Sans me risquer dans un éloge du sabotage, je n’hésite toutefois pas à prendre la défense du célèbre écrivain Erri de Luca, aujourd’hui au cœur de démêlés avec la justice italienne.

On aurait apprécié de la part du PEN club (acronyme de Poets Essayists Novelists Club – également jeu de mots sur le mot anglais pen qui signifie stylo), association qui regroupe les écrivains du monde entier attachés aux valeurs de « tolérance et de liberté », que celle-ci soutienne l’un des plus grands écrivains contemporains qui risque jusqu’à cinq ans de prison pour une interview publiée dans Le Huffington Post.

Gageons que, pour un certain nombre d’entre eux, cette poignée d’écrivains (204 à la fin, tout de même, tous membres du club) était trop absorbée à boycotter la remise d’un prix récompensant la liberté d’expression à Charlie Hebdo. Parmi eux, souvenons-nous-en, Michael Ondaatje, Russell Banks, Peter Carey, Rashel Kushner ou encore Joyce Carol Oates, deux fois finaliste du prix Nobel, qui avait osé sur son compte Twitter, alors que venait d’être commis l’un des plus importants attentats de ces dernières années, expliquer que selon elle les caricatures de Charlie étaient « misogynes et anti-musulmans » (« anti-Muslim and misogynist »), qu’on ne pouvait pas défendre les journalistes assassinés (« you would not defend them »), arguant une « rage psychopathe » de la part des dessinateurs (« a kind of psychopatic rage») et, le meilleur pour la fin, avait tenté une analogie avec les caricatures des juifs effectuées par les nazis ( « Do Nazi caricatures of Jews (…) qualify as satire ? ») ! « Les bras m’en tombent » avait alors réagi Amélie Nothomb dans Le Monde.

Bref, le Pen club n’a pas souhaité soutenir De Luca, ce n’est pas grave puisqu’il compte suffisamment de soutiens dans le monde entier. Les « Je suis avec Erri » (« iostoconerri ») prolifèrent un peu partout, et pas uniquement comme on pourrait le croire chez une poignée de militants écologistes ou de révolutionnaires d’extrême gauche. Des intellectuels du monde entier ont manifesté leur soutien, comme l’ancienne ministre Aurélie Filippetti, Christophe Alévêque, Muriel Barbery, Salim Bachi, Annie Ernaux, Olivier Poivre d’Arvor, Fred Vargas, Marie Desplechin ou encore Dominique Voynet.

Erri de Luca est actuellement poursuivi pour incitation au sabotage, après avoir formulé une phrase : « La TAV doit être sabotée », TAV signifiant Train à Grande Vitesse en italien. J’exprime ma surprise, tout d’abord, d’apprendre qu’au vu de la loi italienne une telle phrase est passible d’une à cinq années d’emprisonnement. Un proche d’Erri De Luca m’a confié qu’il ne savait pas si un tel délit existait en France, encore moins si un tel procès aurait pu avoir lieu en France. En effet, si une société basée sur le territoire français, a décidé de porter plainte en Italie, on peut se dire qu’elle l’a fait en considérant qu’elle y était dans de meilleures dispositions pour gagner ce procès qu’en France (où le projet n’est considéré ni comme « prioritaire », ni comme « stratégique »). L’écrivain est par ailleurs persuadé d’avoir plus de soutiens en France que dans son propre pays. L’État italien s’est rangé aux côtés d’une société étrangère (binationale pour être précis) contre un citoyen italien… Étrange quand on sait que la société a choisi elle-même ses magistrats, en adressant la procédure « aux procureurs Rinaudo et Paladino » en personnes.

Enfin, Erri de Luca l’explique en détails dans La parole contraire (Gallimard, 2015) : il est arrivé par le passé que la LTF SAS (c’est à dire Lyon-Turin Ferroviaire), qui a changé de nom depuis février pour devenir TELT (Tunnel Euralpin Lyon-Turin), déverse plus de 36.000 euros pour payer les logements « et dépenses y afférentes » au profit de quatre cents membres des forces de l’ordre italiens.

L’écrivain est poursuivi pour une déclaration qui porterait préjudice à une ligne de train déclarée « œuvre stratégique nationale ». Ainsi, la ligne est déclarée stratégique pour l’État italien, mais c’est à une société basée à Chambéry qu’il devrait rembourser les dommages s’il venait à être condamné !

