La terre. « Va-t’en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation. » Canaan, et le temps des patriarches, et la steppe qui exulte, et la saveur des fruits, et le rire des enfants. La terre. La terre et le soleil à l’horizon; la terre et le temps des prophètes, les prophètes qui éclairent, les prophètes qui blâment, les prophètes qui annoncent : « Toutes les nations tendront un jour vers Jérusalem car la voix sortira de Sion, et la parole par excellence de Jérusalem… Alors les hommes transformeront leurs glaives et leurs lances en hoyaux et en serpes ; aucune nation ne lèvera plus l’épée contre l’autre, et le fruit de la justice sera la sûreté et la paix ! »

Et puis… Et puis il y eut ces brisures, ces dominations, ces tyrannies : l’Égypte et Babylone, les Grecs et les Romains, la chute du temple et les premières basiliques, le Calife Omar et les croisades, et puis l’Empire ottoman, et puis la colonisation anglaise, et puis, et puis…. Siècle après siècle, peuple jeté, dispersé sur les berges du Babylone, du Rhin et de la Seine; peuple dispersé, jeté au carrefour de tous les courants du monde hantés par la haine.

L’exil. L’exil et les vainqueurs, le rire moqueur, l’arrogance débordant de mépris, exigeant chants et danses aux vaincus du jour: « Chantez-nous des chants de Sion ! ».
Et les enfants d’Israël, meurtris, accablés, les pieds déchirés par la fatigue, errant sans repos, jurant la parole basse, la fierté toujours farouche et sacrée : « Non, ce n’est pas fini ! L’exil oui, mais pas l’oubli ! Un jour… Un jour… » Ne pas oublier, ne jamais oublier. Raconter. Le serment : Tu raconteras.

Tu raconteras à tes enfants la traversée du désert et la délivrance ; tu raconteras à tes enfants la longue marche de la mer rouge au fleuve Jourdain ; tu raconteras Moïse tendu vers Canaan ; tu raconteras la victoire des Maccabées et le temple réfléchissant le soleil, et le yom kippour et le sort de l’homme pesé dans la balance du bien et du mal ; tu raconteras Esther et la délivrance de la domination perse… Tu raconteras… Tu raconteras… Le serment. Ne pas oublier, ne jamais oublier, porter au-delà des corps, la cité des cités ; génération après génération le même rêve à réinventer : traversée et au bout, oui, un jour, au bout de l’exode, un jour malgré les ruines et les décombres, un jour malgré la famine et le deuil, un jour avec la force des chemins parcourus, un jour, l’arrivée au port : la terre, la terre annoncée, la terre retrouvée.

Et l’exil. L’exil et la détresse d’être l’homme de l’infortune au nez moqué ; l’homme aux pieds de sable chassé, pourchassé, chargé entre nations et religions, de tous les péchés du monde; l’homme-peuple sans terre, sans État, vilipendé, assailli, calomnié, diffamé, harcelé, insulté et jalousé jusque dans son malheur… Exils. Exodes. Marchée la mer rouge, marché le Danube, marchés les chemins d’Amériques, marchée l’Europe, marchées les nuits trouées d’angoisses… Tant de chemins et partout la persécution comme destin et un matin : ordonnances organisant le boycott des commerces juifs ; un matin, obligation pour les Juifs de mentionner sur leurs papiers le prénom d’Israël pour les hommes et de Sarah pour les femmes ; un matin, le port de l’étoile jaune obligatoire ; et les camps, et les convois, et les trains, les wagons, les charrettes, les trains, les trains de mort, et les visages creusés, creusés par la famine, et les corps nus clopinant, et les chambres à gaz, les fours crématoires, les flammes, la fumée, les colonnes de fumée… Nuages et cendres… Le meurtre organisé, l’extermination froidement administrée ; la Shoah. Oui cela est advenu. Ne jamais oublier.

