Donald Trump a reconnu comme capitale d’Israël la ville où cet Etat a effectivement ses plus hautes institutions politiques et administratives et où pour cette raison même, ses chefs reçoivent depuis toujours ceux des autres pays – bref, ce que partout dans le monde on appelle tout bonnement une capitale. Quoi qu’on pense de Trump et quelles que soient les critiques que sa décision, sur le plan diplomatique, puissent encourir, il faut alors tout de même préalablement reconnaître l’évidence : Jérusalem est bien la capitale d’Israël.

Indépendamment de cette réalité politique, c’est la cité du peuple juif, celle de ses rêves terrestres et de sa mémoire ancestrale : Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie, que ma langue s’accroche à mon palais si je ne me souviens de toi, si je ne mets Jérusalem au sommet de ma joie ! Qui n’a d’ailleurs pas attendu que le sionisme existe pour l’être mais qui a bien donné son nom à ce mouvement politique et culturel : le mont Sion n’est que l’une de ses collines et quand les Juifs disent «Sion», c’est à Jérusalem qu’ils pensent. Les chrétiens aussi du reste : que ceux-ci ou que les musulmans l’honorent à leur manière comme une ville sainte ne change rien à l’affaire, Jérusalem n’étant ville sainte pour ces deux religions que parce qu’elle est d’abord la ville, sainte et profane, du peuple juif. Le Coran lui-même le reconnaît, et c’est une chose manifeste pour tout chrétien tant soit peu conséquent – et qui n’est pas aveuglé par sa haine de la nation incrédule, du peuple à la nuque roide.

Il y a donc deux raisons pour lesquelles on pourrait se réjouir de l’annonce du président américain : elle met fin à une forme d’hypocrisie diplomatique, mais surtout à une injustice admise pourtant par beaucoup de gens, et dont on a vu qu’elle pouvait mener jusqu’à une stratégie d’effacement de la mémoire juive au plus haut des institutions internationales, je veux parler bien sûr des résolutions scélérates et totalitaires de l’UNESCO.

Il y a néanmoins plusieurs problèmes, et des plus préoccupants. D’abord, on ne combat pas une hypocrisie par une autre. Nul n’ignore le caractère problématique du statut de Jérusalem, ville conquise, dans ses frontières actuelles, par la force – ce qui n’ôte rien à mes yeux à ce que je viens de dire mais pose inévitablement une autre question : celle des Palestiniens, des Arabes qui y vivent depuis des siècles et dont les droits méritent évidemment d’être rappelés. Il est vrai que la municipalité hiérosolymitaine pratique à leur encontre une politique souvent dénoncée comme injuste. Qu’il suffise de mentionner l’existence de ces quartiers (hideux au demeurant) construits depuis la conquête de 1967 au détriment de familles arabes systématiquement expropriées. C’est Netanyahou qui a par exemple lancé la construction – repoussée jusqu’à lui – de Har Homa en 1997 : un tiers des terres sur lesquelles ce quartier s’élève avaient appartenu à des Palestiniens avant qu’un édit ne les en dépossède cinq ans plus tôt, ainsi d’ailleurs que des propriétaires juifs. Pour moi, une chose est d’insister sur le lien éternel du peuple d’Israël avec sa capitale ; autre chose est de nier que les Palestiniens puissent avoir avec elle un lien à tout le moins séculaire, et donc le droit d’y vivre en paix et en sécurité.

