Depuis son départ d’Europe-Écologie Les Verts, on pensait Dany Cohn-Bendit en retrait de la vie politico-médiatique, moins enclin à défendre ses idées avec la vigueur d’antan.
Il y eut, par le passé, des coups d’éclats dont on écrit désormais la légende dans les livres comme pour mieux l’imprimer dans l’inconscient collectif. S’il est évidemment difficile d’être toute sa vie un symbole doublé d’une figure de la révolution des mentalités initiée en 68, force est de constater que Daniel Cohn-Bendit s’en est bien tiré ! De Dany le Rouge à Dany le Vert en passant par Dany l’européen, le tribun a finalement suivi un itinéraire peu commun lui permettant d’être toujours fidèle à l’esprit de ses engagements d’hier. A contre-courant d’une décennie 80 qui céda tout à l’argent, c’est en Allemagne, aux cotés de Joschka Fischer, que notre homme a longtemps prêché sa bonne parole écolo. Tout le monde connaît la suite : le recentrage des valeurs avec le temps, la Mairie de Francfort, les responsabilités politiques, l’engagement fédéraliste européen.
Récemment mal à l’aise dans le brouhaha écologiste, Dany a pris la décision de laisser Duflot, Mamère et Placé se débrouiller seuls. Ou peut-être de sombrer ensemble… Loin des guerres internes, Cohn-Bendit semble aujourd’hui être en mission : il a décidé de nous parler d’Europe avec une grandiloquence qui nous fait adorer Bruxelles et Strasbourg, dans une langue qui nous fait enfin mesurer tout l’intérêt du fédéralisme. Ce n’est pas une mince affaire et cela doit être souligné. Pas de langue de bois, jamais. Loin d’un Mélenchon ou d’une Le Pen, Cohn-Bendit nous prouve que l’on peut parler avec force sans tomber dans l’extrémisme des idées. Une véritable leçon de politique !
En début de semaine, Cohn-Bendit débattait avec François Hollande et les présidents des groupes politiques du Parlement Européen de l’avenir de l’Union européenne, de la zone euro, de la crise économique et du budget de l’UE pour 2014-2020. Il y fut question d’engagement et de vision à long terme.
« François, je t’ai compris. Le changement c’est maintenant ! Alors allons-y tout droit : Chiche ! Banco ! Ne nous racontons pas d’histoires entre nous, même si il y a ici beaucoup de spectateurs.
Tu as parlé des valeurs européennes. Il faut avoir l’intelligence de dire que l’Europe, lorsqu’elle pactisait avec les dictateurs au sud de la Méditerranée, ne défendait pas ces valeurs de l’UE et lorsque ces peuples se sont révoltés pour défendre ces valeurs universelles, l’Europe alors les a soutenues. L’équilibre politique est difficile à trouver entre les valeurs partagées et nos intérêts, et cela peut générer des contradictions.
Concernant l’Europe de l’avenir, parlons du budget et du problème fondamental entre le Conseil et le Parlement européen; soit la compréhension de la valeur ajoutée du budget européen. La bêtise serait de croire que puisqu’il faut faire des économies au niveau national, il faut en faire à l’échelle européenne. Mais c’est exactement le contraire qui est vrai. Le b.a.-ba de l’histoire c’est que, parce qu’il y a récession dans les États membres, il faut un budget capable de relancer. Où sont passés les 120 milliards? Les citoyens européens ne voient pas de relance.
Face à la crise actuelle, les États nations croient s’en sortir seuls. C’est faux ! Prenons le cas de l’industrie automobile ou de la sidérurgie européenne, ce n’est pas pays par pays que l’on va s’en sortir. C’est à l’ensemble des États membres de venir avec des solutions. Il faut lancer le défi de la mobilité du redéploiement industriel en Europe, par exemple un EADS du tramway. Tu dis qu’il faut de la lucidité, de la détermination mais moi je dis aussi qu’il faut de l’imagination !
On ne construit pas le monde de demain avec les idées d’hier. Pour éviter de tourner en rond, il faut des idées neuves pour demain.
Tu as parlé de la Politique agricole commune. La PAC doit être au service de tous les agriculteurs européens. Elle ne doit pas seulement être au service d’une minorité de l’industrie agro-alimentaire. Lorsque 80% des aides de la PAC sont distribuées à 20% des agriculteurs, je n’appelle pas cela de la solidarité. Il faut plafonner et redistribuer les aides à 100 000 euros.
Sur le Mali, tu as raison, mais il faut dire la vérité et aller jusqu’au bout des choses. Il faut favoriser la réconciliation avec les Touaregs et entre maliens. Certains pays, pas tout à fait démocratiques, comme l’Algérie, n’ont pas joué leur rôle jusqu’au bout dans la lutte contre le terrorisme, au contraire, ils jouent avec le feu en s’attaquant au terrorisme et en les soutenant d’un autre côté. Il faut dire la vérité au niveau international. Ce n’est pas la France qui peut agir seule, c’est l’Europe, mais là c’est un autre conte de fées, pour nous épauler, il nous faudrait une représentante aux Affaires étrangères de l’UE digne de nom… ce qui n’est pas le cas pour l’instant. »