Les quelques mois écoulés depuis l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir permettent de dresser un bilan, certes provisoire, des métamorphoses que cette élection a engendrées dans le paysage politique français. Au nombre de ces dernières, et parmi les plus flagrantes, figure sans doute la séparation radicale, hermétique désormais, des «deux gauches irréconciliables» qu’évoquait Manuel Valls : d’une part, le mouvement social-démocrate de la gauche française se retrouve partagé entre La République en Marche et un Parti Socialiste en ruine ; de l’autre, la gauche radicale, sinon extrême, semble s’incarner pleinement, et presque exclusivement, en la personne de Jean-Luc Mélenchon et en La France Insoumise. A en croire les sondages, l’opinion française estime que c’est désormais le parti de Mélenchon qui représente l’essentiel des forces politiques de gauche et le leader insoumis serait devenu à lui seul le principal opposant du Président de la République. Si bien que parmi les deux gauches, sœurs rivales, ce serait la seconde, la plus radicale, la plus absolue, qui aurait survécu aux chavirements du «grand cadavre à la renverse». Et, à bien y réfléchir, il est très rare, dans l’histoire de France, que la gauche extrême éclipse la modérée, vienne lui faire de l’ombre, et monopoliser à elle seule la volonté de changement. Le plus souvent, les deux mouvances politiques durent composer l’une avec l’autre, apprendre à vivre ensemble, à dialoguer, à s’échanger les jeux de pouvoir, à partager l’exercice du gouvernement ou de l’opposition, à se trahir aussi. Ainsi la gauche radicale fut-elle souvent tempérée par un encadrement modéré : en 1848, notamment, du fait de la volonté acharnée de Lamartine de rassurer le peuple français, d’insister sur le fait que la Révolution idéaliste n’était nullement un retour à la terreur, et que l’avènement de la Deuxième République ne représentait en aucune façon «un acte d’agression contre aucune forme de gouvernement dans le monde» – mais je pourrais également citer le socialisme d’Epinay, ou tant d’autres exemples. Il s’avère donc, à la lumière de ces considérations, que Mélenchon et ses partisans font face à une responsabilité insigne, historique en un sens : pour la première fois depuis longtemps, ils condensent, selon l’avis des Français consultés par les instituts de sondage, l’esprit de la gauche – c’est-à-dire le souci, réflexif et sage, d’une justice sociale, d’un espoir sécularisé (pour détourner le mot de Léo Strauss) mais néanmoins lucide. Le tribun qui se veut littérateur aurait pu saisir ce kairos pour construire un grand mouvement soucieux de la question sociale, désireux de faire advenir une excellence démocratique, d’écouter les aspirations du peuple sans jamais l’inciter à cultiver passions tristes et venimeuses. Mais il fait tout le contraire. Il y a deux sortes de leaders de la gauche, en France comme en Occident : ceux qui considèrent que la justice sociale va de pair avec l’éducation, que la défense des opprimés ou des dominés ne doit jamais perdre de vue l’intérêt général, et ceux qui, par clientélisme, désir d’une gloire facile ou tentation fasciste, manipulent constamment l’intérêt général, instrumentalisent la volonté générale qu’ils réduisent au discours des «gens», dans le seul but, non d’élever le peuple vers l’espoir de la justice, mais de le tirer vers le bas, de cultiver en lui les passions les plus sombres. Au sujet des Insoumis, la messe est dite : nous savons désormais qu’ils piétinent leur responsabilité, demeurent résolument étrangers à ce que signifie le sens de l’Etat, et préfèrent insuffler l’odeur putride de la haine sociale à ce qu’ils nomment le peuple. Bref, qu’ils prennent la politique pour une orgie de la haine, une débauche de la bêtise – et que, pour cette raison même, ce n’est pas d’Emmanuel Macron qu’ils sont les principaux opposants, mais de l’esprit de la République. Ou, pour formuler autrement cette thèse, que la France Insoumise, malgré l’intelligence incontestable de ses dirigeants, l’honnêteté morale de certains de ses représentants, et la légitimité de plusieurs de ses aspirations, ne doit pas être considérée en 2017/aujourd’hui comme un adversaire politique, mais bel et bien comme un ennemi de la démocratie, au même titre que le Front National.

