Moins d’une semaine après la journée internationale contre l’homophobie, une nouvelle manifestation contre le mariage pour tous a eu lieu hier, dimanche 26 mai 2013. Tandis que les premiers mariages homosexuels en France seront célébrés dans quelques jours, environ 150 000 personnes (selon la Préfecture de Police) se sont réunies à Paris pour manifester contre la loi Taubira.

En fin de journée, les défilés ont laissé place à des actes de violence sur l’esplanade des Invalides. Sur place, les perturbateurs se sont livrés à des jets de projectiles (bouteilles, pétards, fumigènes…) faisant ainsi 36 blessés, et donnant lieu à près de 300 arrestations.

Après la débâcle au Trocadéro, le 13 mai dernier, Manuel Valls avait, cette fois, pris les précautions nécessaires : il avait invité les manifestants à ne pas défiler en famille, et un effectif de 4 500 policiers et gendarmes a été déployé pour encadrer les cortèges. Selon le ministre de l’Intérieur, les débordements sont imputables aux membres de groupuscules d’extrême droite (Jeunesses identitaires, Renouveau français…), affrontant les 500 agents des forces de l’ordre présents aux Invalides.

 

Cette forte mobilisation populaire contre le mariage pour tous n’est pas annoncée comme étant la dernière, malgré un nombre de manifestants en baisse (les organisateurs reconnaissent eux-mêmes une baisse de 400 000 personnes par rapport à la dernière manifestation du 16 mai, d’après leurs chiffres). Ludovine de la Rochère, présidente du collectif Manif pour tous, a déclaré qu’il fallait «poursuivre le combat» – semblant oublier que la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels a été promulguée la semaine dernière.

Le président de l'UMP Jean-Francois Copé et le député Claude Gloasguen se sont joint au défilé pour protester contre la loi sur la mariage homosexuel.
Le président de l’UMP Jean-Francois Copé et le député Claude Gloasguen se sont joint au défilé pour protester contre la loi sur la mariage homosexuel.

Du côté de l’UMP, Jean-François Copé était présent parmi les manifestants, et les invite à rejoindre son parti en vue des élections municipales de 2014 : «Le prochain rendez-vous, ça doit être un rendez-vous dans les urnes.»

Frigide Barjot, figure de proue de la «haine bonbon», a néanmoins pris ses distances avec le mouvement. Fait notable : elle n’a pas participé aux manifestations d’hier, avouant une crainte de débordements. «C’est terminé le temps des manifs, ça dégénère», a-t-elle affirmé sur BFMTV. Après avoir mené les successives Manifs pour tous, non sans excès, elle s’attèle désormais à une demande de référendum sur la filiation, faisant preuve d’une relative acceptation de l’existence de la nouvelle loi.

Parmi les quatre cortèges, un défilé distinct était organisé par le collectif catholique intégriste d’extrême droite Civitas. Les centaines de personnes se sont ainsi dirigées de la place Catroux, dans le XVIIe arrondissement, à Opéra, en scandant des slogans homophobes tels que «Balayons les ennemis de la famille !»

Au sein des autres cortèges, des propos non moins choquants ont pu être entendus, menant aux argumentations les plus insensées : «Avec le passage de la loi Taubira, nous vivons aujourd’hui la dernière véritable fête des mères…»

Hier, Twitter a également été le théâtre de dérapages sordides.

Dans la soirée, le hashtag #UnMondeSansGays s’est élevé en deuxième position des hashtags les plus utilisés en France, faisant écho aux propos nauséabonds tenus dans les rangs de ces manifestants, qui, sous couvert de défense d’un ordre «naturel», voire divin, hiérarchisent les orientations sexuelles et discriminent les homosexuels en les excluant du concept de «famille».

Sur Twitter également : suite à la remise de la Palme d’Or du meilleur film à La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, l’histoire d’amour de deux jeunes filles, le compte officiel de Canal Plus Cinéma annonce la nouvelle en ces termes :

tweet-cinemacanalplus

Les heures suivantes, l’équipe tente de présenter ses excuses et de clarifier ses propos, supposés être humoristiques, sans convaincre la communauté des tweetos, qui a formulé son indignation :

tweet-micha

tweet-merteuil

Le tweet a finalement été supprimé, tandis que, à Cannes et dans les médias, on se félicite de la récompense attribuée en ce jour à un film considéré comme racontant une histoire d’amour lesbien… plutôt qu’une histoire d’amour tout court.

Dans ce contexte tendu, où les pires agressions, physiques et verbales, se trouvent cristallisées, voire banalisées à l’occasion du débat sur le mariage pour tous, l’association SOS Homophobie publie ces derniers jours le rapport annuel sur l’homophobie (disponible ici), à partir des 1977 témoignages qu’ils ont recueillis tout au long de l’année 2012, année durant laquelle s’est ouvert le débat de la procédure législative pour l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Les rédacteurs de ce rapport, Elizabeth Ronzier (présidente de l’association), Michael Bouvard et Léa Lootgieter posent la question dans leur éditorial : peut-on être opposé au mariage pour les couples de même sexe et ne pas être homophobe ? Si la réponse devait être apportée relativement aux dérapages qui ont caractérisés la journée d’hier, elle serait nécessairement négative.