Non, jeunes gens, rien n’est plus étranger à l’«esprit de Mai 68» que ces remakes grimaçants, pauvres en monde et en mots, qui mettent la haine à la place de la colère ; les faux insoumis là où étaient les enragés qui en finissaient joyeusement avec le jugement de Dieu ; ou les amphis ouverts aux seuls «racisés» là où retentissait le beau, le vivace, le sonore «L’Internationale sera le genre humain».
À deux doigts d’une nouvelle guerre du Koweit
Un ami me raconte qu’à la fin de l’année dernière, lorsque Doha fut mise au ban du reste du monde sunnite, Trump donna son accord à une invasion en bonne et due forme de l’émirat. Objection, président, auraient dit ses conseillers : nous avons, au Qatar, notre base militaire la plus importante de la région. Qu’à cela ne tienne, aurait répondu le président sur le ton d’Alfred Jarry lançant son célèbre «Qu’à cela ne tienne, madame, nous vous en referons d’autres» à une voisine qui se plaignait qu’à force de tirer au pistolet dans le jardin mitoyen du sien il risquait de lui tuer un de ses marmots, qu’à cela ne tienne, oui, aurait donc répondu Trump, nous referons une autre base militaire à Riyad, Abu Dhabi ou ailleurs. Vous n’y pensez pas, président, auraient ré-objecté les conseillers : il faut deux ans pour déménager, reconstruire, réinstaller une nouvelle base – avons-nous deux ans à perdre au moment où la région s’enflamme, où le monde tremble sur ses bases et où la demande d’Amérique se fait, partout, si pressante ? Sur quoi Trump céda. De mauvaise grâce, mais il céda. Et le monde est passé tout près d’une nouvelle guerre du Koweït.
Il y a un philosophe, à Paris, qui s’appelle Maxence Caron. Il publie, aux Belles Lettres, La Transcendance offusquée qui est un livre énorme (plus de 1 000 pages), follement savant (toute l’histoire de la philosophie remise en scène et en mouvement) et furieusement catholique (les Méditations de Descartes relues comme un pèlerinage et une adoration dans la lumière de la Vierge Marie). « Ici, dit-il, je ne renouvelle rien, je ne recommence rien, je commence intégralement. » Eh bien, cette tentative hors-norme, cette somme où l’on ambitionne rien de moins que de nous rendre sensibles le passage du temps et le son de l’éternité, je ne crois pas l’avoir vue, où que ce soit, recensée ni même, comme ici, signalée.
Le « nouvel antisémitisme »
On peut penser ce que l’on veut du Manifeste contre le nouvel antisémitisme lancé par Philippe Val dans Le Parisien. On peut ne pas aimer, comme Claude Askolovitch dans Slate.fr, telle formulation (« épuration ethnique à bas bruit ») ou regretter, comme Dalil Boubakeur, le ton comminatoire de telle autre (l’appel à interpréter, commenter, contextualiser les versets violents du Coran). Il a, d’ores et déjà, deux mérites. Donner à voir aux plus exposés, aux plus démunis, aux plus fragiles, des Juifs de France que nombre de politiques, d’artistes, de capitaines d’industrie, d’autorités intellectuelles et morales, bref, de prestigieux compatriotes, se tiennent à leurs côtés et brisent leur mortelle solitude. Et puis avoir provoqué, le surlendemain, dans Le Monde, l’extraordinaire réplique – au sens où on le dit pour un séisme – que fut cette autre tribune dont on regrette qu’elle n’ait pas fait autant de bruit et qui était signée de trente imams s’avouant proprement submergés par la marée noire de l’antisémitisme qu’ils sentent monter dans leurs mosquées et appelant à la réinterprétation, eux aussi, de ces vrais versets sataniques que sont, dans le Coran, les appels au meurtre des chrétiens, des apostats ou des juifs. Rien que pour cela, le « Manifeste » méritait d’être lancé.
