La proposition de loi vient d’être votée, qui est la prolongation d’un malaise inquiétant et persistant. Je parle des articles, tribunes, prises de positions qui, dans une hystérie non dissimulée, ont laissé à leurs auteurs l’expression d’une parole d’autorité sinistre et interpelante. Dans ce florilège de textes publics concernant la possibilité de pénaliser les clients de prostituées me sidère, absolument, ce que se sont permis sociologues, politiques, anthropologues et autres experts ou représentants d’un pouvoir ou d’un savoir, pour juger, voire criminaliser les clients de prostituées. De la même manière que je reste abasourdi par l’infime minorité de ceux qui ont pris en compte le discours de prostituées ou de gigolos. Sous couvert d’études et de chiffres invérifiables, ils se sont réfugiés derrière un savoir cuistre, ils ont pris la cloche à fromage pour recouvrir tout ce qui pouvait apparaître de l’ordre de l’indécidable : désir et plaisir, usage de soi, rapport à l’argent.
Se joue au cœur de la question de la prostitution un des plus larges impensés de nos sociétés. Nos vies en sont imprégnées en permanence, pour en jouer ou en subir les conséquences ; le sexe et l’argent, tout le monde le voit, personne n’y échappe et, pourtant, ce débat nous montre à quel point il est impossible de le penser, c’est-à-dire de le vivre en accord avec les aspirations profondes auxquelles tout parcours de vie a droit singulièrement.
Je passe sur l’idée, devenue quelconque mais toujours surprenante, du législateur qui s’immisce dans l’intimité de chacun lorsqu’il y a consentement mutuel dans la pratique d’un désir. Je passe encore sur ce rappel, qui devrait aller de soi, de ne pas confondre le proxénétisme, la traite des êtres humains, et la prostitution dans nos pays. La réduction ad salaud n’est plus crédible. Et je passe enfin sur cette étourdissante atrophie du débat qui ne s’interroge pour ainsi dire jamais sur la prostitution masculine, qui, dans cette affaire, ne va jamais au cœur de la question de la différence des sexes. Je n’ai jamais vu, à ma connaissance, aucun expert essayant d’expliquer pourquoi, au fil des âges, la prostitution féminine fut toujours plus importante que sa part masculine. Au final, la boucle se referme sur elle-même, et ne transparaît dans ce que l’on peut lire ici ou là que la relance de la petite morale provisoire que tout un chacun se constitue, quand il n’est pas fait appel à la responsabilité du politique avec toute la meilleure volonté d’un progressisme bas de gamme. A la faute technique et pragmatique qui empêche de s’attaquer frontalement au proxénétisme, s’ajoute la faute de l’ignorance, qui laisse ce goût amer d’observer celui qui donne le sentiment de parler par procuration sans connaître l’objet de son discours. Le tout culminant dans la faute intellectuelle de penser à côté le couple du sexe et de l’argent.
Mais il est tout aussi intolérable d’avoir à se ranger dès lors du côté des amis du bon vieux temps, des nostalgiques des mœurs anciennes qui donnaient à la vie masculine son charme des effluves de bordel, résumé idiotement dans le «touche pas à ma pute».
Entre la cuistrerie et la nostalgie rance ne se dessine aucune perspective pour s’interroger réellement sur la manière dont se joue le nœud du sexe et de l’argent dans nos vies et dans le monde qui nous entoure. Je n’ignore pas le drame qui peut se nouer au plus profond de chaque être, et il m’est impossible, bien entendu, d’être naïf sur les causes qui peuvent amener une personne vers la prostitution. Il y en a une d’une atroce misère, une autre libre et assumée.
Mais l’essentiel est ici : qui ne voit que nos sphères sociologiques et économiques ne se construisent quasi plus qu’exclusivement sur des rapports d’échanges et de séductions dont l’argent constitue la principale transaction?
Bien sûr qu’il y a des prostituées le corps brisé, les larmes aux yeux par leur métier ou une pratique occasionnelle. Et nous voyons également tous les jours dans notre entourage des corps meurtris, des âmes déchirées par le sort qu’il leur est fait dans le monde du travail contemporain. Et quand ces déchirements, ces meurtrissures ne transparaissent pas, je vois des êtres clivés, blessés, quand ils ne sont pas salauds, par le jeu qu’ils ont dû jouer pour sauver de quoi manger, se vêtir et habiter. Autrement dit, je crois que l’usage du mot prostitution, tel qu’on l’emploie dans le débat qui nous est infligé est un usage beaucoup trop restreint, voire minoritaire, tant tous les jours, il nous est loisible, sans effort, d’observer de la prostitution dans toutes les couches officielles des rapports sociaux.