Beaucoup de ceux qui critiquent la décision de Trump, le grand parti des sempiternels offusqués, ne voient pas ou refusent de voir ce caractère éternel du lien juif à Sion : ne connaissant pas Jérusalem, ils ignorent ce que cette ville signifie pour ses enfants – et comme Juif, je me compte parmi ces derniers. Ils ne voient pas à quel point le judaïsme lui doit d’exister, à quel point le renouveau contemporain de la spiritualité juive est sans elle impensable : foin du diasporisme, il faut n’être jamais allé là-bas pour ignorer la richesse de la vie juive enracinée, et je ne parle pas seulement de la foi et du culte ! Ils ignorent surtout que Jérusalem, capitale du Royaume d’Israël il y a trois mille ans déjà, compte à nouveau depuis plusieurs siècles une majorité d’habitants juifs. Et que si la Guerre d’Indépendance y a suscité de trop nombreuses expulsions du côté arabe, la conquête de ses quartiers orientaux par la Jordanie a aussi occasionné le départ de près de deux mille Juifs – et ultimement, l’impitoyable destruction d’un patrimoine architectural séculaire. Aussi, qu’on me permette de ne pas tenir compte de l’opinion des nations islamiques en la matière : qu’Erdogan, Bouteflika, Rohani soient plus choqués par le changement de statut de cette ville que par les morts du Yémen, que les génocidaires Assad et Béchir se croient le droit d’exprimer à ce sujet un quelconque avis, voilà qui les condamne, de la part de ceux qui ont la civilisation à cœur, à un surcroît de haine et de mépris.

Mais d’autres se réjouissent de ce changement de ligne diplomatique, et combien parmi eux arrivent à voir la Jérusalem que nous racontent Amos Oz et David Shahar, celle des familles arabes justement, chrétiennes ou musulmanes, celles-là aussi présentes depuis des siècles dans la ville – depuis toujours peut-être si l’on songe que bien des Palestiniens, exilés pourtant en 1948, descendent en fait de la paysannerie juive restée sur place après la destruction du Temple ? Combien savent à qui appartenaient les splendides maisons de Baka, de la Colonie Allemande, de Talbiyeh, de Katamon ? Je peux me réjouir de ce que mon droit de Juif à y vivre chez moi – si tel était mon désir – soit reconnu ; je ne veux pas accepter l’effacement des autres.

En outre l’hypocrisie diplomatique est-elle nécessairement une faute ? Beaucoup diront que c’est le contraire et que s’il est bien un domaine où mentir est une vertu, c’est celui des relations internationales. Que le sang coule pour des principes, passe encore s’il s’agit de permettre, ultimement, la sécurité et la paix – et par conséquent pas de sang. En revanche, on ne risque pas autant de vies pour des raisons aussi frivoles que la reconnaissance d’une capitale qui dans les faits ne changera rien à la vie du pays. La Oumma a tort de nous menacer, mais si ça n’est que pour une aussi maigre satisfaction, on a tort de la défier sans penser aux futures victimes de son ire. Quand Charlie Hebdo caricaturait son prophète, c’était l’affirmation suprême de la liberté démocratique, une question donc de vie ou de mort : ça n’est pas le cas ici.

Quant à plaire aux millénaristes, chrétiens ou juifs, voilà une encore plus piètre raison de risquer la paix. Les voici pourtant, ces fous furieux, absolument «ecstatic», les chrétiens surtout, depuis le discours de leur président. Le pasteur Johnnie Moore, leader du cercle évangélique entourant Trump et Pence, a ainsi salué l’annonce comme un gage de loyauté à cette droite fondamentaliste pour laquelle le retour des Juifs à Sion est la condition nécessaire du «Second Coming», du retour du Christ sur terre. Une droite qui dit aimer les Juifs mais déteste tout ce qu’ils apportent de liberté et d’esprit de rébellion à la société américaine, qui aime en somme les Juifs à barbe de ses rêves en méprisant les Juifs de chair et de sang. S’il suffisait d’une raison pour faire taire les demi-habiles de l’analyse géopolitique, la seule existence de pareils exaltés ne suffirait-elle pas ? Nous parlons tout de même de gens pour lesquels le Second Avènement du Christ est une évidence scientifique mais ni les dinosaures ni l’évolution des espèces, et qui ne croient pas non plus que la Terre soit née il y a plus de six mille ans. Dès lors il n’y a rien qui m’horripile plus que le langage de la realpolitik affecté par certains soutiens de Netanyahou, en France comme aux Etats-Unis : ceux auxquels Trump a irresponsablement cherché à plaire sont tout sauf des réalistes, et c’est, de même, au nom d’un idéalisme de mauvais aloi doublé d’un désir infantile et provincial de reconnaissance, non par réalisme, que le Premier ministre israélien a applaudi le geste du 6 décembre.