De Luca n’est pas responsable des actes de citoyens doivent répondre seuls de leurs agissements et qui n’attendent pas le feu vert d’un poète pour détruire des biens. Penser que des opérations de destructions et de sabotage, dans tous les sens du terme, sont uniquement l’œuvre d’une phrase de De Luca, c’est oublier qu’il y avait aussi des manifestants bien avant la prise de parole de l’écrivain.

Rouget de Lisle est l’auteur d’un poème, assez célèbre tout de même, La Marseillaise. Si demain un homme, en entendant « Aux armes citoyens ! » décide de tuer son voisin, Rouget de Lisle devrait-il être considéré comme responsable de cet acte ? Être poursuivi pour l’avoir « incité » ?

Si on pousse cette logique dévastatrice : Voltaire et Montesquieu faisaient bien partie d’un mouvement philosophique qui amena à la Révolution, période de l’Histoire durant laquelle de nombreuses personnalités furent décapitées. Devraient-ils être reconnus coupables d’incitation ou de complicité d’assassinat pour autant ? Non, assurément.

La justice italienne semble penser que le mot « sabotage » signifierait uniquement « détruire ». Or, « saboter » signifie à la fois plus et moins que cela : empêcher un projet, désorganiser, compromettre une entreprise, mal faire une tâche, désobéir à sa hiérarchie… Les synonymes sont nombreux et ne renvoient pas à un acte violent ou délictueux : « saper », « gâcher », « négliger », etc.

Le point positif est tout de même que cela a permis de faire connaître plus largement ce projet et les mouvements de contestation. Le projet de train à grande vitesse Lyon-Turin consiste à creuser un tunnel d’une cinquantaine de kilomètres sous les Alpes, et les conséquences seront irréversibles et catastrophiques. De l’amiante et de l’uranium pollueraient de toute la vallée de Suse jusqu’à la banlieue de Turin, les excavations entraîneraient des problèmes hydrauliques, les populations et les employés du chantier pourraient tomber gravement malades du fait de la pollution soudaine de l’air, sans parler des nuisances acoustiques. Il faudrait plusieurs années pour amortir les dettes dues au financement (coût évalué : 26 milliards d’euros) de ce projet de ligne, alors que la ligne actuelle n’est pas exploitée au maximum de ses capacités.

Pourquoi le Parlement européen ne se positionne pas sur la possibilité de critiquer un projet de ligne de train financé par la commission européenne sur deniers publics ?

La plaignante, la société TELT, est binationale, détenue à 50 % par les chemins de fer italiens et à 50 % par l’État français. Curieux, non, de savoir que l’État français est actionnaire à 50 % d’une société qui veut mettre un écrivain en prison ? Pourtant François Hollande « n’interviendra pas dans le procès » mais a quand même commenté : « La France doit toujours être du côté des créateurs ». La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, qui n’interférera pas dans un procès en cours, a admis que « Erri de Luca est un très grand écrivain ».

La prochaine audience se tiendra le 21 septembre 2015, d’ici-là espérons que les « Je suis Erri » continueront de pulluler. Des pétitions ont été lancées pour soutenir le mouvement NO TAV et dire non à l’emprisonnement d’un intellectuel qui a exprimé une idée contraire à celle de l’Etat dans une démocratie occidentale en 2015.

 

Erri De Luca est romancier, traducteur et  poète, considéré comme l’un des plus importants écrivains italophones contemporains. Connu pour son engagement dans une frange révolutionnaire dans sa jeunesse, il s’est aussi illustré dans sa pratique de l’alpinisme à haut niveau. Auteur de Montedidio, prix Fémina étranger, il a publié La parole contraire en 2015, dans lequel il se défend alors qu’il risque jusqu’à cinq ans de prison. Son dernier livre, Histoire d’Irène, est sorti chez Gallimard au printemps 2015.