Quelques lectures
Au hasard de mes lectures, le Sous les yeux de l’Occident de Joseph Conrad, ce texte de 1911 où ce n’est pas à «l’islam», mais à «l’âme slave» que «l’Occident» fait face. Est-ce là que Hannah Arendt a pris cette expression de «banalité du mal» dont elle disait pourtant à Gershom Scholem : «Personne, que je sache, ne l’a utilisée avant moi» ?
Gide disait de Baudelaire qu’il écrivait «à mi-voix» et que c’est ainsi que s’écrivent les grandes œuvres. Quid, alors, de Chateaubriand ? De Dostoïevski ? De Claudel ? Et du livre – roman, Mémoires, épopée, peu importe… – qu’imposeront tôt ou tard les convulsions du temps ?
Macron, Trump et la foudre
De Gide encore, dans un passage voisin du Journal, cette recommandation : «que celui qui craint la foudre l’apprivoise». Est-ce cela qu’avait en tête Emmanuel Macron lors de cette étrange visite à Washington ? La foudre de l’imprévisibilité trumpienne… Celle de ses décisions erratiques et folles… Celle aussi – Flaubert – de la bêtise féroce et sans repères… Bref, cette nuit sans astres qui tombe sur l’Amérique et dont ces grands météorologues qu’étaient les Tragiques grecs savaient qu’elle est la plus propice, oui, à la foudre… À quoi le président français aura opposé la réaffirmation tranquille de quelques idées simples : la fraternité d’armes, plusieurs fois renouée, entre nos deux pays ; leur rivalité féconde dans la diction de l’universel ; ou l’idée qu’un monde où les arsenaux iraniens resteraient sous le regard des nations serait tout de même plus sûr qu’un monde où ils pourraient, comme en Corée du Nord, s’augmenter en secret d’armes plus terrifiantes encore… L’avenir (proche) dira si notre jeune président a présumé ou non de ses forces, de sa capacité de séduction et de celle des principes dont il était porteur. Car la France, dans ces moments, finit toujours par se souvenir qu’elle est aussi une Idée.
Sonia Mabrouk
Que la seule guerre de civilisations qui tienne soit celle qui, au sein de l’islam, oppose l’islam de la démocratie et des droits à celui qui prône le crime de masse et le djihad, un roman le dit – qui fera, et fait déjà, beaucoup parler : Dans son cœur sommeille la vengeance (Plon), de la journaliste Sonia Mabrouk. Leçon de ténèbres et de lumière. Plongée dans l’enfer des enfants-soldats du califat. Se taire, dit la romancière, hésiter à nommer les choses, faire silence sur la maladie de l’islam de peur d’offenser les musulmans, là est la vraie offense et là le vrai mépris.
Ramzan Kadyrov précède Abu Bakr al-Baghdadi au tableau de chasse de Vladimir Poutine. C’est sur son peuple que le futur bourreau des Syriens s’était fait les dents. Aussi, madame Le Pen, il était juste qu’une terre d’humanités accordât l’asile à des hommes et femmes victimes d’une nettoyeuse ethnique, des femmes et hommes que votre idole ultranationaliste menaçait de buter jusqu’en des lieux d’aisance où, en général, on ne fait chier personne. Les Russes avaient réagi à une guerre d’indépendance mondiale en recourant aux mêmes méthodes qui avaient entaché d’une honte imprescriptible la monarchie de Juillet, tandis qu’elle s’enfumait elle-même dans la grotte de Nekmaria, mieux connue sous le nom de Ghar-el-Frachih. On n’extermine pas une population en réponse aux pires atrocités commises par son élite politique, aussi tribale qu’elle soit, — que cesse l’infantilisation des nations animistes! On n’inflige pas un viol de représailles à un violeur (du droit international) sans le rejoindre mécaniquement dans le box du mal. Ceci étant posé, cela nous autorise-t-il à modifier l’ordre des crimes, lequel processus ne fera que d’autant plus nous tarauder après qu’il aura été condamné à une peine de réclusion incompressible dans nos archives psychiques? Les désencombrements moraux du tsarillon néosoviétique ne signifièrent jamais la