Le sionisme est en crise. Il n’est plus seulement irrédentiste, il est gagné par un messianisme ravageur. L’immense historien et théologien Gershom Scholem craignait déjà que le retour de cette aspiration antique n’en vienne à le corrompre. «Je suis venu ici parce que je pensais et je pense toujours que le sionisme n’est pas un mouvement messianique», affirmait-il en effet. Et c’est pour cela qu’il déplorait les menées du Gouch Emounim, le Bloc des Croyants, une formation extrémiste, théocratique et messianique, dont les enseignements, bien qu’elle-même ait disparu depuis les années 80, continuent de séduire certaines franges de l’extrême-droite religieuse – où l’on défend sans vergogne l’usage de la terreur contre les Arabes, voire la mise à sac des lieux de culte chrétiens. Mais Scholem regrettait aussi l’introduction dans la liturgie juive mainstream d’une formule au pouvoir sourdement destructeur : «l’Etat d’Israël, commencement de la floraison de notre Salut». Rares sont les synagogues qui ne l’aient adoptée : les ultra-orthodoxes s’en sont le plus souvent gardés – pour des raisons d’ailleurs plutôt dérisoires – et, à ce que j’imagine, certaines de ces communautés gauchistes que l’on peut trouver aux Etats-Unis – pour des raisons non moins dérisoires à la vérité ; à part eux, tous l’utilisent, le plus souvent sans y réfléchir. On comprend pourtant le danger de ces mots, autant pour l’avenir politique des Juifs que pour leur avenir spirituel.

La possibilité d’une troisième Intifada au nom de Jérusalem et du Mont du Temple, la perspective de milliers d’autres morts, d’un bain de sang où pourrait bien finir une démocratie israélienne déjà attaquée depuis des années par des fanatiques de plus en plus puissants et par son Premier ministre même, leur allié par opportunisme ou par stupidité, tout cela illustre bien la menace inhérente au messianisme : quand on a Dieu avec soi, on est prêt à tout, à tuer comme à mourir ou à immoler ses propres enfants, la fin ultime justifiant le sacrifice du présent.

C’est une telle pensée, quoique confuse peut-être et bizarrement mêlée de machiavélisme à la petite semaine, qui anime Netanyahou et ses camarades millénaristes : comme si la domination politique ne suffisait pas, il leur faut que la judéité de Jérusalem soit reconnue de tous. Cette exigence de pur prestige, religieuse au fond, mais qui n’apporte en fait rien aux Juifs, lesquels non seulement savent que Jérusalem est leur, mais peuvent encore y vivre aujourd’hui en toute liberté – fût-ce parfois au détriment des Arabes – et y possèdent de facto les institutions de leur indépendance politique, ne peut que mettre en péril une fois encore, les chimères eschatologiques prenant le pas sur l’amour de la vie, l’existence simple et paisible que l’Etat juif devait offrir à ses habitants et à la région : voilà donc pourquoi la décision de Trump pourrait bien être de celles que le tribunal de l’Histoire ne pardonne pas.

8 Commentaires

  1. Après avoir été plutôt choquée comme ”tout le monde” par la nouvelle que Trump avait été élu président, je l’ai très tôt aperҫue comme une chance et une nécessité historique contre le « political correctness » qui avait paralysé nos démocraties et notre puissance diplomatique, surtout envers le Moyen Orient. J’ai réalisé que le monde avait besoin d’un « clown » qui a le courage (ou la stupidité, pourquoi pas) de rompre cette paralysie pour avancer les choses … Ainsi, lorsque Trump a voulu bannir les musulmans de son pays, je me suis dit : « Voilà enfin une chance pour l’islam de se réformer grâce à cet affront jamais vu de la nation leader de notre planète ! » Et à propos des actions de Trump envers la Corée du Nord, je me suis dit : « Enfin une chance pour libérer le peuple de ce pays ou il y a des camps de concentration aussi infernaux que ceux de Mao et des nazis … » Est-ce que c’est « faux » de raisonner comme ҫa ? J’adore que Trump aie eu le courage de dire les choses comme elles sont : que Jérusalem est la capitale du peuple Juif. Bien sûr, ҫa cause des révoltes, mais qui peut savoir si ses révoltes seraient plus dangeureuses que toutes ces « hypocrisies diplomatiques » qui n’ont que prolongé le conflit (et rendu possible Daesh dans un climat d’indécision) ?