Je pourrais vous parler des propos de Mélenchon sur le Vénézuéla, sur Castro, de ses attaques contre la «communauté agressive»1, de sa récente sortie révisionniste concernant la Libération de Paris. Je pourrais vous parler de Danièle Obono, députée insoumise, réticente à dire «Vive la France» mais heureuse d’apporter son soutien à ceux qui s’exclament «Nique la France», menant un jeu dangereux avec la question de l’islam politique, ayant émis des doutes sur le concept de «radicalisation»… Mais ce sont des sujets abondamment commentés, et des situations dans lesquelles les Insoumis se discréditent de manière évidente : il n’y a pas à disserter longuement pour comprendre que de tels propos, de tels engagements, sont autant de compromissions dans le débat public.

François Ruffin, «Merci Patron!» et la délocalisation

J’aimerais vous parler d’une question plus complexe, car plus perverse. De François Ruffin. De cet homme sans doute de bonne volonté, qui prend la défense des opprimés, des vaincus de la mondialisation, qui fait l’apologie de l’égalité, qui dénonce la barbarie économique, l’aliénation au travail, et qui connaît, depuis son César, un franc succès dans le monde intellectuel. Que des bonnes causes, de prime abord : un parfait démocrate, un homme vertueux, un député exemplaire, qui a tenu à se faire payer, en tant que parlementaire, à la hauteur du SMIC. Un grand homme. Un bonhomme sympathique, souriant, avenant. Et puis, surtout, un intellectuel cultivé et talentueux (auteur de nombreux livres, directeur d’un journal, cinéaste) qui, par courage et abnégation, s’investit dans la vie politique, se lance dans une vie de député, travaille nuit et jour au secours du peuple français. Un Lamartine de la vie moderne, une réincarnation de Jaurès. L’image d’Epinal serait parfaite si, par-delà l’authenticité de l’engagement de Ruffin, ne se profilait pas l’expression d’une inconscience politique profonde, d’une mauvaise foi sans appel, et d’une haine sociale intolérable dans l’espace démocratique. Critiquer François Ruffin revient souvent à passer pour ce que Sartre appelait un «salaud», dénoncer le comportement de ce Robin des Bois apparu d’une contrée nommée Fakir serait s’asseoir dans la rigidité d’un fatalisme qui exclurait tout engagement vertueux en politique, toute dévotion pour la justice. C’est précisément pour cette raison que peu de journalistes se sont essayés à l’exercice, par peur de s’attaquer à l’inattaquable. J’aimerais seulement, en trois étapes, démontrer qu’un intellectuel ne peut pas se contenter d’une admiration béate à l’égard de Ruffin, mais qu’une once de lucidité, qu’un zeste de sens critique suffisent pour remarquer que la vertu de cet Insoumis n’est, comme chez La Rochefoucauld, qu’un amas de vices déguisés.
Il me semble évident, premièrement, que Ruffin est privé de cette qualité fondamentale, aussi bien pour un intellectuel que pour un député, qu’est le sens de l’Etat. Dans son film Merci Patron !, il s’intéresse au problème de la délocalisation dans le nord de la France, et plus particulièrement aux entreprises qui, tout en s’enrichissant, décident de s’implanter dans des pays où la main d’oeuvre est moins chère (Pologne, Bulgarie…), laissant sur leur passage des salariés qui, souvent âgés, peinent à trouver un nouvel emploi. La délocalisation est, il faut le répéter, un sujet éminemment problématique : elle reflète les enjeux du néo-capitalisme, où les entreprises ne s’implantent jamais que de manière éphémère, mettant en place un jeu binaire de créations et de destructions d’emplois. A mon énorme surprise, lorsque j’ai visionné le film de Ruffin, j’ai observé qu’il ne proposait aucune analyse globale de ce phénomène, et aucune solution politique. Comme l’indique le sous-titre de son documentaire, il s’agit de mettre en place une «arnaque version lutte des classes.» Ruffin élabore un stratagème permettant aux Klur, couple d’ex salariés d’une entreprise de Bernard Arnault, d’exiger sous la menace que ce dernier leur verse 40 000 euros, pour combler leur dettes massives. Dettes qui, je le rappelle, sont moins dues à la perte de leur emploi qu’à un accident de voiture qui les a contraints de rembourser le 4X4 que ce dernier