 

2 Commentaires

  1. Il faut s’être bien pénétré de la pensée d’un homme avant de prétendre avoir compris son usage d’un mot.

  2. Non, Erri De Luca n’est pas un barbare. Suis-je pour autant fondé à déclarer que, moi, le pourchasseur de barbares, je suis lui? Moi que vous n’avez pas encore entendu dire, depuis que mes compatriotes ont commencé de s’inquiéter de la dérive schmittienne que représenterait un Patriot Act à la française, que — pour de vrai — je suis Charlie. Eh non, voyez-vous… ça ne sort pas. Si j’étais Charlie, je serais probablement mort le 7 janvier de cette année. Honneur, donc, aux héros, tombés au champ d’honneur. Cela étant dit, je ne me ferai pas plus bête que vous ne le faites. Et si vous ne me verrez jamais drapé d’un T-shirt autoblanchisseur, je vous avoue me reconnaître une parenté de genre avec l’homme qui marche avec la tête. Je sais pourquoi il file à grande vitesse, méprisant les arrêts sur des rails dont il découvre la disposition à l’instant même où il roule dedans, assise d’une pensée vive qu’il espère ne pas voir achever sa course dans la fausse interprétation. L’écrivain ne cesse jamais d’être ce qu’il est. Avec ou sans papier, il s’exprime pour un auditoire rompu aux arcanes de la lecture qui est, en soi, un art. On peut bien lui rappeler que l’agora humaine est un désalphabête qui porte avec orgueil le bonnet d’âne de la déresponsabilisation collective, que si le «sabotage» de nos très grandes fautes, ce déraillement salvateur des sociétés sociopathiques, est une formule choc et non un slogan terroriste, la notion de destruction créatrice est un vecteur de civilisation qu’on évitera de jeter en pâture aux brigades nihilistes, Erri s’entêtera à mugir tel un Cristo empaqueté dans sa propre page froissée.
    Homo est un homme-mot. Qui le comprend? Certainement pas un frère de clan du Pater Noster passé dans le hachoir du Noûs démonique, certainement pas ce dêmos élitiste et esclavagiste de la «démocratie» primitive qui mettra des siècles à assimiler les principes de l’État de droit. La pire forme d’esclavage est celle de la bêtise et la pire forme de bêtise l’hypocrisie. Ce que le roi Tsipras prend soin de ne pas rappeler à ses sujets a tout d’une vérité cliquetante : les responsables de leur enfer évoluent parmi eux. Il agit en Spartiate, proscrivant les règlements de compte de l’après-guerre-civile. Il joue la carte immémoriale du bouc émissaire. L’externalisation du ressentiment intérieur. Le poutinisme et ses alliés rouge-brun n’aiment pas les réalités perfectibles auxquelles ils préfèrent le déni d’imperfection. Ils haïssent cette Europe convalescente qui, trop consciente de ses démons, ne conçoit plus son modèle que sous l’angle d’un essai perpétuel, une occasion renouvelable de détecter ce qui le fait riper. Europe sait que son autonomie dépend de sa capacité à assumer des actes dont les conséquences, dans une certaine démesure, lui échappent, ce qui, à tout le moins, l’oblige à évaluer la nature des peines qu’elle encourt et fait encourir, ce qui, cela va de soi, lui interdit de pouvoir se proclamer juste, ce qui, dans tous les cas, explique son auto-insatisfaction chronique. Ayant mis son culot à l’envers, le poutiniste pète de santé. La preuve en icône : il ne se soigne jamais. La robustesse de son État? c’est simple comme bonjour. Elle s’arc-boute sur son absence d’états d’âme. Et s’il n’est pas l’homme malade de l’Europe, il y a fort à parier que l’europhobe soit l’idiot du village global.
    Je préfère vous prévenir, nous sortons actuellement du tunnel où je paraissais m’être enfoncé pour filer, au train où je vais, vers le cœur du sujet qui nous interroge. Il faut s’être bien pénétré de la pensée d’un homme avant de prétendre avoir compris son usage d’un mot.
