Il est vrai qu’on demeure très loin de Barack Obama, Britney Spears ou Shakira. Eux, ils tutoient les 13 millions. Mais enfin, il y est. Et pour y parvenir, il n’a eu nullement besoin d’un redoutable slogan, ou d’un déhanché endiablé.

En dépassant le cap des 110 000 followers, François Hollande (@fhollande) est devenu il y a quelques jours l’homme politique français le plus suivi sur Twitter, devançant de peu Nathalie Kosciusko-Morizet (@nk_m), pourtant bien installée sur le réseau.

Une proportion tout d’abord. C’est un résultat qui ne signifie sans doute rien, mais que j’ai trouvé sympathique à relever. 4.4% des français ont voté au second tour de la primaire socialiste (2,86 sur 65 millions). C’est au dixième près, la même proportion que le nombre d’utilisateurs qui suivent désormais le candidat PS, et qu’il lui a fallu réunir pour devenir leader de la twittosphère politique française (110 000 et des poussières à l’instant où j’écris ce billet sur 2.5 millions de comptes ouverts en France). C’est sans doute un pur hasard. Mais enfin, si l’un d’entre vous y voyait un lien, il peut toujours poster un commentaire sous ce papier.

Une fois évacuée cette arithmétique, je voulais quand même remarquer deux ou trois choses sur le rôle de twitter durant cette campagne présidentielle.

En 2007, la twittosphère française gazouillait à peine. 5 ans plus tard, elle est devenue une plateforme essentielle de la campagne présidentielle. L’endroit où se partagent les scoops, où les porte-paroles annoncent leurs démissions et où les premiers ministres se cachent. En 5 ans, Twitter est devenu un réseau extrêmement dense et structuré, et nous offre de très bonnes clés pour comprendre les développements de cette campagne présidentielle.

La Twittosphère fournit d’abord un formidable indicateur de l’influence d’un candidat. Le nombre de mentions, de retweets, la vitalité d’un #, la tonalité des échanges, le nombre de followers gagnés, en disent désormais au moins autant sur les candidats que les traditionnels sondages. Les barotweet, twitoscope et autres tweetlevel publiés dans la presse le prouvent chaque semaine. Regardons par exemple ce dernier billet posté par Christophe Ginisty de l’agence Edelman, qui, à partir de l’analyse exclusive de données établies par son tweetlevel, nous offre une très bonne synthèse de la semaine écoulée.

Twitter est aussi suffisamment développé pour que tous les candidats s’en emparent différemment. Et si tous y sont présents, il y a en fait autant de comportements sur Twitter, qu’il y a de candidats.

Sarkozy a pour l’instant décidé de ne pas y avoir directement de compte, mais @elysee et @sarkozy_2012 totalisent près de 80 000 followers. Les équipes d’Hollande utilisent très classiquement @fhollande comme l’agence de presse personnelle du candidat, en y laissant essentiellement de courts messages sur l’actu et des liens vers le site de campagne. Mélenchon et Joly ne twittent pas directement, mais @melenchon2012 et @evajoly suivent chacun plusieurs milliers de comptes et engagent la conversation. François @Bayrou réagit personnellement sur son compte et innove dans la campagne à l’instar de sa twinterview en décembre 2011, au lendemain de son message aux français.

Pour les candidats, il est impératif d’avoir un comportement sur Twitter qui prolonge leur stratégie générale de campagne. L’un énonce « Mélenchon présidons » et pour le prouver, converse le plus possible. A l’inverse, Villepin parie sur la présidentialisation de sa candidature et ne suit à ce jour qu’une poignée de comptes, essentiellement des médias, des journalistes et quelques dirigeants politiques. Hollande se fixe comme unique objectif d’être le premier dans les urnes, et a multiplié les efforts pour être l’homme politique le plus suivi. Quant à Nicolas Sarkozy, le presque-candidat est aussi un presque-twitos, si l’on en croit les dizaines de milliers de followers de @elysee ou @sarkozy_2012, qui lui promettent une irruption massive sur le réseau dès lors qu’il aura officialisé sa candidature. On notera d’ailleurs que Marine Le Pen a un comportement sur Twitter en contradiction avec l’image qu’elle veut véhiculer : proximité et empathie dans l’attitude générale, mais éloignement totale du « petit peuple » sur le réseau : @mlp_officiel ne suit à ce jour que 43 comptes et on ne trouve nulle trace d’une quelconque conversation dans sa timeline.

Dernier point. Si Twitter offre un bon précipité pour analyser les stratégies de campagne, c’est un mauvais laboratoire pour les candidats. Sur le réseau, les politiques ont encore moins qu’ailleurs le droit à l’erreur. Les gaffes se payent cash, et les lazzis pleuvent aussitôt sur les maladroits.

Observatoire de l’influence véritable, indicateur des stratégies de campagne, espace privilégié des frondeurs qui font buzzer le moindre faux pas, j’adore écouter les bruissements de Twitter, parce que Twitter ne ment pas.