Et avoir vu Dachau, « Dachau le travail c’est la liberté », avoir vu Buchenwald, « Buchenwald, Centre de recherche sur le typhus » ; avoir vu et entendu, entendu sur les routes de la mort, le silence et le ricanement du monde, et pourtant vivre ; ne jamais dire : « Ici s’achève ma route ! C’est fini ; c’est terminé ! ». Espérer comme un défi à la mort. Ni Titus, ni Ammon, ni les buchers de l’inquisition, ni les nazis… qu’importe la fureur en face… Survivre… Vivre… Vivre avec furie, respirer, aimer, donner le jour ; répondre à la mort par la vie.

Mai 1948 : voici l’azur du soleil levant, voici Israël ocre et orangé ; voici Néguev, voici le fleuve Jourdain. Puisque Dieu s’est retiré du monde, puisque le droit sans la force n’est qu’une plaisanterie, voici Israël : un État, une armée, un drapeau. Trompettes du jugement dernier ? Voici Israël revenu et voici Israël aussitôt combattu. Combattu à mort : 1948, guerre des six jours, guerre du Kippour, terreur… Morts. Et la haine galopant au delà des orangers ; et Israël désigné, livré à la vindicte globale. Et on condamne, on distille le poison : Israël ? Puissance coloniale. Le sionisme ? Un racisme. Et Durban, oui, Durban, là où les Juifs furent les premiers aux côtés des Noirs à monter au front contre l’apartheid; à Durban, l’accusation qui fuse : Israël-apartheid. Comment ? Et on s’en donne à coeur joie, on tambourine : Israël-apartheid… Apartheid, apartheid, on martèle le mot comme on creuse un trou dans la poussière.

Israël – apartheid, analogie farfelue, loufoque, méprisant pour les victimes noires de l’apartheid. Et quoi donc ? Les victimes du régime d’apartheid ? Mais on s’en moque ! On s’en moque éperdument : il s’agit de distiller le poison, de trouer la vérité, de renverser le sens des choses. Israël apartheid ; Israël- boycott ; « À mort Israël ! ». On veut Israël couché-cadavre. Au nom de l’antisionisme. L’antisionisme, cet autre nom de l’antisémitisme. La langue nerveuse et oblique, la haine voltigeant dans le regard, que dit, que fait en réalité l’antisioniste ? Il déplace la haine anti-juive : « Non, je ne déteste pas les Juifs, je m’insurge seulement contre Israël ; proclame-t-il. Regardez ! Regardez les images. Ils sont quand même condamnables ! » Compassion pour les Palestiniens ? Solution des deux États ? Que non ! Un seul et unique État : qu’Israël soit jeté dans l’abîme et que les Juifs redeviennent un peuple sans État, un peuple sans terre, un peuple flottant voué à toutes les immolations : tel est en vérité le dessein de l’antisioniste. Et Israël dans l’abîme ; cela est déjà advenu ; ne pas oublier que cela fut. Ne pas oublier.

15 Commentaires

  1. Texte très émouvant malheureusement entaché aujourd’hui d’une réalité peu glorieuse. Ce grand peuple, qui est pourtant à la base de la création du monde et de toutes les religions du livre aurait du être un exemple d’amour et de paix. il a traversé toutes les époques subissant la souffrance et l’injustice de certains hommes cruels dont les raisons abjectes n’avaient rien de rationnels. Peut on pour autant faire abstraction de la politique actuelle mené par Israël…? Peut on donner carte blanche ou un blanc-seing à cet état tout simplement parce qu’il a vécu le martyre par le passé..? et plus particulièrement, à David Gakunzi, je me permettrais de lui poser certaines questions que tout le monde se pose… Condamnez vous la colonisation.. ?… Les meurtres et assassinats d’Israël ?…ce mur de la honte..? Les checks-points qui rendent la vie des palestiniens impossible..? ce blocus inhumain de Gaza…?..cette politique d’extrême droite… ? Ces incarcérations aveugles et scandaleuses… ? Les violations incessantes du droit international…? Les lois israéliennes qui consiste a stériliser les femmes juives d’Éthiopie…? Une fois que vous aurez condamnez dans votre texte ces atrocités vos mots deviendrons purs et limpides, vos phrases seront pareils à un poème et les gens croirons réellement que vous êtes un homme de paix…