légitimation rétrospective de la guerre de civilisation préconisée par les vrais fossoyeurs de la Tchétchénie. Les leaders terroristes de l’Oumma ont dévié de son axe d’humanisation l’esprit critique et fondateur de leurs nations respectives. Pour qu’il y ait nation, il faut qu’il ait eu création; or l’homme ne crée que libre, et ne peut assurer la perpétuation de son œuvre qu’en préservant l’esprit dans lequel celle-ci fut mise au monde. Le djihadiste de la rue Monsigny ne fit pas que naître en Tchétchénie. Si l’échec de l’école de la République est d’autant plus cuisant le concernant, la République n’est pour rien dans le sevrage au Jihâd qu’on lui prescrivit, sevrage quiétiste s’entend, idéal pour l’explosion de la Cocotte-Minute millénariste. Ce n’est pas l’esprit des Lumières cher aux donneurs d’asile de la Déclaration universelle qui inspira Tarkhan Batirashvilin, alias Abu Omar al-Shishani, dit Omar le Tchétchène, principal leader non-arabe de l’État islamique starisé, certes par sa barbe rousse, mais probablement davantage en raison de l’efficacité de ses méthodes de recrutement auprès d’une population assoiffée de vengeance face aux provocations de la Néo-Armée rouge. Dans ce contexte dont nous reconnaîtrons sans mal le tempérament matriochkaïen, expliquez-moi, cher Kadyrov, en quoi le 2e arrondissement de Paris peut-il être concerné par les différends qui vous opposent à l’orchestrateur industrieux des partitions nécessaires au rafistolage de l’Union eurasienne?
Ne soyons pas dupes, les « aryens » du Moyen-Orient sont déjà nucléarisés. L’AyatollaH, AH un nom et prénom et des symboles (sic !), a fait affaire avec la Corée du Nord. Seuls les naïfs où les malintentionnés, tant pour être poli, nous dirons que c’était du pétrole contre nourriture.
Si AH paie cash en barils, l’autre lui vend du matériel sophistiqué de destruction massive clé en main et sur la gâchette, un savoir-faire, de la formation, des lignes de production dédiées qui centrifuge à toute vitesse, on dit externalisation de la production (sic !), du stockage en cachette, mais aussi des missiles testés sous les yeux de tout le monde.
Et l’accord sur le nucléaire ? Il a fait pfff !
Cherchez l’erreur, mais cherchez-le bien et aux bons endroits sinon on pourrait se réveiller un jour avec des surprises sur la tête.
Je ne fonde pas les mêmes espoirs qu’Avigdor Liberman quant à un effondrement du régime des mollahs que programmerait le rétablissement des sanctions économiques américaines. Le paradigme de 1989 n’est pas superposable. Si la chute du rideau de fer augura celle d’un empire productiviste ayant trahi sa promesse originelle envers un conglomérat de masses travailleuses dont il vitrifiait les aspirations sous une friable chape de plomb, le modèle islamiste est, pour ce qui le cerne et concerne, un modèle antiprogressiste, prônant la désertification des terres de prospérité, le nivellement universel par le Très-Haut procédant d’un rejet quasi ascétique des richesses terrestres. Ce renoncement au progrès explique le détournement des milliards onusiens destinés au développement des territoires palestiniens, à des fins largement destructives. Les manifestations de 2017 contre la baisse du pouvoir d’achat ne nous délivrent, par ailleurs, aucune indication sur le rêve d’embourgeoisement de le rue iranienne qui, malheureusement, ne s’arrête pas aux beaux quartiers de Téhéran. Quoi qu’il en soit, le soutien international à une rébellion démocratique à la syrienne ne serait légitimé que par un niveau de répression de la part du régime pouvant réactiver l’impérieuse et non moins nébuleuse responsabilité de protéger. Tant que nous permettrons à Hassan Rohani et à ses avatars de jouer en bons barbares de leur visage humain, l’eau coulera sous les ponts du totalitarisme vert et la démocratie iranienne avec elle.