    Huntington aurait-il vu juste ou représenterait-il une autre espèce de suprémaciste? Si nous avons tant de mal à le ranger du côté des ordures, force est de constater que nous ne sommes pas encore parvenus à désigner l’islam radical par ses nom et genre propres. Est-ce de l’islam ou du Canada Dry? C’est de l’islam et, en même temps, autre chose qu’un islam de tolérance. Est-ce de la civilisation ou du Canada Dry? C’est probablement de la civilisation et, à n’en point douter, autre chose qu’une civilisation des Lumières. Mais alors, si l’islam radical est une civilisation d’un autre type, assurément obscurantiste, pour quelle obscure raison nous obstinons-nous à en assimiler les mécanismes sociétaux à de la barbarie? Attention, c’est là que nous butons. Car lorsque Huntington parle de guerre de civilisation, nous en concluons qu’il tient les civilisations pour autant d’entités mutuellement hermétiques vouées, au mieux, à se tenir en respect, au pire, à se mener une guerre totale jusqu’à ce que déclin des plus faibles s’ensuive. Qui plus est, le paradigme huntingtonien ayant pour visée exclusive les entités dites civilisées, c’est les États arabes qu’il met en cause en 1997, quatre ans avant la chute du Masque, et non pas la seule guerre que nous assumions jusqu’à nouveau désordre, j’entends par là notre coalition antiterroriste élargie au terrorisme d’État qu’incarnent, respectivement, les entités barbares hyperethniques de type État islamique d’Irak ou d’Iran, et autres avatars trash de Mahomet. Sur la Route du soi, notre bon vieux Samuel aurait tendance à écarter, d’un air dégoûté, les abats conceptuels que l’on vient débilement balancer dans ses pattes. Qui s’en étonne ou, pour mieux dire, qui doute encore que le Troisième Reich ait pu élaborer un modèle de civilisation aussi édifiant qu’éfidiable, irrésistiblement infrastructuré, dont la sophistication confinait à l’obsession, dont les progrès techniques et scientifiques obligeraient ses ennemis à se retrousser les manches et à suer sang et eau afin qu’ils pussent franchir à temps la ligne d’arrivée de la course contre la mort? Une Allemagne nazie, dont il n’est pas anodin que son plan sanitaire pangermanique contre la juiverie mondiale ait remporté l’adhésion de la quasi-totalité des industries civiles et militaires des nations que la Wehrmacht lui livrait dans un état de démoralisation propice à toutes les soumissions.
    Daech représente la barbarie à l’état pur. Or Daech est une civilisation qui porte haut les valeurs pleinement revendiquées par lui de ce que nous nommons «barbarie» tout comme Hitler défendait l’idée d’un retour à l’ère barbare qui avait précédé l’intrusion du bacille juif dans le corps pur de ce que Chamberlain (Houston Stewart) avait identifié comme étant la dernière ethnie authentiquement aryenne. À l’origine, le barbare représente le ressortissant d’une nation étrangère à la civilisation hellénique, bientôt hellénistique. La macédoine de grosses légumes n’argue pas que le barbare soit une bête sauvage. Pour autant, elle tient à établir une distinction de forme entre les tabous institutionnels observés par les ethnies voisines et sa propre idée de la civilisation, dont la domination qu’elle s’efforce de maintenir dans ses provinces impériales se doit d’être assurée. L’idée de barbarie hors-civilisation, si elle poindra chez Jules César, se répandra un peu plus tard avec le projet millénariste d’évangélisation des nations, cocktail explosif issu de la promulgation du monothéisme comme religion d’État par un régime impérialiste. Aussi curieusement que cela puisse paraître, nous autres, universalistes, reprenons, aujourd’hui, la notion de barbarie à notre compte. Nous faisons cette entorse à nos principes fondateurs non sans être parfaitement conscients que le Celte fut, sous d’autres cieux, le barbare du Romain. Et tandis que les bras vous en tombent, nous tenons fermement à exclure du concert des nations le frein que constituerait pour sa philharmonie contemporaine l’intrusion de tout traité totalitaire menaçant, sinon les droits fondamentaux, en tout cas un certain esprit de tolérance. Autrement dit, nous sommes en guerre avec tout pays qui refuserait qu’une religion respectueuse du dialogue interconfessionnel ait droit de citer sur son sol, avec toute place faible où se dresserait tout seul l’autodafé des œuvres complètes de l’insaisissable Houellebecq.
    Et maintenant n°1, comment faut-il que nous interprétions la difficulté d’une majorité de musulmans à ne pas se sentir atteints dans leur chair par la guerre que nous ne pouvons pas mener sans eux contre l’islamisme et, en particulier, contre le salafisme? Comme un aveu, peut-être… Ah oui, j’oubliais. Quatre-vingt-dix-neuf pourcents des adeptes de ce courant de l’islam qui s’est illustré par les attentats les plus dévastateurs de ses dernières décennies sont de grands pacifistes. Aussi, la fermeture des mosquées, où ces derniers professent — depuis de longues années! — la destruction de toute civilisation étrangère à la civilisation ultime qu’ils pensent représenter — Relisez vos sourates, mon cher Abu Bakr — constituerait quelque chose comme un génocide culturel qui ne manquerait pas de soulever le cœur au PIR de notre temps.