Cette prostitution-là m’inquiète beaucoup plus, l’hypocrisie qui la recouvre me semble bien plus grave, ce qu’elle dit de notre monde me bouleverse.
Car il n’y a qu’un seul monde, et vouloir exclure le client et la cliente de prostituté(e)s de ce monde serait une catastrophe pour l’intelligence que nous devrions tous avoir de notre corps, de nos désirs. Vouloir parler à la place des prostitué(e)s, vouloir les réduire au statut de victimes, ne pas les écouter, c’est s’interdire la vigilance que nous devrions tous avoir dans nos rapports avec les autres qui nous entourent quand il y a une transaction d’argent. Le rapport du client à la prostitution est certes un cas limite, mais c’est un cas transparent, un cas de dévoilement, un cas où le mensonge s’atrophie de lui-même par la nature de l’échange. Cas limite, mais cas qui n’est pas en dehors du monde ou dont il faudrait le bannir, cas qui, au contraire, est une occasion unique de s’interroger honnêtement sur la manière dont nous vivons, dont nous usons de notre corps, jouons de nos désirs et produisons des services, de la richesse dans l’épopée du travail ou dans nos cercles intimes. Penser jusqu’au bout la prostitution cela serait, en dernière instance, retrouver les armes d’un courage pour que chaque vie puisse se construire singulièrement, au cœur de sa propre expérience, dans l’usage de ses désirs et plaisir, et dans les moyens d’existence, sans prix, qu’il faut lui trouver. Toute législation, s’il en faut une, qui ne va pas en ce sens est aussi bête qu’inefficace.
Duclos, l’insulte n’est pas un dialogue, et la grossièreté (« vous aimez baiser les putes ») n’est pas une idée.
Je sais, pour connaître le milieu toulousain, puis parisien de la prostitution, que les choses que vous dites liées (prostitution/proxénétisme/traite) ne le sont PAS TOUJOURS.
Les chiffres avancés par le ministère de l’Intérieur, sur le NOMBRE même des prostituées en France est non seulement sujet à caution, mais surtout ridiculement sous-évalué.
Ces chiffres ne prennent en compte que la partie pénalisable de la prostitution, c’est à dire la traite d’êtres humains venant essentiellement des pays de l’Est et d’Afrique noire. Il n’est pas question de dire (et personne n’a dit) qu’il ne fallait pas éradiquer cette peste criminelle. Au contraire. La lutte contre ces réseau maffieux doit recevoir plus de moyens.
Réduire la prostitution en France à cette criminalité, et penser la réduire en légiférant contre le client est une absurdité.
D’abord, cette loi sera inapplicable, puis qu’il faudra prouver qu’il y a eu échange d’argent pour échange de services sexuels. Donc, le vrai effet de cette loi sera d’enfoncer encore plus la prostitution dans la clandestinité.
L’esprit-même de ce texte vient d’un JUGEMENT MORAL sur la sexualité des hommes qui ont recours aux prostituées, et, partant, sur la sexualité des hommes tout court, qui ne pourrait s’exercer que dans un rapport de séduction d’où l’argent serait exclu.
C’est imaginer que les femmes donnent leur corps (tombent amoureuses) sans préjuger de la classe sociale des individus, ni de leur revenu.
C’est à coup-sûr provoquer une prostitution de classe, où le riche pourrait TOUJOURS se procurer des femmes, prostituées ou non, alors que le pauvre devrait attendre l’amour, et, à défaut, pratiquer l’abstinence.
Quand on regarde l’histoire de la prostitution en France sous l’ancien régime (j’avais écrit Régine), JAMAIS l’église n’a interdit la prostitution; mieux : elle l’a tolérée et organisée.
Pour ma part, j’estime que la morale quand il s’agit de sexualité s’arrête au consentement. Comme on demande au travailleur s’il veut travailler le dimanche. Pas plus, pas moins.
J’ajoute que j’ai moi-même vécu de l’argent de la prostitution au moment où j’en ai eu besoin, dans le respect des clients (des habitués pour la plupart), et que je n’en n’ai pas souffert plus que ça. Au contraire, j’ai arrêté entre autres raisons, quand je me suis rendu compte que je m’habituais à l’argent facile.
Bisous
Charles
Duclos, avant de rabâcher des âneries, prend la peine de lire ceci par exemple http://site.strass-syndicat.org/
ou, si tu as un peu de temps, ceci http://melange-instable.blogspot.co.uk/ (blog tenu par une étudiante en socio… qui est « entrée en prostitution » comme elle dit, pour pouvoir poursuivre ses études… bien écrit, à la première personne, et complet. Tu apprendras entres autres que « le proxénétisme, la traite des êtres humains, et la prostitution » ne sont pas la même choses, dans l’article http://melange-instable.blogspot.co.uk/2013/11/prostitution-pourquoi-et-comment-jai.html)
Pour Duclos: C’est pas facile d’être graveleux, là où nous pouvons lire votre mépris pour les actrices?