avait endommagé (à la hauteur de 25 000 euros). Le sous-titre «l’arnaque version lutte des classes» est puéril et inadmissible pour trois raisons. D’abord, Ruffin est totalement aveugle à la dimension politique du problème de la mondialisation : sa seule préoccupation est, non de servir l’intérêt général, mais de défendre celui de ce qu’il appelle une classe – donc de diviser, de monter les Français les uns contre les autres, de déconstruire méthodiquement le socle de la volonté générale. Son choix de réalisateur n’est pas digne d’un futur député, mais d’un délégué de collège qui essaie de négocier une augmentation de la durée de la récréation. «Tapez du poing sur la table, et puis rackettez bien les PDG», recommande-t-il aux époux Klur dans son film. Deuxièmement, l’apologie ici faite de l’arnaque signale de manière évidente que Ruffin le vertueux sait mieux que quiconque s’arranger avec la morale, autoriser le vol dans certaines situations : toute déontologie politique lui est étrangère, sauf quand il s’agit de dénoncer les politiques tous pourris qui vivent avec l’argent des Français et ne pensent qu’à s’enrichir. Mais surtout, dans l’arnaque, à qui revient l’argent volé ? Permet-il aux dizaines de salariés licenciés en même temps que les Klur de résoudre leurs problèmes propres, de rembourser leurs dettes ? Nullement ! Finalement, Ruffin, à force de vouloir incarner l’ennemi de Bernard Arnault, devient son meilleur complice : l’argent «racketté» par les Klur permettra de «fermer la porte aux autres» salariés qui pourraient demander, également, une compensation. Drôle de justice, à laquelle j’avoue ne rien comprendre…
Mais, me répondrez-vous (du moins si vous désirez le défendre), si Ruffin est bel et bien ce Robin des bois qui vole aux riches, s’il est animé par un sentiment de charité malhonnête plutôt que de justice, il n’en reste pas moins qu’il vient en aide à un couple délaissé et plongé dans la misère. Qu’il demeure fondamentalement un merveilleux saint social. Une des premières phrases qu’il prononce dans son film, remarquerez-vous, est d’ailleurs la suivante : «moi ce que je voudrais, à travers Bernard Arnault, c’est réconcilier la France d’en bas et la France d’en haut.» Il faudrait rétorquer, face à une telle objection, que cette sentence est une antiphrase, que le véritable objet du documentaire de Ruffin n’est pas tant de critiquer les décisions managériales de Bernard Arnault que de s’en prendre au patron, dans sa personne privée, dans son intimité – avec toute l’indécence que cette haine sociale implique. Il y a une scène ahurissante dans Merci Patron !, où Ruffin, écoutant les Klur lui expliquer qu’ils vivent avec 400 euros par mois, qu’ils commencent à sombrer dans la dépression, s’amuse à échauffer leurs esprits en leur parlant des propriétés de Bernard Arnault : «Il a une maison à Saint-Tropez, une maison à Courchevel.» Comme si la question était celle, non des délocalisations du néolibéralisme, mais des maisons d’Arnault. Comme si la volonté de Ruffin était de construire, à coup de caricatures et de satires, une lutte des classes en château de sable. Comme si le fantasme de Ruffin était d’entendre les Klur s’auto-humilier, en disant : «Monsieur Arnauld, si vous avez du travail à me donner, envoyez moi du courrier. Même laver les chevals (sic), même tondre les pelouses, j’irai travailler pour vous, faire n’importe quoi.»
D’où il suit que non seulement l’ambition de Ruffin n’est pas de résoudre politiquement les conséquences de la délocalisation, mais elle n’est pas même d’aider ceux qu’il appelle, comme Marine Le Pen, les «vaincus de la mondialisation». Non, son ambition est bien plus noble, bien plus chevalière, bien plus digne de ce qu’il perçoit dans l’esprit de la gauche : c’est d’attaquer Bernard Arnault, de le tourner en dérision, de le juger à travers un prisme moral fabriqué de toutes pièces. Les propos de Ruffin, dans son film, en témoignent : «Tous ensemble nous pouvons aider à redonner un sens à sa vie [celle d’Arnault]. Il faut qu’on soit tous ensemble dans une reconversion spirituelle de Bernard Arnault », reconversion consistant à lui faire expier son «péché originel», à savoir la liquidation de Boussac Saint Frère.

