Non pas sur le comptoir d’un café de commerce perdu quelque part. Non pas entre deux gorgées de bière amères avalées dans une microbrasserie face à une gare délabrée. Mais à l’heure d’une Matinale sur deux médias leaders, cette phrase… Une phrase qui dit crûment toute la laideur de la vision du monde d’un regroupement politique trouble qui se dit parti pas comme les autres parti ; un parti en réalité en mission permanente de propagation, d’agglutination, de coagulation, de transformation des flots d’angoisses et d’impuissances décontenancés par le quotidien en haines remuées resurgissant raides et solidifiées.
Mardi 13 mars, matinale de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et RMC. Invité: Louis Aliot, vice-président du Front national. L’interview est lancée : discours identitaire, confusionniste plus que désagréable à l’écoute mais langage uniformément rodé, ronronnant, rond. Au Front, la façade ravalée, la langue tenue, les têtes rasées et cagoulées, voilées, on ne parle plus comme dans Le Petit Journal du colonel de La Rocque, ni comme dans L’Action Française de Mauras; on ne brandit plus publiquement en drapeau public « La révolution nationale du Maréchal Pétain » et « L’Algérie française »; on ne dit plus, la langue brute, mal tenue: « Haro sur les sales Juifs! », « Les Bicots et les Negros dehors ! »; on dit, avec euphémisme et allusions; on dit, les déplacements de la langue tenus, domestiqués, on dit, la langue lisse, avec d’autres mots, les mêmes idées; on dit combat contre le cosmopolitisme et la haute finance; on dit préférence nationale.
Mardi 13 mars, BFMTV et RMC; Bourdin interroge, pose les questions et le vice-président du Front national répond. Etalage publicitaire d’échafaudages d’un autre temps débités calmement: « désordre mondial », « insécurité », « les clandestins », « l’Etat n’est plus présent nulle part », « Si on ne fait rien, on conduit le pays vers les affrontements sociaux, religieux » et au détour d’une question, le responsable FN qui se lâche et remontée comme d’une vieille tuyauterie de cette ignominie, la théorie du grand remplacement: « Si vous importez vingt millions d’Africains… ».
Importer vingt millions d’Africains! Dans ce verbe, dans cette phrase, dans cette articulation, manifestation flagrante d’une pensée close sur elle-même et chargée d’une violence symbolique assez particulière. Car on importe des biens, on importe des produits, on importe des choses, des choses sans pensée, des choses sans volonté, des choses sans droits, des choses destinées à notre usage. On importe des choses; on n’importe pas des humains. Chaque année, la France, par exemple, importe du pétrole, du charbon, du gaz naturel, du fuel, des voitures, des rails, des machines à laver, du café, du chocolat, de la viande, des céréales, des grumes, de la pâte à papier, des pneumatiques, des vêtements, des produits pharmaceutiques, des lunettes, des montres, des instruments de musique…
« Si vous importez vingt millions d’Africains… ». Les Africains importés donc en tas, importés en nombre, importés en millions, telles des choses ordinaires. Retour au code noir? A l’époque du code, on jaugeait, on pesait, on soupesait, on comptait, comptabilisait, parquait, entassait à même le bois au fond des entrailles des bateaux négriers des hommes, des femmes, des enfants marqués au fer rouge et mis en fers. Ensuite de Gorée, d’Elmina, de Ouidah, traversée des eaux et cap sur les Antilles, le Brésil, l’Amérique et enfin livraison à bon port de la cargaison. Des choses. Les Africains étaient alors des choses; les Africains étaient des « pièces d’Inde » achetables, vendables, importables à volonté. Article 44 du code Noir: « Les esclaves sont des meubles ».
Violation de toutes les lois de la morale, de la justice, de l’humanité, dira Schoelcher. Et naissance, fabrication du racisme, car le racisme n’est ni une donnée naturelle, ni une réaction épidermique, spontanée d’une couleur à l’autre; construction du racialisme car nécessité alors de justifier l’injustifiable, de légitimer l’abomination figurée en devoir de générosité! Et différenciation, et catégorisation, et hiérarchisation des hommes. Invention de la mystique raciale. Et oublié que tout homme est un homme. Olympe de Gouges: « Un commerce d’hommes!… grand Dieu! et la nature ne frémit pas! Sils sont des animaux, ne le sommes-nous pas comme eux? » C’était il y a quelques siècles. Depuis l’esclavage a été aboli et la traite négrière qualifiée de crime contre l’humanité.
