeunesse. En 2005, il reçoit le Prix Lumière de la vérité pour son engagement en faveur des droits de l’Homme et du peuple tibétain. En octobre 2006, il décline la proposition du premier ministre israélien Ehud Olmert de devenir Président de l’Etat d’Israël, arguant qu’il n’est «qu’un écrivain».

Auteurs d’une quinzaine de romans, de nombreux essais sur l’Holocauste, l’actualité, le judaïsme, sa vie et son oeuvre sont avant tout dédiées au devoir de Mémoire. Il précisera d’ailleurs lors de cette rencontre en quoi, tout attaché qu’il soit à la mémoire des morts, il est essentiel de ne pas oublier ni d’abandonner les vivants. Humaniste mystique, Elie Wiesel est en effet profondément attaché à cette double exigence : devoir de mémoire et souci du vivant. Malgré l’horreur vécue, l’oeuvre de ce grand témoin nous invite à redécouvrir à chaque instant la beauté de l’homme sous tous ses aspects.

 


2 Commentaires

  1. Bonjour,
    Elie Wiesel est une personnalité très controversée, même par Simon Wiesenthal lui-même. S’il est évident que c’est un bon écrivain, sa qualité de « témoin » est hautement contestable. Peut-être êtes-vous au courant de la polémique concernant son tatouage .. qu’il n’a pas.
    Certains ont même avancé qu’il y a eu usurpation d’identité avec un déporté. Un ancien co-déporté, Nikolaus (Miklos) Grüner dit ne pas l’avoir reconnu et décelé qu’il ne parlait ni hongrois ni yiddish.
    Merci de votre attention.

    • Cher Batko,

      Oui oui nous sommes au courant non pas de cette polémique mais de cette propagation abjecte de mensonges de la part des négationnistes (qui procèdent toujours de la sorte : on commence par remettre en cause des détails, ici le tatouage de Wiesel… pour conclure que la Shoah n’a pas eu lieu : la démarche est toujours la même). Vous finissez votre post en prétendant qu’il ne parle pas yiddish. Autant de stupidité laisse pantois. Lisez La nuit, et vous vous mordrez les doigts d’oser répéter des propos aussi obscènes.

      Pour en revenir à l’article, il faut surtout insister sur le fait que Cœur ouvert est aussi court que bouleversant. Comme l’écrit Michael de Saint-Chéron, il transforme le désespoir en espoir.