État de grâce, dur retour à la réalité, éventuelle remontée de la cote de popularité. Voilà l’itinéraire en trois phases qu’empruntent traditionnellement nos chefs d’État au cours de leurs mandats. Après le traditionnel état de grâce consécutif à toute élection, voilà donc que François Hollande subit logiquement le retour de bâton d’une opinion impatiente de voir s’opérer les changements promis lors de la campagne électorale. Il faut dire qu’en choisissant un slogan aussi fort que « Le Changement c’est Maintenant », le candidat socialiste vendait beaucoup de rêve à ses concitoyens, leur promettant une métamorphose de la société en même temps que la fin d’un certain type de politique. Bref, le grand chambardement ! Mais voilà, quelques mois après son élection, le discours du Président de la République se fait hyperréaliste et l’on voit apparaître dans le vocabulaire du premier des français le champ lexical du mot « crise », une nouveauté plutôt austère et pour le coup identique au vilipendé quinquennat sarkozyste. Au milieu de l’été, les Français commencent enfin à comprendre : le changement ce ne sera malheureusement pas pour maintenant, il a des affaires plus urgentes à régler…

Pourquoi donc l’opinion se retourne contre François Hollande alors même que ce dernier fut choisi par les Français quelques mois plus tôt ? La réponse est simple et tient en une seule formule : le temps médiatique n’est pas le temps politique, le premier est rapide et commande une communication jamais rompue avec le peuple tandis que le second est lent, lointain et déteste la précipitation. En septembre-octobre 2012, pour plaire aux Français, Hollande devrait regarder du coté de la méthode sarkozyste plutôt que de se référer sans cesse à l’étalon mitterrandien. Paradoxal. Du fait du dogme du « Président normal », il serait pourtant fort peu probable que le Président actuel se glisse dans le costume fonceur de Nicolas Sarkozy. Deux hommes, deux styles et beaucoup de barrières mentales…

Nous avons demandé à Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique, d’analyser les failles de la communication hollandienne. Pour lui, « Le gouvernement paie le prix d’une conception jospinienne du pouvoir et de la communication. Une conception dépassée et qui est devenue dangereuse. En 2012, on ne peut plus gouverner d’une façon technocratique, sans l’opinion, voire contre l’opinion. Les Français attendent une autre façon de gouverner, de communiquer.
Nous avons élu des représentants. Nous attendons d’eux qu’ils entretiennent un dialogue avec nous. Un dialogue éduqué, horizontal – et non plus de maître à élève. Un dialogue plus ou moins permanent – c’est une nouvelle contrainte. Un dialogue qui laisse une place à l’émotion et à l’humain. Et, enfin, un dialogue qui passe par les outils modernes de communication que sont les réseaux sociaux
».
Et Moreau-Chevrolet de poursuivre : « On peut juger que les Français ont bien ou mal évolué dans leurs pratiques politiques et culturelles. Mais le fait est qu’ils ont évolué. Et que leurs représentants doivent évoluer avec eux. Et non contre eux. Parce que cela ne marche pas. Tout simplement.
Une bonne illustration de cette problématique, c’est le débat sur le Traité européen de stabilité budgétaire. Pierre Moscovici, tout ministre qu’il est, a été hué par ses propres troupes lors de l’Université d’été du PS à la Rochelle. Parce qu’il défendait le Traité… A contrario, Marie-Noëlle Lienemann a été acclamée par les militants. Parce qu’elle s’y opposait. On sait où est l’opinion sur ce point. Selon un sondage CSA daté du 2 septembre, 72% des Français souhaitent un référendum sur le Traité. Cette question n’a pas été résolue depuis 2005 et la victoire du « Non ». Il va bien falloir entamer un dialogue. Et ce n’est qu’un exemple
».
Pour Philippe Moreau-Chevrolet, Hollande doit se rapprocher des français, leur parler d’avantage. « Hollande doit sortir de sa coquille. Il doit se défaire de ces archaïsmes et entamer un dialogue direct avec les Français. À partir de ce qu’il est, de ce qu’il veut, sans se trahir. Mais en tenant compte aussi de ce que sont les Français en 2012, de ce qu’est la société française, avec sa modernité, son intelligence, ses peurs, ses émotions, son besoin de sens ».

