Pour qui s’est rendu dans la République du Haut-Karabakh, et ils sont plusieurs dizaines de milliers dans ce cas, le monde est devenu une souricière. Le blogueur russo-israélien Alexandre Lapshin est en train d’en faire la très pénible expérience. Faisant escale en transit à l’aéroport de Minsk, il est alpagué par la police Biélorusse le 15 décembre 2016 et placé en détention. Motif : plusieurs voyages sans l’autorisation de Bakou en 2011 et 2012 dans cette république séparatiste peuplée d’Arméniens. Interpol n’a été saisi d’aucun mandat d’arrêt international à son endroit, lequel aurait d’ailleurs été improbable eu égard au prétexte invoqué. Mais les bonnes relations entre les régimes biélorusses et azerbaïdjanais ont rendu possible cet abus de droit qui se transforme en cauchemar pour sa victime et en menace pour nombre de ceux qui sont allés au Haut-Karabagh. Alexandre Lapshin a en effet été extradé à Bakou le 7 février, sans autre forme de procès. Et il se trouve depuis dans les geôles de cette pétrodictature qui est en train de lui faire payer ses voyages, ses sympathies pro-arméniennes et ses dénonciations du régime Aliev sur son blog.

Si Amnesty International s’est saisie de cette affaire totalement ubuesque, on n’entend pas beaucoup Jérusalem et Moscou demander la libération de leur ressortissant qui possède pourtant la double nationalité russe et israélienne. Il faut dire que Poutine et Netanyahou sont les grands pourvoyeurs d’armes de cette oligarchie riche en ressources pétrolifères. Et que le régime Aliev ne badine pas avec la question du Haut-Karabakh dont la population arménienne, en s’émancipant du joug, a infligé une insupportable blessure narcissique à ce nationalisme panturc qui conduit l’Azerbaïdjan et la Turquie à prétendre former deux Etats pour un même peuple…

Les conditions aussi tragiques qu’inédites du kidnapping de Lapshin en Biélorussie, de son extradition et de son incarcération à Bakou en disent d’ailleurs long sur  l’obsession névrotique des dirigeants azerbaïdjanais envers cette question arménienne. Un délire qui les a amenés à instaurer un état de terreur dans leur sphère d’influence à l’égard de tout ce qui y touche (nombre de dissidents sont accusés d’espionnage ou d’accointances avec l’ennemi), mais aussi à l’extérieur. Bakou revendique une liste noire de 500 personnalités ayant visité la République du Haut-Karabakh. Ces « malheureux » se voyaient jusqu’alors interdits de séjours en Azerbaïdjan… mais ils s’en relevaient. La situation est plus grave aujourd’hui, qui les met à la merci d’une escale malencontreuse dans tout Etat qui entretiendrait des liens privilégiés avec l’Azerbaïdjan, comme ce qui est arrivé à Lapshin en Biélorussie.

Nombre de journalistes et de politiques français qui ont voyagé dans le « territoire libéré » du Haut Karabagh pourraient figurer  sur cette liste. L’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, qui s’y est lui-même rendu « sans autorisation de Bakou » il y a un an et demi, en fait-il partie ?  Et sera-t-il lui aussi attendu au tournant, dans un futur plus ou moins lointain, dans quelque aéroport international de quelque pays amis de l’Azerbaïdjan ?

Dans son zèle à étendre le domaine de la terreur, il semblerait que cet État ne se contente plus de briser la liberté d’expression dans ses murs (l’Azerbaïdjan est classé 163e sur 180 pays au classement RSF sur la liberté de la presse), il s’aventure également à essayer de la régenter très loin de chez lui, parfois-même jusqu’en France. Ainsi l’auteur de ces lignes a-t-il été poursuivi pour avoir diffusé un communiqué du député UDI la Loire, François Rochebloine, qui  qualifiait l’Azerbaïdjan « d’État Terroriste ». Un juge a certes délivré il y quelques semaines un non lieu dans cette affaire. Mais l’Azerbaïdjan a décidé de faire appel. Naturellement. Ce qui entravera d’autant moins son budget que son ambassade jouit de l’immunité diplomatique et n’aura jamais à subir les conséquences de ses poursuites abusives contre des journalistes français. Dans ces conditions, pourquoi romprait-il avec ses vieilles habitudes en se privant de les harceler sur le terrain judiciaire ?

On le voit, le cas d’Alexandre Lapshin, pour être spectaculaire, n’est que la résultante d’une dérive autoritaire et mégalomaniaque qui ne cesse de s’accentuer et de se développer, tant à l’intérieur des frontières de cet État qu’à l’extérieur. Un rapport explosif de l’ESI (European Stability Initiative), sur les tentatives de corruption de l’Azerbaïdjan au sein de l’APCE, dénonce ce tropisme. La France n’est pas épargnée où le régime de Bakou a gagné quelques sympathies parmi les élus en faisant profiter de ses largesses leurs bonnes oeuvres. Ce n’est en tout cas pas sur eux qu’il faudra compter, pour qu’Aliev, qui sera en visite officielle en France le 14 mars, entende parler du pays et de Lapshin…

3 Commentaires

  1. Mr. Toranian, do not try to confuse the readers’ minds with the facts that have nothing to do with the Lapshin case. It is not in your competency to decide which government is democratic or authoritarian. Blogger Lapshin violated the border law, he visited OCCUPIED territories of the Republic of Azerbaijan without the permission and then made fun of the country he disrespected. He is a criminal, pure ciriminal that though to avoid the punishment with the help of Armenian government and those who support « puppet regime » created in the occupied territories. But he failed.

    • Taleh, you call the Nagorno-Karabakh state and government a « puppet regime » although this regime is one of the most democratic ones in that region. What is then your non-biased opinion about the dictatorial Aliyev-clan regime in Azerbaijan? If you dare to have a positive opinion about this Aliyev dictatorship please go live there youself because this country is rich enough in energy ressources to also finance very genorously your lobby activities in favor of Azerbaijan …

    • If I should follow your logic I come to the following conclusion:
      IF
      Self-defense by Karabakh Armenians against extermination by Azerbaijan = Occupation by a puppet regime according to you
      THEN
      Extermination and genocide of the Karabakh Armenians by Azerbaijan and return of this territory to this dictatorship = A just peace proposal by Azerbaijan
      Don’t try to fool the public again and again.
      The history of this conflict is clear enough who wants to read it objectively and doesn’t need your biased interpretation.