    • Maya votre méconnaissance de la Corée du Nord vous fait énoncer les bêtises que déversent quotidiennement des médias, le Juche est une gouvernance enviable pour tous les habitants de la planète, gauche du travail, droite des valeurs; pourquoi les occidentaux sont-ils devenus des perroquets décérébrés, désinformés, et pourtant à l’heure d’internet l’ignorance est un choix…

    • Monsieur Stevenson, vous êtes sur une site de philosophes qui se donnent de la peine pour comprendre le monde et où vous croyez pouvoir pratiquer la langue de bois de la propagande de la Corée du Nord, sans écouter ses réfugiés ni se soucier du reste de son peuple hermétiquement isolé et affamé et dépendant depuis des décennies de l’aide des pays plus développés et civilisés. Je ne comprend pas pourquoi vous avez choisi cette site-ci pour nous suggérer que le monde n’a qu’à suivre l’exemple de la Corée du Nord pour être sauvé …

  2. Malheureusement j’ai peur, eh oui, j’ai peur que du point de vue de l’arrière-monde palestinien, le crime de loin le plus impardonnable ne soit pas la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État juif, mais bien celle d’Israël comme État souverain. Réglez la question, épineuse pour une partie de la communauté internationale, de la légitimité du peuple errant à recouvrer une présidence, digne de sa contribution à l’Histoire universelle, sur ses impénétrables destinées, retirez cette épine du droit international, et vous mettrez au point l’anti-poison contre le caractère paralysant du statut de Jérusalem. La ville en guerre qu’une partie d’entre nous tient existentiellement à pacifier serait triplement sainte. Si tel est le cas, cela, effectivement, change le cours des histoires que nous nous échinons à remonter comme des montres désynchronisées. La sinueuse histoire des monothéismes se confond alors avec celle du crime narcissique, ce qui implique que la guérison des mondes ne puisse plus faire l’économie d’un examen de conscience omniversel. Autant dire que l’heure n’est plus à procrastiner chez les amants de Dieu. Ce culte que l’on ne pratiquait qu’au temple de Jérusalem avant qu’il n’inspirât les deux matrices d’une multiplicité de courants religieux irriguant le cerveau planétaire, il apparaît que la meilleure façon de démontrer que son message a été assimilé consiste dans la reconnaissance furtive de la dette éternelle contractée envers les premiers usufruitiers du Lieu. Le droit de propriété sur le Tout-Impossédable n’est pas ce pour quoi le Phœnix d’Auschwitz accomplit son Retour à la source des fleuves. Le rayonnement ruisselant se poursuit à ce prix. Remettre la Terre sainte entre les mains du premier peuple à avoir fait la démonstration qu’un esprit de conquête n’était pas voué à se répandre au sol. Le juif, dès qu’il se met au monde, éprouve une sensation aiguë qu’il ne possède pas ce qui le possède. Les vrais monothéistes éprouvent ce qu’il éprouve. Nous sommes une seule et unique force hugolienne, j’allais dire hillélienne. Une force qui va et apprend.