    Le salafisme prône le Jihâd. Vous allez procéder à l’expulsion de tous ses Frères prêcheurs, et leur mot d’ordre sera répercuté à travers des hadîths desquels seront bâchés les mots qui fâchent la République. Leur idéologie n’en demeurera pas moins dévastatrice et tous ceux qui, de gré ou de force, y auront adhéré, iront ensuite, séparément, à la même pêche à la http://www.ligne, récupérer les mots manquants du sermon entubateur. Ne pensez pas un seul instant que nous sous-estimions les risques qu’il y a à remplacer des panneaux de circulation à double sens. Que cela ne nous empêche pas d’estimer l’attention particulière qu’il faut porter sur les fréquentations extra-confessionnelles des djihadistes soft de la mosquée repentie! D…D…D…ieu merci, nous anticipons les actes de représailles de nos amis pacifistes. Nous les imaginons, ces INTImidants FADAs, en train de lancer un enfant soldat armé d’un jouet anormalement lourd sur un deuxième Ahmed Merabet, un peu plus chanceux que l’autre. Une communauté ressentimentale, ça s’enflamme aussi vite qu’une allumette. Et donc, bien sûr, l’École publique a un rôle à jouer, éminent et central, dans une guerre idéologique. Mais gare à l’arrogance! Les instituteurs du peuple seraient gonflés de prendre en déconsidération le fait qu’ils ne luttent pas à armes égales avec les agents de la Propaganda Islamica, eux qui ne recourent jamais, vis-à-vis de leurs jeunes ou moins jeunes contradicteurs, à l’usage de la menace de mort.
    Vous, le peuple des peuples, êtes comme aveuglé par vos hommes de mauvaise foi. Glissant sur ces Lumières saturées par votre manque de gratitude à l’égard de leur énergie à toute épreuve, prenez garde, tout de même, au risque d’extinction. Le califat de Cordoue ne fera pas long feu, quand même aura-t-il arraché aux griffes du monstre mazdéo-islamique la plus rayonnante communauté juive de l’époque, fruit d’exception d’une déportation banale dont l’insistance à être l’avait aidé à patienter jusqu’à l’invasion perse pour, finalement, recouvrer une relative liberté, — nous n’oublions pas que la génération achéménide avait fourni à ses Juifs les matériaux requis pour la reconstruction du temple de Ieroushalaïms avant que d’autoriser, pour ceux qui en formuleraient la demande, le retour à la terre ancestrale; nous n’ignorons pas qu’une partie d’entre eux choisit de demeurer à Babylone; nous pourrions aller jusqu’à dire que nous nous identifions à elle. Nous espérons ne plus avoir à devoir notre salut à un lointain bienfaiteur ainsi que nos ancêtres, à travers nous, rendent éternellement grâce à ce noble Omeyyade qui accorda l’asile politique aux Juifs de Badgad au moment où le centre mondial du talmudisme faisait les frais d’un contreschisme, — la conversion d’État est un moule à fanatiques.
    Et maintenant n°2, comment faut-il que nous interprétions la difficulté d’une majorité d’Iraniens à ne pas se sentir atteints dans leur chair par la guerre que nous ne pouvons pas mener sans eux contre la République islamique d’Iran et, en particulier, contre ce mal profond qu’est le néga(tionnisme)? Comme un aveu? J’en suis à me demander si je ne préférerais pas voir la République des mollahs — ceci est un oxymore — se doter de l’arme nucléaire et conserver son statut de civilisation barbare plutôt que céder à mon instinct de conservation à court terme et prôner une solution politique aboutissant à la normalisation des relations diplomatiques entre l’Occident et l’un des régimes inhumains les plus abjectement sournois que la Terre ait eu à supporter. Oui… Non mais vous avez raison! concentrons-nous sur ce sur quoi nous exerçons déjà une emprise. Et puis, le régime qui est le nôtre offre une base-arrière d’une puissance considérable à tous les démocrates qui ne se laissent pas berner par le visage séduisant sous lequel s’est toujours manifesté le mal devant les cultivateurs prototypiques de ce jardin — nous nous doutons qu’il n’en est pas véritablement un — au milieu duquel il était dit que Voltaire planterait un jour son drapeau.