Ou bien vous vous dissimulez à vous même votre crise de moralisme? Vous faites déjà partie de la ligue anti tabac, n’est ce pas? Et des ligues anti alcooliques, qui recommandent l’abstinence absolue? Ou alors?
N’en seriez vous pas un client régulier? Mais surtout, ne le dites pas!
Bonne soirée, et merci de votre charmant commentaire,
Eirikr
« …lorsqu’il y a consentement mutuel dans la pratique d’un désir. »
Dans la prostitutiuon ? Tu parles Charles !
« de ne pas confondre le proxénétisme, la traite des êtres humains, et la prostitution dans nos pays. »
C’est bien de cela dont il s’agit, puisque tout cela est lié.
Même chose pour la prostitution masculine. Il ne s’agit pas là de « la petite morale provisoire » mais bien du respect de la personne humaine, et pour le reste, comme vous « je passe », tant vos arguments sont faiblres. Il semble en effet, que vous ne comprenez pas l’objet de votre discours et l’axiome de départ. Heureusement, très cher, vous évoquez le « nœud du sexe » … Et tous de rire !
Si faire un travail que l’on n’aime pas est de la prostitution, le monde est un véritable bordel ! Vous vous égarez Monsieur Williams ! Et oui, effectivement, vous êtes une catastrophe pour l’intelligence, car vos d’arguments sont débiles. Pourquoi ne pas dire que vous aimez baiser des putes. Tout simplement.
>le monde est un véritable bordel !
Euh… dîtes-moi, vous ne trouvez justement pas que c’est le cas !!
>Pourquoi ne pas dire que vous aimez baiser des putes.
Oui, en effet, tout simplement… Oui, c’est certain, sans doute ! Et une pute est une pute, baiser est baiser, et le client… ben c’est le client… Trivial quoi ! Y’a pas d’quoi fouetter un chat ! Comme si ce métier, le plus vieux de tous les temps (bon, ça c’est ce que l’on dit…), pouvait disparaitre comme cela, d’un coup de loi magique, tout simplement. Sans doute, mais oui bien sûre ! Parce qu’il suffisait d’y penser ! Mais ce qu’on est bête toute de même… C’est vrai ça ! M’enfin !! Que n’y a-t-on pensé avant !!!
Mais dites-moi donc cher vertueux, auriez-vous à ce point dompté la bête qui est en vous ? ou vous domine-t-elle totalement !?
Le charme de l’humain et par extension de la vie réside en sa richesse… et donc en sa complexité, chaque être étant unique. « Interdire » une part de nous-mêmes, la plus sordide qu’elle soit, est un déni de réalité, et prétendre la dominer, l’étouffer ou l’ignorer est le plus sûr moyen de l’attiser… Le meilleur de nous-même ne sortira qu’à l’orée d’une conscience sans détour sur ce que nous somme tous, des êtres à l’imparfait, des âmes en devenir ; si tant est que l’on soit capable de se voir, tel que nous sommes.
Alors ne pas voir que l’argent (profit) et le sexe (séduction) domine ce monde pourri est bien le comble d’un homme qui a le pouvoir de légiférer ; car ne lui en a-t-il pas fallu pour arriver à ce siège… Ah oui ! Certes ! le mérite ! Si si penserez-vous sans doute, c’est qu’il le vaut bien !
Légiférer ! Démocratie ! République ! Liberté ! Egalité ! Fraternité ! Que de mots creux à force d’être violés en ces temps exemplaires. La décadence culmine quand l’écart entre vertu réelle et déclamée est son comble.
Puissiez-vous voir à quel degrés vous vous êtes compromis pour préserver votre mal-être ! Bien à vous au royaume des axiomes…
Application concrète:
Je vais voir une masseuse professionnelle pour un massage (non sexuel). Je suis allonge sur le ventre avec une serviette sur les fesses, et je me fais masser le dos, les mollets, les cuisses…Au bout de 15 minutes, une érection commence pointer le bout de son nez. Vu que j’ai un peu les fils qui se touchent, un quart d’heure après j’ai un orgasme.
La masseuse s’est donc transformée d’être humain respectable en vulgaire objet de désir. Cette transformation a-t-elle eu lieu:
a> Au début de l’érection
b> Au moment de l’orgasme
c> Au moment où je paie la facture
Question subsidiaire. Si je nettoie le matelas en m’excusant, est-ce que je peux eviter la taxe a 1500 euros?
Merci !
enfin de l’intelligence, merci