Des bombes ont été déversées sur des infrastructures et installations militaires du régime syrien. Depuis les représentants d’une certaine gauche et de l’extrême droite tous vents dehors passent d’un micro à l’autre, d’un plateau à l’autre, pour condamner avec force et énergie, cette attaque qui serait, selon leur étrange entendement du monde, sans «légalité ni moralité».

Mélenchon, cynique comme jamais, demande, exige même des preuves ! Sept ans que le boucher de Damas tue, rase tout sur son chemin et le sieur Mélenchon exige, urbi et orbi, une présentation formelle de preuves du crime, une présentation indiscutable, en bonne et due forme, des crimes commis ! Présomption d’innocence aussi, n’est-ce pas, pour Assad !

Qu’une certaine gauche se retrouve ainsi aujourd’hui et ce, depuis quelques années, aussi systématiquement, aussi infailliblement, quasi-automatiquement, à chaque fois, en symbiose, en concubinage avec l’extrême droite sur des sujets aussi majeurs est symptomatique de la faillite éthique d’un certain progressisme. Que reste-t-il, en effet, du progressisme lorsque celui-ci semble plus préoccupé par le sort de tyrans aux mains dégoulinant de sang que par celui de leurs victimes ? La défense de la paix vaudrait tout, nous dit-on. Le pacifisme : nous y voilà ! Là est justement logé, dans ce pacifisme intégral au cœur rouillé le problème.

Souvenons-nous : longtemps bien avant Guernica, l’aviation italienne balance des gaz chimiques à profusion sur des populations civiles et brûle l’Éthiopie. A l’Assemblée de la Société des Nations à Genève, le général Nemours, délégué haïtien, prend la parole et avertit le monde: «Si nous laissons se commettre l’injustice et une nouvelle fois étouffer la voix de la victime, craignons un jour d’être l’Ethiopie de quelqu’un.»

Il y aura dans la foulée du bombardement de l’Ethiopie, l’Autriche et la Tchécoslovaquie annexées par l’Allemagne, et une cohorte de pacifistes appelant à tue-tête, à ne pas bouger au nom de la sauvegarde de la paix à tout prix ; certaines voix allant jusqu’à promouvoir «une paix désarmée face à Hitler», d’autres affirmant l’occupation préférable à la guerre contre le monstre nazi. Mais oui : dans certaines circonstances historiques, le pacifisme est une laideur, une lâcheté sans nom.

Et puis, il y a cette étrange passion française : l’anti-américanisme primaire ! D’où provient cette détestation viscérale des Américains bien ancrée dans l’ADN politique de certains milieux ? Que les Américains aient des intérêts, des ambitions de puissance, quoi de plus normal. Mais à leur prêter le diable dans chacun de leurs gestes, n’est-ce pas là un signe de faiblesse d’esprit ? N’est-ce pas là un signe assez symptomatique d’un profond complexe d’infériorité ? Que dissimule en réalité cette fixation haineuse, cette haine obsessionnelle ? Que signifie ce rejet automatique de tout ce que fait et entreprend les Américains, quitte à prendre la défense de tyrans sanguinaires du monde entier ? A se vouloir aussi existentiellement anti-américain, aussi anti-anglo-saxon par réflexe, le progressisme aurait-il perdu totalement, définitivement ce qui faisait son âme : la pitié pour l’humanité, la pitié pour les victimes?