La question sociale et la haine des bourgeois

Il n’y a rien de bien méchant dans cette ironie révolutionnaire, insisterez-vous. Vraiment ? Ecoutez alors la déclaration de Ruffin en septembre 2017 où il incite ses auditeurs à brûler la maison d’un autre patron : «Et là j’arrive en montrant la photo de Jeff Fettig, donc PDG de Whirlpool, en montrant sa maison puisqu’il a une immense demeure avec 80 chambres, 47 salles de bain, une piscine intérieure avec des terrains de tennis à découvert, accès direct à la plage et tout ça ; en montrant la maison et en demandant aux salariés : […] est-ce vous vous direz : putain mon adversaire il est là, c’est clair, et c’est son château que je dois brûler.» Son fantasme tourne à la convoitise (il s’agit là de rejouer la Terreur) et à la haine, comme lorsqu’il déclare, dans un entretien : «Je m’emmerde beaucoup moins dans la vie que Bernard Arnault». Où est, dans ces sentences, la question sociale ? Envolée, disparue ? N’était-elle, au bout du compte, qu’un prétexte utile pour redonner naissance à la haine des riches, à la haine des bourgeois, à cette haine qui n’a rien de politique – puisque son essence est, de fond en comble, totalitaire.
«Et alors ?», objecterez-vous. Ruffin déteste les patrons. Il n’est ni le premier ni le dernier. Je vous ferai noter que les choses sont plus complexes. Car comment Ruffin se comporte-t-il à l’égard des patrons qui sont les siens, qui ont servi l’autel de son ambition personnelle, qui ont satisfait son avidité de gloire ? Comme par hasard, lorsque Daniel Mermet (producteur et animateur de l’émission Là-bas si j’y suis sur France Inter) était mis en cause pour avoir méprisé ses salariés, et pour avoir mené une gestion quelque peu brutale, Ruffin était du côté des patrons. La belle affaire que de critiquer les patrons des autres si c’est pour mieux jouer au gendre idéal avec le sien ! Comment interpréter la contradiction de Ruffin ? Bien sûr, cette duplicité s’explique par le fait que Ruffin est sans doute ambitieux (mais pas plus que n’importe quel autre arriviste), qu’il est lâche (mais pas plus que n’importe quel autre homme de petite envergure), mais il me semble que le motif réel de son double discours a une autre cause. Dans un article publié sur Fakir, Ruffin explique qu’en réalité, Daniel Mermet est un bon patron. Pourquoi ? Non parce qu’il se comporte bien avec ceux qui travaillent sous ses ordres, mais parce qu’il n’est pas propriétaire de son appartement, et dépense tout son argent en restaurants et en taxis – en somme, parce qu’il est pauvre. Et inversement, ce qu’il reproche à Arnault est moins ses choix de patrons que le nombre de salles de bain dont il profite. La morale de Ruffin est ainsi la suivante : un patron qui ne respecte pas ses salariés, qui les prend pour des «kleenex» (expression employée dans Merci Patron!), s’il est riche, est le pire des salauds – mais, en revanche, s’il est pauvre, n’est qu’un homme comme les autres, avec ses défauts et ses qualités, qu’il ne faut surtout pas accabler de reproches.
J’espère que cette analyse de la pensée de Ruffin, mettant en lumière sa haine sociale, fera voir clairement quel est le vrai visage de la France Insoumise, et dans quelle mesure ce parti est profondément incompatible avec la recherche de l’intérêt général. Nous avons vu récemment qu’à l’occasion des manifestations contre la «Loi Travail XXL», les Insoumis sombraient dans le déni de démocratie, oubliant que Macron avait été élu par une majorité d’électeurs sur la base d’un programme qu’on est en droit de contester, mais qu’il est désormais en devoir de respecter.
Je sais qu’il est difficile, pour les intellectuels de gauche, de condamner fermement les égarements de l’extrême gauche, parce que celle-ci est à leurs yeux une sœur honteuse qu’on affectionne malgré tout. Et néanmoins, il me semble profondément irresponsable de continuer à considérer la France Insoumise comme un adversaire politique parmi les autres. Pourquoi diable Macron lui-même accepte-t-il de faire de Mélenchon un opposant et non un ennemi ? Est-ce parce que le programme «L’avenir en commun» présentait une grande cohérence idéologique, et contenait plusieurs mesures intéressantes ? Est-ce parce que Mélenchon est le seul à prendre le parti des dominés, des exclus ? Si telle est la raison de sa clémence, elle devrait faire l’objet d’une circonstance aggravante plutôt qu’atténuante : c’est bel et bien parce que la France Insoumise exerce un monopole sur la lutte contre l’injustice économique que son attitude de haine est inacceptable. Quand Chirac débattit en 1985 avec Laurent Fabius, il expliqua que, de la même manière que la droite refuserait de tenir le Front National pour un parti politique comme les autres, il serait désirable que la gauche modérée prenne des distances hermétiques avec l’extrême gauche, communiste ou non. Il serait digne que Chirac soit enfin écouté sur ce point.
Entendez-moi bien : je ne dis pas que quiconque défend les ouvriers licenciés, que quiconque critique la concurrence déloyale et la mondialisation sauvage est un fasciste doublé d’un vecteur de haine. J’aimerais qu’il existe une déontologie au sein de la gauche sociale. Ruffin a raison de faire de la délocalisation un problème de taille, mais son traitement de cette question le discrédite de manière irrévocable. Prenez l’exemple d’Elise Lucet qui, dans son émission Cash Investigation, fait un travail remarquable de critique de la barbarie économique. Eh bien, quand elle interview le co-gérant de Lidl France, elle n’a pas besoin de se répandre en insultes, de préciser combien de maison le «salaud de riche» est propriétaire: le silence du directeur en question devant un enregistrement audio dévoilant les conditions de travail de ses salariés est lui-même une parole, ou du moins signale-t-il à lui seul ce qu’il faut penser de la situation. Pas besoin de mettre en scène des mensonges, d’élaborer un petit complot, de violer l’intimité du patron. C’est par la décence qu’Elise Lucet parvient à honorer son métier, ainsi que son engagement politique. J’en viens même, en écrivant ces lignes, à regretter qu’elle soit journaliste, et non consacrée à la chose politique…
Outre le modèle d’Elise Lucet, je connais beaucoup de gens, beaucoup d’étudiants (en khâgne, à l’Ecole Normale) qui, bien qu’ils soient proches de la France insoumise, sont d’une grande rigueur intellectuelle et de bonne volonté. Quand je discute avec eux de la haine sociale véhiculée par le mouvement politique qu’ils défendent, ils ne la cautionnent pas. Je pense qu’ils choisissent de se qualifier d’Insoumis par défaut, parce qu’il n’existe pas d’autre grand parti politique de gauche sociale susceptible de se faire entendre dans le dialogue public. J’espère néanmoins que leur lucidité l’emportera sur leurs rêves, quitte à ce qu’un jour, ils participent à la fondation d’une nouvelle gauche, intellectuelle ou politique (ou les deux à la fois). Une gauche qui puisse penser authentiquement l’écologie, la misère sociale, la violence économique – sans que sa radicalité soit jamais complice de la haine.