Et ce mardi 13 mars 2017, cette phrase abjecte de Louis Aliot: « Si vous importez vingt millions d’Africains ». Les Africains refixés dans leur statut de choses; les Africains nommés choses parmi les choses; les Africains ravalés au rang d’objets en nombre sans noms, sans visages, baladables, importables d’un sol à l’autre. Implicitement ainsi signifié, énoncé: séparation brutale entre «nous» et ces choses-là avec lesquelles, on ne saurait, naturellement, être lié par aucun lien de sang sous peine d’y perdre ce que nous sommes. « Si demain vous importez vingt millions d’Africains en France, je pense que… » Chute de la phrase du leader frontiste: « Je pense que la France ne ressemblera pas tout à fait à ce qu’elle a été pendant des siècles ».
Nous y voilà: agitation du péril sismique généalogique! Le conte ténébreux: les fondements de notre monde, de notre « identité » sous menace d’une possible marée déferlante de ces gens-là qui ne sont pas des gens comme nous, de ces gens abîme, de ces gens perdition pour notre société composée de bons français bien « purs », multiséculaires! La « France éternelle », « une nature française, un air français, une souche, des racines françaises. » L’identité comme paradis perdu, néant aux flux et reflux nauséabonds d’un monde national clos, clôturé, mono-ethnique, barricadé dans ses frontières, replié sur lui-même! Plats servis: c’était mieux avant, le passé comme promesse d’avenir et la haine comme passion nationale et élixir miraculeux contre ce qui est en acte dans le présent! Il s’agit de faire peur. Faire peur pour ramasser des soufrages. Faire peur pur ramasser le pouvoir.
« Si vous importez vingt millions d’Africains »… Il y a quelques saisons encore cette rhétorique, ces propos auraient déclenché une vague de protestations. Des voix multiples se seraient élevées contre cette misérable pensée, cette misère de la pensée. Là, mutisme. Main basse, prise de pouvoir sournoise, latente, progressive de la pensée grégaire sur notre horizon partagé? La raison fatiguée, l’énergie épuisée, les jambes lourdes, notre humanisme, la colère contre la haine semée, consumée, serait-il entrain de rendre les armes lentement et de mourir doucement sans s’en rendre compte? Le pire est de s’habituer à la laideur, à l’infamie quotidienne.
Monsieur Paul, je vous comprends. Vous êtes un homme ordinaire qui pense que la France est en péril à cause de l’immigration de ceux qui ne vous ressemblent pas. Quand Hitler vous a soumis à son joug, combien de ces gens qui ne vous ressemblent pas ont-ils été transformés en chair à canon pour votre liberté? Depuis l’esclavage à nos jours, combien de milliards votre grande France à-t-elle puisé dans le sang et la sueur de ces peuples daidaigneux? Depuis les années des indépendances de l’Afrique, combien de milliards le néocolonialisme français a puisé dans ce continent qu’on a rendu misérable à jamais? Sauriez-vous combien de dictateurs corrompus vos politiciens non moins corrompus maintiennent au pouvoir pour mieux piller ce continent? Saviez-vous le sort réservé à un président africain qui résiste à donner gratuitement ses richesses à votre grande France? Cherchez sur le web le nom de Sankara et ce que Mittérand a fait de lui et vous en saurez quelque chose. Une consollation tout de même: la France n’est pas la seule si j’essaie d’être juste. Alors, ce flots d’immigrants illégaux est le produit de vos injustices socioéconomiques. Comme l’ai d’ailleurs le terrorisme islamiste. Ne vous en pleignez plus, il faut chercher des solutions durables et cela ne peux se faire que dans le respect de l’autre qui ne vous ressemble pas. Réinventer le mot ‘humilité’ chez le français ordinaire. Surtout, rendez la mannaie CEFA aux Africains serait un bon début pour freiner le flux des malvenus. Ainsi, des milliards d’euro que vous perccevez sans rien faire serait destiné au développement qui retiendra ces vereux noirs. Pensez-vous que si le Front National ganait les elections le ferait? Ce serait en passant sur le cadavre de Total et autres multinationales françaises, ce qui n’est pas du tout gagné d’avance.