  2. Est-il à craindre que la dernière étincelle d’islam des Lumières en ce monde ne vienne brusquement à s’éteindre?
    L’islam des Lumières, c’est le nom que nous donnons à la principauté d’Ibérie ruminant sa revanche sous le joug d’un islam de tolérance. L’islam s’est montré tolérant envers les Gens du Livre qui s’étaient inclinées devant son incontestable suprématie. Qu’en fut-il des autres?
    Ce que la France attend, à l’heure où nous nous parlons à nous-mêmes, d’une monarchie constitutionnelle arabe, c’est ce que celle-ci aurait obtenu de la République française quelques minutes après que l’un de ses expatriés se serait rendu coupable d’une action terroriste sur le territoire national du Maroc.
    Est-il à redouter que l’État islamique d’Irak et du Levant se déporte vers le Couchant au point d’y engloutir telle une géante rouge ce mythe d’un sultan progressiste demandant aux autorités françaises une douzaine d’étoiles jaunes supplémentaires, soit une pour chacun des membres de sa propre famille, par solidarité avec les dhimmis juifs?
    Il y a quelque chose de fleuri au royaume du Danemark. Et si Mohammed VI a heureusement rejoint la coalition anti-EI, la reconnaissance de l’État juif par le petit-fils du Christian X arabe, attirerait-elle à travers les grilles de son palais les fourches de l’insurrection deachienne, aurait pour orgueilleuse conséquence de pérenniser le Maroc en tant que Juste des nations arabes. Une occasion de substituer à la double légende un philosémitisme d’affirmation.

  3. L’intellectruelle étale sa science autour des briques de son muret des cons. De son point de vue, il serait aporétique d’induire un lien de cause à effet entre le nazisme et la guerre totale que mènent contre les démocraties libérales et les Juifs les forces du Désaxe. Nous ne rappellerons pas ici l’union incestueuse avérée des fossoyeurs du pangermanisme et des exhumateurs du panarabisme, après-guerre, mais aussi durant-guerre. Nous nous contenterons de nous interroger sur la présence d’un Luger dans la main d’Ayoub El Khazzani, arme tout droit sortie du bout de la nuit — rien de surprenant à cela — que le mendiant pacifique sera forcé d’utiliser face au fantôme de Patrick Bateman visiblement bien décidé à lui régler son compte.

    • P.-S. : Par forces du Désaxe, je désigne la dérive eurasienne et subimpérialiste de l’ex-bloc de l’Est.

    • P.-S. du P.-S. : Quant à la prétendue étanchéité entre communisme et nazisme, au-delà du fameux pacte de non-agression germano-soviétique, je rappelle qu’un certain Erich Honecker œuvrait du côté rouge de Berlin.

    • P.-S. du PC : Quant au système libéral auquel se serait convertie la Poutinie centrale, sa forme ultrique accorde autant d’intérêt aux libertés individuelles que le stakhanovisme en montrait envers les aspirations profondes de son mineur de choc.

    • PC (Parti pris de la conservation) : N’oublions pas que si Daech profita du non-interventionnisme américain en Syrie, c’est le veto russe qui aura fait reculer Obama, et non Michelle comme ce dernier l’avait laissé entendre. Obama, comme tout bon président des États-Unis d’Amérique, est un brillant acteur, mais il aura bien du mal à nous faire avaler qu’à la maison, il ne porte pas la culotte. La normalisation des relations diplomatiques avec un Iran nucléarisé par la Russie d’Alexandre Douguine, si jamais elle parvenait à nous débarrasser des pirates de la Ligue, aurait-elle pour effet de supprimer tout risque terroriste lorsqu’on sait que le principal soutien du maître-chien du Hezbollah prévoit pour l’Europe juive (sic) — sous-entendu, l’Europe pas encore décidée à finir le boulot du Troisième Reich — la correction que souhaiterait lui administrer Bachar le Gazeur? Là aussi, j’ai beaucoup de mal à me laisser convaincre…

