Je veux revenir sur l’incident, ici même, d’hier soir.

Cet incident, en lui-même, ne mériterait pas qu’on en parle tant il discrédite ses minables auteurs.
Mais il est hélas – et tous mes amis serbes me l’ont répété – à l’image de ce qu’eux-mêmes et les démocrates de ce pays subissent au quotidien : pressions, injures, intimidations, propagande et Medias au service du pouvoir – jusqu’aux groupuscules qui, comme celui d’hier, sont tolérés, voire manipulés, par les autorités.

Vous vivez, amis Serbes, sous un régime qui s’appelle d’un nom nouveau : une «démocrature», c’est-à-dire une dictature utilisant le suffrage universel et les apparences de la démocratie pour mettre au pas la société civile et étouffer ses aspirations à la liberté.

Vous jouissez encore de vraies libertés, bien sûr. Mais, bien souvent, c’est toujours Milosevic qui est au pouvoir. Un Milosevic bis. Un Milosevic 2.0 et sans la guerre. Un héritier de Milosevic hostile à la culture, étranger à la liberté de l’esprit et à la vérité de l’Histoire. Un ancien ministre de Milosevic qui contribue à entraver le devoir de mémoire et le travail du deuil sur les horreurs de la guerre en Bosnie, de l’épuration ethnique au Kosovo et du matraquage des citoyens en Serbie même.

Dans le même temps, votre Président se dit Européen et prétend vouloir faire entrer la Serbie en Europe.
Les Européens – y compris mon pays – se prêtent au jeu et prennent pour argent comptant ces belles déclarations.

Car c’est toujours, depuis un siècle, la même perception des Balkans qui prévaut : des peuples turbulents et fauteurs de troubles, inaptes à la démocratie, qui mériteraient un maître, un bon policier qui les dompte – en la circonstance un mixte de Viktor Orban et Recep Erdogan qui veut l’Europe sans ses valeurs mais est supposé faire barrage au flot des migrants qui fuient la guerre.
Face à cela, je suis venu, amis Serbes, vous dire ma solidarité.
Vous êtes, cher Goran Markovic, cher Philip David, chers compagnons de Vreme et de Danas[1], vous êtes, comme quand je vous rencontrai, tout près d’ici, à Belgrade, il y a un quart de siècle, à l’aube des guerres en Yougoslavie, en état de résistance.

Vous étiez en première ligne, comme Danilo Kis et tant d’autres, contre le suicide de votre nation par les nationalistes. Vous l’êtes toujours et je vous admire. Les vrais Européens, c’est vous. C’est vous que l’Europe doit aider. Et c’est vous que je suis venu, cette fois encore, saluer.


[1] Quotidiens serbes. Ndlr

Un commentaire

  1. Hollande a raflé le trophée 2012 sur une phrase. Il a donné aux nationalisateurs le coup de grâce que Sarko avait, cinq ans plus tôt, asséné aux nationalistes. Mais le principe du fusil à un coup marche des deux côtés, et le peuple de gauche comprendra vite que la France a d’autres ennemis non moins globalistes que ne le serait n’importe quelle espèce impérialiste, des fauteurs de dérégulation qu’un chef d’État, même socialiste, ne parvient pas à neutraliser sans mettre un tant soit peu la Main invisible à la poche. Échaudé par un empêchement lent, Macron ne souhaitera pas payer pour le péché originel d’une famille politique qui ne fut jamais a priori la sienne. Comment se conduire dans le tumulte? Comment conduire sur l’autoroute parcourue de dos d’âne qu’engendrent les novices de la macroéconomie? La cohésion, pour commencer, devrait être possible entre les équilibristes du libre-échange et les acrobates du droit social. Entre le centre gauche et le reste de la gauche en cas de victoire d’un candidat de gauche. Entre le centre droit et le reste de la droite en cas de victoire d’un candidat de droite. Même chose entre le centre gauche et le centre droit sans pour autant qu’un phénomène aussi naturel cause une crise d’urticaire ni à la gauche ni à la droite en cas de victoire d’un candidat centriste. Avant de parvenir à ce stade de maturité démocratique, nous adopterons le principe de tolérance zéro à l’égard des franges extrémistes qui seront franchement poussés hors du champ éthique de l’État de droit par les partis républicains enracinés dans le terreau égalitaire des libertés fondamentales. Le Dindon de cette farce que fut la Belle Alliance populaire ne semble pas y être disposé.