« Israël est un petit pays et n’a pas de profondeur démographique et géographique. Nous donc devons contrôler nos frontières et empêcher l’entrée de travailleurs clandestins ou de terroristes »
« […] nous contribuons comme nous le pouvons à l’effort international, mais je n’oublie pas un instant que nous devons avant tout protéger nos frontières. Nous ne savons pas ce qui se passera dans l’avenir et nous devons nous assurer que nous avons un contrôle intégral sur nos frontières ».
« tout le monde doit imaginer où nous serions si nous n’avions pas construit la clôture à la frontière égyptienne ».
Benjamin Netanyahou, Premier ministre israélien, répondant à la suggestion d’accueillir des migrants, le 06/09/2015.
Le mot « importez » est vraiment « malheureux » mais on trouve bien plus odieux sur la toile, ainsi ces phrases trouvées sur le site de Renaud Camus:
« Davos est un Wannsee annuel, plus festif. Le génocide est démodé. On ne gaze plus les peuples, on les remplace. On ne les tue pas, on les submerge. Le naufrage est devenu un moyen de transport comme un autre. Embarqués sur des canots prévus pour se renverser, les migrants sont réceptionnés comme des produits commandés bien plus que sauvés en mer comme des voyageurs fourvoyés. Et c’est l’Europe qui meurt noyée. » Renaud Camus, journal, 25 janvier; reprenant un de ses articles destiné à un journal italien. J’ignore si il a été accepté.
« Le naufrage est devenu un moyen de transport comme un autre. On s’embarque pour chavirer, dans des embarcations soigneusement dessinées et prévues à cet effet. » Renaud Camus, journal, 2 février.
pardon sentiments
Si vous voulez mener un combat d’idées, ça ne nuirait pas de le faire intelligemment. Louis Aliot est un homme simple, il a dit les choses comme les gens simples les ressentent, et les perçoivent. Votre indignation d’esthète tombe à plat. Ce n’est pas comme ça que vous aurez prise sur l’évolution des esprits. Bien au contraire.
« Si demain vous importez vingt millions d’Africains en France, je pense que la France ne ressemblera pas tout à fait à ce qu’elle a été pendant des siècles ». Bon bien sur pour un petit marquis des beaux quartiers, ça sonne un peu beauf. Mais une majorité populaire n’est pas composée de petits marquis. Si vous n’aimez pas l’expression « si vous importez », alors remplacez là par une plus correcte: « Si demain vous accordez des titres de séjour à vingt millions d’Africains en France, je pense que la France ne ressemblera pas tout à fait à ce qu’elle a été pendant des siècles ». Ca va mieux comme ça? Est-ce que vous pensez que ça va changer quelque chose à l’angoisse irrépressible de millions de Françaises et de Françaises qui ne reconnaissent plus leur pays?
Vous voyez bien que votre propos est inepte. La politique n’est pas faite pour les gens comme vous qui ne vivent pas dans le monde réel. Vous pouvez déplorer la manière dont s’exprime une angoisse existentielle. Mais elle existe, et ça vous ne pouvez rien y changer.
Je me souviens d’une auditrice de la radio qui se plaignait, peut-être d’ailleurs au micro de Jean-Jacques Bourdin, que dans son quartier, depuis qu’il y a une majorité de musulmans, elle ne peut plus trouver de babas au rhum. J’avais trouvé ça poignant. La petite dame aime les babas au rhum. N’est-ce pas son droit? Elle ne peut plus en avoir, parce qu’elle ne vit plus en France, dans sa France, une France dans laquelle on trouve des babas au rhum. Bien sur vous allez mépriser cette brave dame. Mais cela ne parle pas pour votre intelligence ni pour votre sensibilité. Cette dame a droit à ses babas au rhum. Et elle a aussi le droit de voter pour des candidats qui voudraient que la France ressemble encore un peu à ce qu’elle a été pendant des siècles.
Si tout cela vous est impénétrable, alors c’est que décidément vous n’appartenez pas à ce pays ni à ce peuple, que vous méprisez tant, même si vous possédez une carte d’identité française. Honte à vous!
Le moment est venu pour un grand peuple, le peuple français, de parler pour lui-même et non plus pour des étrangers de l’intérieur qui ne sentent pas son inquiétude et qui le haïssent en étant parfaitement insensible à ses sentients.