  3. Si nous voulons parvenir à nos fins, il nous faut impérativement encourager Benyamin à suivre son propre penchant. Si nous craignons tellement qu’il restitue son droit d’aînesse à l’affamé du Livre qui sommeille en lui, essayons de toucher à l’Empyrée que recouvre toute menace de catastrophe. Netanyahou n’a pas toutes les qualités, loin s’en faut. Il en possède néanmoins une dont ses opposants sont violemment dépourvus, l’impeccable conscience que la paix ne procédera jamais de la cession de Jérusalem aux candidats au trône de l’Oumma quand à l’inverse, une éruption de guerres éviscérées en découlerait. Reste pour le chef de l’exécutif israélien à se transformer dans le sens saillant, à resurgir des profondeurs, à décevoir et, disons-le, trahir ses alliés politiques au sens prémacronien de la notion, puis à passer — ce qui, du point de vue des abrutis utiles du BDS, est forcément hors de portée d’un être aussi peu accessible au doute cartésien qu’ils ont préempté — de grand leader israélien à grand leader mondial. Dans ce dessein, il ne se contentera plus de se féliciter de ne pas partager les défauts de sa gauche, mais, plein de la malice des anges, il se piquera d’en acquérir les qualités. Il se servira même de ce que lui seul se targue d’obtenir pour prodiguer ce que lui seul a la force d’offrir. Un État arabe sur la terre de l’ancien royaume de David. Une terre de culture islamique jouxtant une terre de culture judaïque. En ami du Christ Panopticien, il invitera les nations à tous les pèlerinages qu’induit le patrimoine mondial israélien, incitant les citoyens du futur État de Palestine à se montrer aussi hospitaliers que leurs voisins envers les juifs et les chrétiens qui, alter-égotiquement, revendiqueront la liberté d’aimer les écrivains dont ils ne lisent pas les livres tout comme les musiciens dont ils n’écoutent pas les disques dans les rues de Hébron ou Bethléem.

  4. Que pensez-vous, Monsieur, de Yaros supposé lieu de la Crucifixion du Christ… et de l’ancien Palais de Salomon que serait Sainte Sophie à Constantinople, lire les analyses de la Nouvelle Chronologie, à la lumière justement des textes anciens, à la lumière de la recherche scientifique…
    A force de diaboliser les russes l’Histoire est devenu un long conte depuis Scaliger et les autres…

    • Mon but est d’ouvrir un débat Scientifique sur l’Histoire et la Chronologie depuis le Pape Grégoire et Scaliger non de critiquer personne ni aucun état, étant donné que depuis 2001 le moindre quidam a vu de ses yeux vu comment la Version Officielle a pris le pas sur la Vérité, qui croit encore, à moins d’être une Autruche, à cette VO?

  5. Jérusalem, capitale de l’État souverain du peuple juif. Cette vérité connue de tous n’a, pour l’heure, été reconnue que par un président opportuniste et quelques hommes qui ne pèsent pas bien lourd dans la balance du juste. Déprimant.
    Là où le Liban devient un modèle de démocratie, nous en sommes réduits à évincer le réel à tâtons, anticipant un prochain remaniement ministériel à l’occasion duquel nous ferons entrer au gouvernement, pour l’intérêt supérieur de la nation, quelques personnalités issues des rangs de Daech à même de contenir le risque de guerre civile.
    Au carrefour des Deux mondes, le terrorisme fait loi. Ce qui contrarie le terroriste sera réprimé, et ce quoi que nous ayons à lui sacrifier pour parvenir à notre but : calmer la Bête immonde.
    Après deux mille ans d’exil, de spoliation, d’exploitation, de persécution, et d’extermination, un peuple, condamné à errer dans les prélimbes jusqu’à la fin des temps de catéchèse, reconquiert le droit de reprendre le cours protéiforme de son histoire, de sa culture et de son culte. Il se réapproprie son nom. Il se donne les moyens d’assumer son statut d’héritier, d’affirmer ce qui le pense, de porter son visage sans honte, avant qu’un proprio nationaliste ne l’oblige de nouveau à lui baiser la main pour la petite place qu’il lui a faite dans un recoin de sa cave. Israël reprend pied, en somme; dans son foyer historique. Une histoire plus célèbre qu’un mythe, et pourtant. Nul n’avait envisagé une fin heureuse pour cet objet de tous les fantasmes qu’on n’aime jamais autant que lorsqu’il nous offre l’occasion de nous projeter avec lui dans le feu éternel.
    Négocier la paix avec le camp de l’imposture… Choisir son camp me semblerait plus raisonnable. Reconnaître ce que nous connaissons. Prendre enfin position. Notons qu’ici, enfin veut souvent dire d’abord.