Je ne vois qu’un mérite à la décision des États-Unis de se retirer du JCPoA : rappeler aux États collaborationnistes ainsi qu’à leurs idiots utiles la nature d’un régime assassin avec lequel on ne normalise pas ses relations au point de couvrir d’une burqâ la statue de Vénus ou d’un tchador la deuxième vice-présidente de la Commission européenne. Pour le reste, la déchirure du Joint Comprehensive Plan of Action nous ramènerait quelques années en arrière, au printemps 2015, à savoir qu’elle nous replongerait au seuil de la transgression du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Pour autant, je m’inscris en faux contre l’idée que le chî’isme duodécimain propagé par la République islamiste augmenterait le risque de passage à l’acte chez un Ayatollah bien mirvé. On se souvient de l’Ummaführer-SS Arafat atterrissant en catastrophe dans les bras de Chichi aux premiers effets du poison qui ruinait ses organes. La République des mollahs ne ferait jamais quoi que ce soit qui signerait l’arrêt de mort du régime et du peuple dont elle chapeaute la civilisation. Ce qu’elle convoite à travers sa nucléarisation militaire, c’est sa propre pérennisation, à un moment de l’Histoire où le basculement des terres d’islam dans l’ère postislamique fait résonner son imagerie à la lisière des champs du probable. Nous ne pouvons pas déplorer la frilosité d’un printemps éclair qui, en 2011, n’avait pas réussi à égaler Alexandre le Grand, sans prendre en compte les deux facteurs de stabilisation suivants : 1) le printemps arabe fut pour partie un printemps islamiste et l’on n’islamise pas une République islamique ; 2) les partisans des Lumières iraniennes étaient sans doute trop éclairés pour ne pas anticiper un enlisement comparable à celui du printemps syrien ; 3) les théoriciens du fascisme modéré n’avaient pas ramolli les cerveaux qu’à l’intérieur de leurs propres frontières nationales. L’Iran est l’otage d’un Titan que seul un fils messianique propulsé par une mère féministe arrachera au Néant. Tant que la République iranienne demeurera islamique, ne me parlez pas de Lumières en Désoccident. On peut certes combiner son adhésion à une religion avec l’observation des droits fondamentaux, mais alors le domaine de la foi doit s’arrêter aux portes de la loi, et le divorce, dûment consommé par le spirituel et le temporel, ne fait qu’accroître leurs libertés respectives. Or la révolution non-verte, et donc, insoupçonnable de ranimer la flamme khomeinienne sous une dictature réduite à sa portion ahmadinejadienne, j’entends par là une forme de globalisation démocratique à laquelle notre monde, intrinsèquement libre, ne coupera pas, déclencherait une riposte sanglante de la part d’un Gardien de la Révolution pour lequel évolution rimera toujours avec extinction. Les raviveurs de la flamme des droits de l’homme doivent donc se préparer à l’éventualité d’un nouveau scénario fleuve, dans lequel ils auront l’occasion de restaurer l’honneur des Alliés auprès de tous ceux qui n’hésitent pas à risquer leur propre vie pour qu’advienne sous leurs cieux la Liberté illustre, celle que l’on dit guider les peuples qui ne s’aplatissent pas devant un Guide suprême hitlérisé. Or ces renforts libérateurs, que l’on n’ose pas imaginer faire défaut à l’Iran éclairé, devront rester cloués au sol au moment même où le Quatrième Reich aura doté de la bombe H son peuple de gisants. S’il n’existait qu’une raison de bomber au fixatif la ligne rouge que représente la nucléarisation de la République aryenne, nous aurions le doigt dessus.