Reste que les médias commencent leur travail de sape. Tandis que Le Point titre « On se réveille ? », Valeurs Actuelles se demande si le Président de la République va « Déjà dans le mur ? » alors que Marianne, encore plus direct, enjoint Hollande de se « secouer » car « il y a le feu » ! A l’instar de ce qu’elle faisait il y a 5 ans avec Nicolas Sarkozy, la presse écrite dresse trop tôt le bilan de la Présidence Hollande (alors que celle-ci vient tout juste de commencer). Ces critiques, aussi acerbes que nourries, pourraient avoir plus d’effet qu’on ne le pense. C’est en effet dans les premiers mois de son mandat que Sarkozy a perdu le contact avec le peuple français. L’automne 2012 n’a pas encore commencé que le même schéma semble se reproduire avec François Hollande.
« The song remains the same » comme dit la chanson…

Un commentaire

  1. Hollande ne résoudra pas la crise mondiale en 24 H.
    Hollande ne résoudra pas la crise syrienne en 24 H. Sauf qu’il y a eu des précédents fâcheux où la crédibilité des pouvoirs en avait pris un coup pour nous en avoir fait un sale. Et donc, ce n’est pas demander à Hollande de se faire une stature de TV heroe que d’attendre de lui qu’il clarifie sa position H-24. S’il choisit de maintenir la bonne distance gaullienne entre le peuple et sa personne, que cela ne l’empêche pas de pousser sous mes yeux quelques uns de ses ministres les plus aguerris! Ce n’est pas le prochain épisode d’un feuilleton dont il me tarde de sucer le sang. Quand je vois Fabius tourner autour du pot moyen-oriental, c’est un peu moi que j’y vois, moi qui parmi quelques millions de ses concitoyens ai placé ma confiance dans la capacité de son camp à représenter ce que je voyais constituer un intérêt général dépassant de très loin la somme de nos intérêts particuliers. Le monde se délite. Pris dans son avalanche, certains d’entre nous envisagent la démocratie représentative comme une course de relais. Le peuple veut agir à travers ceux auxquels il a transmis son propre pouvoir. Je me doute bien que Fabius n’a pas baissé sa garde depuis son reTour, je ne lui demande pas de me faire son Majax; un Ajax ne dévoile pas les ficelles de son job, mais j’aimerais bien tout de même en savoir un peu plus. Non que je souffre de ne pouvoir consommer chaque soir de la semaine la belle gueule photoshoppée de son personnage récurrent, mais je me sens poursuivis par le fâcheux que j’évoquais plus haut, celui du Kosovo, celui du Rwanda, celui de la Bosnie où l’on aurait voulu s’assurer de visu qu’un ministre des Affaires étrangères ne se roulait pas les pouces et bien se garder de reprocher à l’homme-qui-a-une-idée-derrière-la-tête-évidemment-puisque-c’est-moi-qui-la-lui-ai-accrochée-dans-le-dos, ce philosophe dit «des Bains Douches» qui monterait s’ébrouer au front aussi longtemps que sa ligne durerait, d’avoir cherché à lui piquer sa place.
    Je suis d’accord avec l’idée qu’un citoyen éduqué n’acceptera plus que quiconque le rassoie sur la petite chaise du cours préparatoire. Hollande n’autoriserait personne à le lui faire, rappelez-vous le débat d’entre-deux-tours… François est un citoyen dont l’éducation n’est plus à faire. Cela dit, je ne pense pas que le citoyen d’un État aussi fort que le nôtre cherche à perdre sa notion de hiérarchie. C’est pourquoi ce dialogue horizontal de Moreau-Chevrolet, je l’investirai d’une mission verticale, et à l’instar d’une relation amoureuse, j’attendrai de la part de François Hollande qu’à chaque jour de son mandat il s’emploie à se comporter comme à chaque jour de sa campagne, à l’image de ce couple marié qui ferait mieux de se reconquérir heure après heure sous peine de connaître le sort que lui eût réservé une heure de relâchement avant la noce. Car aussi réfractaire qu’il soit à son institution, le mariage a été célébré entre le compagnon de Valérie Trierweiler et chacun de nous pris à part, qui enfonça la bague de sa longue vue au doigt de ce républicain viscéral, capable de s’enflammer sans pour autant se consumer, Hollande, qui n’est pas homme à se laisser impressionner par le foudre d’un Zeus, Hollande, qui à défaut d’être jovien s’était montré jovial des années durant, l’aurions-nous oublié? Hollande, qui nous fera bientôt la petite blague de bondir de sa boîte au bout de ce ressort dont il n’est pas en reste.