    • Ô Dieu : Le terroriste international, et donc, polymorphique (au sens culturel du terme), invoque la colonisation un demi-siècle après la décolonisation. Or la France avait repoussé l’empire ottoman pour défendre ses rivages face aux attaques incessantes des Ayoub el-Khazzani d’antan. Le projet onusien eut pour objet de nous sortir, entre autres pièges, de ce cercle vicelard. L’acommunauté internationale avait un autre plan en sous-tête.

    • PC (Piège à cons) : En regardant Matisyahu reggayer à Benicàssim face à un tsunami de drapeaux panarabes, je m’interroge… Est-il possible de lancer des messages de paix vers le méta-empire sans que, mass-médiatiquement, l’on pactise avec lui?

    • PC (Parti pris de la communication) : Une quinzaine d’années avant que Mandela n’en transposât le concept, Bob Marley prônait la réconciliation entre les deux versants de son sang. Qui mieux que lui pouvait savoir que ni le noir ni le blanc ne sont à proprement parler des couleurs, lorsqu’ils représentent l’un et l’autre des valeurs propres à tout le spectre humain. Le fils du WASP était de ces privilégiés qui ont eu à expérimenter le fait que l’on est jamais aussi près de relever une trace de lumière qu’au moment même où l’on a accepté d’en traverser l’absence absolue. Réveillons l’esprit de Bob le Géant! Que jamais plus ne soit brandi un drapeau palestinien d’une main sans que, de l’autre main, l’on exprime, par la passion de la raison, la volonté de le rapprocher du drapeau israélien!

  4. «Ce qu’ils attendent de nous, ce n’est pas un regret, mais un serment; ce n’est pas un sanglot, mais un élan.» Ainsi Pierre Brossolette rendait hommage, le 18 juin 1943, dans un discours prononcé au Royal Albert Hall, aux morts de la France combattante.
    Au Président brossolettien, le patriote reconnaissant : «Face au mal du terrorisme, il y a un bien, vous l’incarnez» (24 août 2015, en présence des quatre résistants Chris Norman, Anthony Sadler, Alek Skarlatos et Spencer Stone).
    Mes pensées s’élèvent, ce matin, vers Yoav Hattab qui, le 9 janvier dernier, se jetait sur l’islamonazi Coulibaly, et dont le visage aura besoin de notre concours si nous souhaitons qu’il continue à nous inspirer.

  5. Pouvez vous renseigner exactement sur cette accusation que j’ai lue au sujet des relations d’Israël et de l’Afrique du Sud de l’Apartheid? « L’alliance inavouée d’Israël avec l’Afrique du sud
    Comment un pays né des persécutions nazies a-t-il pu s’allier à un régime raciste ? Israël et l’Afrique du Sud ont entretenu, dans les années 1970 et 1980, d’intenses relations commerciales et militaires. L’État juif serait allé jusqu’à proposer des armes nucléaires à Pretoria ».

    Il peut sembler dangereux d’assimiler ceux qui critiquent et dénoncent la politique de Benyamin Netanyahou à des antisionistes, pire à des antisémites.

  6. Le simple merci de l’un des concernés de votre texte magnifique.
    Merci de comprendre.
    Merci.

  7. Malheureusement tros rare comme article. De nos jour, les journaliste refuse a Israel sa position de victime. Il faut qu’il soit toujours represente comme le coupable, l’agresseur. Meme si les arabes colonisent sa terre, il est le colonisateur. Meme si les arabes assasinent ses enfants, il est le tueur d’enfant. Meme si les arabes mentent, c’est lui le menteur.
    Israel aura toujours tords car il est petit et faible et que les arabes sont nombreux et puissants. La lachete l’emporte sur justice.