Notes :

[1]Contrairement à ce qu’écrivait Gérard Miller, la phrase de Mélenchon ne consistait pas à dire que le CRIF était une institution «communautariste» et «agressive», mais à pointer du doigt une «communauté agressive». De l’adjectif au nom, on passe de l’avis politique à la haine antisémite à peine voilée…

 

3 Commentaires

  1. Bon, le « minet » est de trop. Mais la haine des riches existe. C’est un fait. Allez expliquer aux chômeurs, à ceux qui sont licenciés, qui vivent avec le minimum vital, qui voient les riches devenir de plus en plus riches, exhibant « leur fétichisme de la marchandise », qui sont frustrés devant cette excitation des désirs incessantes de la publicité, qu’il n’est pas bien de haïr les riches. Même si je suis radicalement anti-fasciste, je constate que la famille Le Pen a canalisé la haine dans le système électoral, bien loin de l’extrême-droite des années 30, du nazisme, du fascisme italien et du franquisme. Point de coups d’État, point d’attaques de l’Assemblée Nationale mais des députés bien sagement assis sur leur banc de l’Assemblée Nationale.
    Quant à Ruffin et Mélenchon, ils se font les porte-paroles de la colère et des frustration des pauvres et dénoncent l’injustice sociale. Discutez avec ces pauvres, même s’ils font des fautes de grammaire, et vous tremblerez de la violence latente qui règne et vous devriez bénir ceux qui parviennent à l’exprimer dans des instances démocratiques. Et que les riches cessent d’être des pluviers, oiseaux qui mangent et fientent en même temps, comme le dit Socrate. Ceux qui veulent tout risquent, un jour, de n’avoir plus rien.

  2. Merci pour cet « essai » avec lequel je suis bien d’accord, que ce soit l’analyse de ce qu’est FI comme des pensées (?!) de F Ruffin.
    Un peu moins avec votre pensée sur E Lucet : j’ai depuis longtemps suivi ses reportages et j’y vois des biais communs à tous que j’explique d’abord par sa méconnaissance absolue du monde du travail _pas celui où l’on gratte du papier, celui où l’on transpire_ ensuite par son ignorance de la nature humaine où il y a 10% d’exemplaires, 10% de salauds et 80% de ces normaux. Elise analyse et interroge systématiquement les salauds et tente d’expliquer que tous sont comme cela ; on ne la voit jamais interviewer les exemplaires : c’est soit d l’ignorance soit de la manipulation. Enfin, et comme 86% de ses confrères Elise est de gauche et elle analyse tout à travers ce prisme, sans esprit critique. En conclusion ses reportages sont à prendre avec des pincettes.
    Merci pour votre article.

  3. C’est à pleurer de rire. L’auteur semble découvrir la lutte des classes. Et ouais mon minet, tous à la lanterne !